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Regards d'entrepreneurs sur la Chine

Publié par Amélie Moynot le

Qu'ils viennent de découvrir ce pays ou qu'ils y soient présents de longue date, ces cinq dirigeants, récemment rentrés de Pékin et du G20 des jeunes entrepreneurs, livrent leurs conseils pour réussir en Chine. Une économie en plein boom et une vraie opportunité... pour qui sait s'y prendre.

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© Canon France

Caroline Lisfranc, CL Premium

" La Chine est une société formidable qui travaille mais à sa manière ". C'est ce qu'indique Caroline Lisfranc, p-dg de CL Premium. Ce groupe spécialisé dans les objets publicitaires est présent en Chine depuis 2004 à travers un bureau de représentation situé dans le sud et qui compte aujourd'hui huit personnes.

Ici, pas de sens de l'initiative : " Les salariés ne se pose pas de questions, ils exécutent ", assure la chef d'entreprise. Le rêve pour un patron ? Pas vraiment ! "Cela rend difficile la mise en place de tous les processus car il faut vraiment penser à tout. Ils ne vont pas vous donner d'idées, ou trouver des solutions aux problèmes", explique celle qui s'y rend une semaine tous les deux mois pour, notamment, prendre les décisions qui s'imposent.

Un mode de fonctionnement intégré, poursuit-elle, dès le plus jeune âge. " Pour comprendre comment cela fonctionne, allez passer du temps dans une école chinoise, conseille la dirigeante. La méthode d'apprentissage y est basée sur la répétition. Les élèves passent leur temps à répéter les choses ". Un système qu'ils reproduisent ensuite dans leur vie professionnelle, en le mettant au service d'un nouvel objectif : gagner de l'argent.

Car voilà une autre différence de mentalité importante. " L'employé chinois veut gagner de l'argent et apprendre. Une fois que cet objectif sera rempli, il voudra partir. Il vous dit alors qu'il va le faire, vous remercie pour le temps passé chez vous. C'est très clair et très agréable. Cela se fait en bonne intelligence ", expose Caroline Lisfranc.

Pour cette raison - ou, en d'autres termes, puisque sa principale motivation est ailleurs - " la reconnaissance n'est pas importante pour les Chinois ", alors même qu'elle est un facteur de motivation essentiel en France. " Pas question, en revanche, de leur faire perdre la face ", complète la dirigeante. Ce qui n'est pas sans conséquence en termes de management. " Passez par le manager ou directement par l'employé. Ne mettez pas tout le monde dans la boucle ".

" Le travail n'a pas la même signification. Être heureux, s'émanciper, avoir des idées, mettre en place de nouvelles manières de procéder, ce n'est pas leur problème ", conclut la chef d'entreprise.

Caroline Lisfranc est fondatrice, présidente et directrice générale de CL Premium, concepteur d'objets publicitaires. Créée en 1987, la société compte 14 salariés et a réalisé 7 millions de chiffres d'affaires en 2015 dont 3 en France et 4 en Chine, où elle est présente à travers un bureau de représentation situé dans le sud de la Chine, employant huit personnes, toutes de nationalité chinoise.

Boris Saragaglia, Spartoo

Rien ne sert de courir... Pour Boris Saragaglia, p-dg de Spartoo, site de vente de chaussures, l'entrepreneur qui veut réussir en Chine doit absolument se montrer patient. " Les Chinois peuvent vous dire oui, attendre... Très sollicités, ils veulent s'assurer que vous serez là pour longtemps ", raconte le patron, présent dans le pays depuis deux ans et employant quatre personnes à Shanghai. Une qualité à conjuguer, par ailleurs, avec des talents de négociateur. " Une négociation se fait en plusieurs temps. Tant que ce n'est pas signé, c'est à renégocier. Et ce n'est jamais terminé même une fois signé... ", avertit le chef d'entreprise.

Autre différence culturelle de taille, selon lui : la relation au oui. " Les Chinois disent toujours oui pour ne pas perdre la face ". D'où la possible apparition de surprises, même après un accord sur le papier. Pas question, en effet, pour les professionnels chinois, de reconnaître un manque ou une faiblesse en public. Mais bien que cela implique du temps et de la complexité supplémentaires, il reste possible, par la suite et en privé, de trouver des solutions.

Boris Saragaglia est le p-dg de Spartoo, site de vente de chaussures, sacs et vêtements. Son entreprise compte 350 salariés et a réalisé 140 millions de chiffres d'affaires en 2015, dont la moitié à l'international. Présente en Chine depuis deux ans, elle emploie quatre personnes à Shanghai.


Farid Lahlou, Des Bras en plus

La découverte d'infrastructures et de mentalités complètement différentes. C'est ce qui frappe Farid Lahlou (au centre sur la photo), cofondateur de Des Bras en plus, service de déménagement low cost, lors de son premier voyage en Chine en septembre 2016. " Là-bas, le paiement sur mobile est déjà ancien. Il est courant de payer avec son téléphone, ne serait-ce qu'une canette dans la rue. Les centres commerciaux n'ont d'ailleurs pas de distributeurs... ", observe le dirigeant.

En termes de mentalités, " les Chinois sont très fiers de leurs entreprises ", remarque-t-il. De fait, " un Français qui s'installe là-bas doit être capable de proposer une expérience pas impersonnelle ".

Son conseil pour appréhender ce marché ? " Oublier tous ses a priori européens, se refaire une culture, et aussi s'entourer de locaux ". Car, comme il l'expliquait un peu plus tôt, " on ne vient pas faire du business en Chine par hasard. On ne peut pas faire un coup, il faut s'y installer de façon durable. Il faut comprendre les Chinois. Impossible de faire du business en Chine sans les aimer..."

