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1 - Les entreprises réfléchissent au sens de leur mission

Le statut de société à mission est bien plus qu'un slogan communicant. Tour d'horizon des sociétés qui envisagent désormais les relations avec leurs parties prenantes sur le long terme.

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La marque de mode Faguo réalise déjà un bilan carbone, diminue ses émissions de CO2, propose dans son vestiaire 80% de pièces réalisées à partir de matières recyclées. Pour chaque pièce confectionnée, elle a aussi planté en dix ans plus de 1,8 million d'arbres contribuant ainsi à sa neutralité carbone. Mais la jeune marque a décidé d'aller plus loin en devenant en janvier 2020 une entreprise à mission. L'objectif de l'entreprise: montrer que sa mission d'engager les générations actuelles contre le dérèglement climatique n'est pas du bluff. "La logique de mission transforme le processus décisionnel. Elle devient une boussole stratégique et nous permet de structurer encore plus nos engagements", explique Romain Teissedre, responsable communication de la marque Faguo.

Avant Faguo, d'autres entreprises se sont engagées dans ce statut promulgué par la loi Pacte de 2019, comme le groupe Rocher, la Camif, spécialiste de l'aménagement local et durable ou la Maif. Selon l'observatoire des sociétés à mission publié jeudi 21 janvier 2021, elles étaient 88 fin 2020 et plus de 100 début 2021, avec une forte accélération (plus de 60%) enregistrée au troisième semestre 2020. Pour prétendre à cette qualité de société à mission, l'entreprise doit respecter plusieurs conditions. Elle doit non seulement préciser une raison d'être dans son statut.

Ce dernier, qui doit être déclaré au greffe du tribunal du commerce, doit formuler la mission, son impact social, sociétal ou environnemental, les objectifs chiffrés ainsi que les modalités de suivi. Toute mission d'intérêt collectif ou général, telle que la protection de l'environnement, le maintien d'une implantation locale ou la revitalisation d'une région, peut ainsi figurer dans le statut. Autre obligation: les enjeux de la mission doivent être intégrés dans la gouvernance de l'entreprise, soit au sein de l'organe de contrôle principal, soit par la création d'un comité de mission distinct. Un dispositif clairement destiné à inciter les entreprises à adopter un comportement plus vertueux. "Se doter d'une mission est loin d'être un argument marketing, une simple déclaration d'intention, avance Emmanuel Richard, fondateur d'Extens Consulting, cabinet de conseil spécialiste de la relation client créé en 2013. La loi impose un suivi. L'exécution des objectifs doit faire l'objet d'une vérification par un organe tiers et indépendant. Cela implique donc d'être audité régulièrement pour vérifier la cohérence entre l'objectif qu'on s'est donné et la réalité du terrain. C'est une différence majeure entre une société qui fait de la communication et embarque ses clients avec de très belles déclarations d'intention, et une entreprise qui se met en mouvement de transformation. La mission dépasse ici l'intention."

Cultiver la "centricité" client

Devenir une société à mission revient donc nécessairement à inscrire l'entreprise dans le long terme et s'interroger sur ce que cela implique concrètement. À quels besoins et à quelle raison d'être répondent mes activités? Quelle est la fonction de mes produits et services et comment impactent-ils tout l'environnement de l'entreprise? Comment peuvent-ils répondre aux attentes des consommateurs à court, moyen, long terme? Jusqu'où cette notion de mission peut-elle embarquer le client?

Toutes ces questions, Benoît Bourla, fondateur d'Amicio, qui opère une activité de conseil en relation client et d'externalisation de relation client et envisage de s'inscrire sur le chemin de l'entreprise à mission, se les pose depuis un an. "L'inscription d'une raison d'être dans les statuts induit une vague de changements internes et une modification de la relation avec ses clients. Il faut définir tous les champs sur lesquels nous souhaitons nous inscrire, trouver les indicateurs de ces engagements. Si j'insère demain dans mes statuts une mission en lien avec l'amour du client, reposant sur la confiance et la transparence, et que je traite par exemple la relation client d'un assureur, je dois tenir mes promesses, construire une relation durable, pérenne, être capable de dire à mon client qu'il n'a pas besoin de cette garantie, mais aussi m'engager à ne plus collaborer avec un donneur d'ordre qui ne respecterait pas mes valeurs et mes engagements statutaires", donne en exemple Benoît Bourla.

