[Portrait] : Thomas Métivier, "Le déterminé"

À 38 ans, Thomas Métivier est P-dg de Cdiscount. Le Bordelais d'adoption n'aime rien tant que faire bouger les choses en partant du terrain. Une recette gagnante. Au premier trimestre, 67,1 % du volume total des ventes réalisées par l'e-commerçant provenait de ses activités de marketplace.

La première chose que l'on note chez Thomas Métivier, c'est sa rapidité d'élocution. Le patron de Cdiscount parle aussi vite que se meuvent les rouages bien huilés de son cerveau de polytechnicien (X-Mines). Il démarre sa carrière chez Lafarge en 2009. Pendant un peu plus d'un an, il se penche sur les enjeux de construction durable avec des architectes, des bureaux d'études et des constructeurs. "Une belle expérience qui posait déjà de vraies questions sur l'innovation", se souvient-il. Puis, sans transition, il fait un passage rapide chez Pernod Ricard au marketing mondial des whiskys Chivas à Londres. "Deux salles, deux ambiances", résume-t-il, rieur.

Sur le terrain avec les entreprises

S'ouvre alors un long chapitre au sein de la fonction publique de 2009 à début 2016. Après une mission au sein du Secrétariat général pour les affaires régionales de l'Aquitaine, il intègre la Direction régionale des entreprises. Au bout de deux ans, il devient directeur régional adjoint en charge des politiques économiques et des politiques de l'emploi. L'expérience est formatrice "en raison de la proximité avec le tissu économique et la fréquentation d'un grand nombre d'entreprises à des moments de vie différents dans une grande variété de secteurs". Il devient ensuite directeur régional adjoint et chef du pôle Économie, Emploi, Entreprises. C'est là qu'il rencontre Serge Lopez, alors directeur régional à la Direccte. Désormais retraité, ce dernier partage ce souvenir : "Après la réforme territoriale de 2015, les collectivités territoriales du Limousin, du Poitou-Charentes et de l'Aquitaine ont été fusionnées. Thomas voulait conserver sa casquette sur ce nouveau territoire mais le préfet a jugé que cela ferait trop pour un seul homme. Thomas a préféré partir. Cela vous donne une idée de l'ambition du garçon !", dit Serge Lopez.

L'entreprise grandeur XXL

C'est le moment où Casino lui propose de rejoindre Cdiscount en février 2016. Thomas Métivier accepte. Le voilà directeur de mission au sein du département de la stratégie. L'endroit idéal pour découvrir le groupe et ses activités. "Ce qui m'a plu à l'époque, c'était la dimension technologique et l'occasion de faire bouger les choses. Il y avait beaucoup à apprendre. C'était aussi un moment de bascule où les modes de consommation et le lien avec les consommateurs évoluaient", souligne-t-il. La rencontre avec Emmanuel Grenier le marque. L'actuel directeur de l'e-commerce, de la data et de la transformation digitale de Carrefour est alors CEO de Cdiscount. "Je suis ravi qu'il ait pris ma suite. En tant que dirigeant, lorsqu'il a impulsé sa réorganisation, il a pris des risques et les a assumés. Changer une équipe, c'est un acte managérial important", affirme Emmanuel Grenier qui voit régulièrement son successeur et échange avec lui.

Après avoir piloté la marketplace, l'international, la stratégie et l'innovation pendant cinq ans, il prend les rênes d'Octopia, filiale de Cdiscount spécialisée dans le développement de marketplaces. Puis, il devient directeur général de Cdiscount en janvier 2023 avant de prendre les commandes du groupe en tant que P-dg en mars 2024. Cdiscount n'a pas à se plaindre de la stratégie impulsée par son patron actuel. À la sortie de la crise sanitaire, le groupe opère un pivot stratégique en développant la marketplace et le retail media. La recette fonctionne. "Aujourd'hui, nous sommes dans une dynamique de croissance qui se confirme. Nous avons une base clients hyper fidèle et engagée. Nous avons un élément de différenciation puissant avec une promesse très forte sur le prix et les facilités de paiement", complète-t-il.

Changer de paradigme

Le patron de Cdiscount ne croit qu'aux vertus du terrain. Il y passe au moins une journée par semaine, mettant en oeuvre les principes du lean management. "Même si notre groupe est très axé sur la technologie, nous sommes avant tout des commerçants. Notre travail quotidien est de nous tourner davantage vers nos clients et de voir comment nous pouvons renforcer nos marques. Un changement de modèle nécessite de faire évoluer la culture de l'entreprise," conclut-il. Dans cette démarche, Thomas Métivier est accompagné par Christophe Riboulet, en tant de président de l'Institut Lean France. Son président, Christophe Riboulet, est également à la tête de Proditec : "Thomas a renversé l'approche qui prévalait jusqu'ici dans le groupe plus tourné vers la masse et les volumes. Il discute avec les équipes support en leur disant "ouvre-moi un e-mail et explique-moi quel est le problème du client", que ce soit un consommateur ou un vendeur sur la marketplace", explique-t-il.

Un esprit curieux de tout

Ce presque quadragénaire est aussi le papa bien occupé de quatre garçons, âgés de 4 à 13 ans. "Il va falloir que je me remette au tennis si je ne veux pas me faire battre rapidement par mes fils", dit-il, toujours l'instinct de compétition chevillé au corps. Quand les agendas de toute la famille sont alignés, c'est direction l'opéra de Bordeaux. Tous les enfants sont musiciens et Thomas Métivier se remet doucement à la pratique du violon, instrument qu'il a découvert étant jeune. "Il y a des opéras adaptés au jeune public alors nous en profitons en famille", dit-il. Le Bordelais est une région qui l'a vite séduit. "J'ai pu voir comment la ville de Bordeaux s'est transformée sur le plan numérique. Plein de start-up ont été créées, parfois par d'ex-collaborateurs de notre groupe", ajoute-t-il. Thomas Métivier aime aussi voyager avec femme et enfants. Après la Grèce en avril, la Californie et les beautés du Grand Canyon cet été !