Ce qui ne va pas sans un certain goût du risque. " Il faut aimer l'aventure, prendre des risques, sortir de sa zone de confort. Nous avons parlé à beaucoup d'expatriés. Chaque jour est une accumulation d'expériences et d'anecdotes..."

Farid Lahlou a fondé, avec Massoud Ayati et Zafar Baryali, Des Bras en plus, service de déménagement personnalisé à moindre coût. Comptant 45 salariés en France, l'entreprise, récompensée au Grand Prix des Chef d'Entreprise 2015, a réalisé 2 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2015, dont la quasi-totalité sur le territoire national, et projette de doubler ce chiffre en 2016.


Caroline Lamaud, Anaxago

" Un entrepreneur ne peut plus avoir les yeux seulement tournés vers les USA ". Une conviction pour Caroline Lamaud, cofondatrice de la plateforme de crowdfunding Anaxago, depuis qu'elle a découvert la Chine en septembre dernier.

" Il y a une vraie appétence des Chinois dans mon secteur d'activité, a-t-elle observé. Les gens adorent jouer, parier. Ils ont des comportements d'épargne similaires à ceux des Français : ils s'autorisent d'autres investissements après avoir mis de côté pour la résidence principale et l'éducation des enfants ".

Reste des différences d'échelle - les clients des banques chinoises se comptent en centaines de millions de personnes - et de niveau de maturité, le secteur de la banque de détail étant là-bas très développé. Sans oublier la prédominance de l'application WeChat. " Je l'utilise comme une messagerie. En Chine, on peut payer son loyer, ses factures avec... C'est un écosystème de vie incroyable ".

Vu cette avance, estime Caroline Lamaud, " aller tout seul en Chine sans faire une joint-venture est un peu complexe car c'est un marché qui va ultra vite. Les rattraper prendrait trop de temps. Mieux vaut donc miser sur un partenariat ".

De même, à cause de cette vitesse à laquelle le pays se développe, " quand vous êtes dans un lieu qui ne laisse pas de place à la lenteur, vous devez vous mettre en mode lean. On ne peut pas patienter six mois pour sortir son app... "

Ce qui requiert de grandes qualités pour réussir, à savoir " la capacité à faire la synthèse de ce qui se passe, à identifier rapidement ce qui va ou pas ", pour avancer. Et ne pas se laisser distancer.

Caroline Lamaud est la directrice marketing et communication de la plateforme de financement participatif Anaxago, qu'elle a cofondée avec Joachim Dupont et François Carbone. L'entreprise compte 25 salariés.

>> Relire le récit de son aventure chinoise dans le cadre du G20 des jeunes entrepreneurs ici et

© Creads

Ronan Pelloux, Creads

La Chine, un pays en plein boom économique... et pas seulement dans le textile. "Au niveau du Web et du mobile, elle est plus avancée que les États-Unis", observe Ronan Pelloux, directeur de la plateforme de création graphique Creads, lors de son voyage à Pékin en septembre 2016. "Regardez le succès de WeChat, qui gère toute la vie des Chinois, permet de payer dans tous les petits magasins..."

Et le chef d'entreprise de préciser également la caractère protectionniste de la politique du pays. " Les Chinois veulent empêcher les américains de venir mais il y a une vraie vision du gouvernement malgré tout perméable, ouvert sauf pour les gros mastodontes ". Si le gouvernement bloque l'accès à certains, " dès qu'il sent qu'un entrepreneur a du potentiel avec une solution locale, il lui facilite le travail. C'est pour cela qu'Uber s'est cassé les dents malgré un investissement de plusieurs milliards et que Google n' est pas disponible ".

Pas question donc d'espérer se développer en Chine sans " être capable de s'adapter aux contraintes du pays et du gouvernement ". Autre conséquence de cet environnement politique, " monter sa société en Chine est tout simplement impossible dans certains secteurs sans joint-venture ", estime le patron

Par ailleurs, Ronan Pelloux rappelle la différence en matière de droit des marques - qui l'avait, jusqu'alors, dissuadé de s'installer dans le pays, à cause du problème de la contrefaçon, dont la Chine est réputée être le royaume.

Si " les choses sont en train de changer ", reste pour les entrepreneurs sur place à " faire attention à leur marque ". " Les Chinois déposent en local les marques qui marchent bien à l'étranger. Il faut le comprendre et l'intégrer " avant d'espérer se faire une place dans le marché.

Ronan Pelloux est le directeur associé et fondateur de Creads, plateforme de création graphique. Sa société compte une trentaine de salariés et revendique une croissance à deux chiffres.


Le G20 YEA

Ces cinq chefs dirigeants faisaient partie de la délégation française du G20 YEA (Young Entrepreneurs' Alliance). Ce sommet d'entrepreneurs du monde entier s'est tenu à Pékin en septembre 2016 dans l'optique d'élaborer, à destination des dirigeants politiques du G20, des propositions concrètes pour améliorer l'entrepreneuriat dans le monde. Ronan Pelloux en était l'un des sherpas.

>> Retrouvez d'autres conseils pour faire du business en Chine ici et

Visuel transmis par Anaxago

Amélie Moynot

Amélie Moynot

Journaliste

Journaliste depuis 2009, j’ai rejoint la rédaction de Commerce Magazine, Artisans Mag’ et Chefdentreprise.com en 2015. Mes domaines de [...]...

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