Selon Emmanuel Richard, les entreprises doivent mettre en place une stratégie axée, non plus vers le produit, mais vers la connaissance et la fidélisation des clients. "Une entreprise à mission doit cultiver la centricité client, se poser la question de ce qui compte pour le consommateur et faire de la satisfaction client un vrai projet d'entreprise. Il ne faut ainsi pas hésiter à établir un dialogue sincère, le sonder afin de lui apporter quotidiennement quelque chose de différent et lui communiquer plus d'informations sur la manière dont l'entreprise réalise ses services. Pour que les clients apprécient une entreprise, il faut donc avoir une image de marque et des valeurs qui correspondent à sa cible mais qui soient surtout sincères. Les consommateurs veulent partager des valeurs communes avec l'entreprise, renchérit Emmanuel Richard. Car après des mois de confinement, leurs attentes se sont renforcées. Ils veulent plus de transparence et attendent d'une marque qu'elle ait un impact positif."

Faire preuve de pédagogie

Les périodes de crise peuvent donc être propices pour opérer un virage important des pratiques. La société Anaïk, spécialisée dans la conception et la fabrication de cadeaux promotionnels pour de grandes marques internationales de la cosmétique (LVMH, L'Occitane...) et basée à Villeneuve-d'Ascq près de Lille (Nord), est devenue société à mission fin septembre 2020. Avec deux objectifs forts: la remise en cause de la fabrication des objets afin de générer un impact positif et durable pour les personnes et la planète et devenir le référent du marketing émotionnel éthique et écoresponsable. Première concrétisation de cet engagement: la conception de sacs issus du recyclage de matières textiles dans un atelier de 120 personnes implanté dans les Hauts-de-France qui agit dans une démarche sociale et travaille avec des salariés éloignés du marché de l'emploi. "Devenir une entreprise à mission est une évidence car nous sommes engagés dans une démarche RSE depuis 2007. Ce statut nous permet de structurer nos actions mais aussi d'établir un dialogue différent avec nos clients. Notre objectif est de les convaincre de nous accompagner dans cette démarche en étant moins regardant sur les prix et plus soucieux de l'impact de la fabrication des cadeaux promotionnels. Le regard de certains clients a changé. Plusieurs d'entre eux sont réceptifs", se satisfait Frédéric Delloye, dirigeant de la société.

Pour créer une relation continue, solide et parvenir à faire évoluer les mentalités, la marque Faguo fait aussi preuve de pédagogie, et communique en totale transparence avec ses consommateurs, sur les réseaux sociaux, dans ses newsletters. "Nous aidons les clients à s'inscrire dans une pratique de consommation complète, responsable, en leur expliquant comment allonger la durée de vie de leur vestiaire. Dans les boutiques, nous affichons aussi les dates pendant lesquelles il est possible de réparer leurs vêtements", confie Romain Teissedre. Autre initiative: l'enseigne met en place un corner de seconde main et une borne de recyclage pour y déposer les pièces usagées.

Penser collectivement

La pédagogie et la communication ne suffisent toutefois pas. Il est aussi nécessaire de repenser les modèles managériaux afin d'organiser le collectif pour que celui-ci puisse se mobiliser au mieux au service de la mission. "Cette démarche ne peut pas être la lubie d'un patron mais le mouvement de la totalité d'une entreprise. Tous les services doivent transpirer et s'emparer de la qualité de la relation client, des valeurs et des engagements. Il faut créer une logique de confiance en interne au sein des équipes, à travers la bienveillance. Les salariés doivent se sentir partie prenante. C'est parce qu'ils vivent dans cette confiance qu'ils vont être prêts à la faire vivre aux clients", atteste Benoît Bourla.

Pour que chaque salarié se sente investi, la marque Faguo a décidé de confier à chacun des collaborateurs une mission RSE. "Pour inscrire nos actions dans le temps, tous les collaborateurs sont chargés de RSE. Ils doivent par exemple réussir le lancement de la gamme textile et réduire en parallèle l'empreinte carbone de chaque pièce", ajoute Romain Teissedre. La mission devient aussi bien une boussole utile, fédératrice qu'une attente des parties prenantes et des clients alors que les entreprises sont questionnées sur leur rôle sociétal.

Mallory Lalanne

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