Nestlé Waters en eaux troubles : une campagne pour rassurer
Publié par Jérôme Pouponnot le - mis à jour à
C'est la première prise de parole directe de Nestlé Waters depuis le début du scandale des eaux minérales traitées dans lequel est empêtré le groupe Suisse. Face à cette crise, le géant agroalimentaire sort enfin de son silence avec le lancement d'un dispositif de communication.
Une première prise de parole après six mois de silence. En effet, à partir de cette semaine, un dispositif de communication va être mis en place à destination des consommateurs. Il concernera la GMS et également le circuit des cafés, hôtels et restaurants. Cette offensive médiatique semble être une première réponse du Groupe Nestlé Waters sur les accusations de traitements illégaux de ses eaux minérales.
L'ampleur de la campagne témoigne de l'urgence de la situation pour Nestlé Waters. En magasins, 50 000 stop-rayons vont être installés. Les consommateurs pourront avoir accès à un message d'information sur les eaux Perrier, Hépar et Contrex, via un QR Code. Cette approche digitale permet au groupe de délivrer des messages détaillés tout en évitant les contraintes de l'affichage traditionnel.
Pour s'assurer de la conformité de sa communication, Nestlé Waters a fait valider les éléments de cette opération de communication par la DGCCRF. Cette validation préalable illustre la sensibilité du contexte réglementaire dans lequel évolue désormais l'entreprise.
La pression des délais très courts
Le timing de cette campagne n'est pas anodin. Après la publication du rapport sénatorial le 19 mai 2025 accablant Nestlé Waters et pointant les manquements de l'État, le contexte est, il est vrai, hautement sensible. Ce rapport parlementaire, qui dénonce "Une dissimulation par l'État" relevant "D'une stratégie délibérée", a encore aggravé la situation du groupe.
La pression s'intensifie également sur le plan administratif. Le 7 mai dernier, la préfecture du Gard a fait part de sa décision d'interdire dans un délai de deux mois le dispositif de microfiltration installé sur le site de Vergèze dans le Gard d'où sort l'eau Perrier. Les motifs invoqués sont clairs : les filtres utilisés, d'un calibre de 0,2 micron, modifieraient la qualité microbiologique de l'eau, en contradiction avec la réglementation stricte qui encadre les eaux minérales naturelles.
Les origines du scandale
L'affaire remonte aux révélations de la presse début 2024. Le 30 janvier 2024, une enquête du journal Le Monde et de la cellule investigation de Radio France affirmait que 30 % des marques du groupe Nestlé avaient recours à des systèmes de purification interdits. Ces pratiques incluaient "injection de sulfate de fer et de CO2 industriels, microfiltration inférieure", autant de traitements prohibés par la réglementation européenne sur les eaux minérales naturelles.
L'association Foodwatch, fer de lance de la dénonciation de ces pratiques, souligne que ces entreprises "Auraient eu recours à des systèmes de traitement de leurs eaux minérales interdits par la réglementation. D'après cette enquête, le gouvernement était au courant. C'est une tromperie pour les consommateurs et consommatrices, qui n'en n'ont rien su."
Un double message pour limiter les dégâts
Face à cette crise, Nestlé Waters mise sur la transparence avec deux axes de communication principaux. "Nos eaux peuvent être consommées en toute sécurité et ne présentent aucun risque pour la santé", insiste en premier lieu le groupe, citant les autorités sanitaires.
Le second message s'avère plus délicat à porter. Le groupe tente d'expliquer la situation administrative temporaire dans laquelle se retrouvent ses marques Perrier, Contrex et Hépar. En raison du retrait demandé du système de microfiltration par les préfectures du Gard et des Vosges, la mention "Eau minérale naturelle" présente sur les étiquettes pourrait, transitoirement, ne pas correspondre à la définition réglementaire stricte.
L'enjeu commercial en ligne de mire
Cette approche de communication transparente, si elle peut sembler risquée, répond à une nécessité : maintenir la confiance des consommateurs. Le calendrier serré imposé par les préfectures ajoute une pression supplémentaire. Concrètement, Nestlé Waters a jusqu'à la fin du mois de juin pour retirer ce dispositif de microfiltration de son site vosgien et jusqu'au 7 juillet pour le site de Vergèze dans le Gard.
Cette campagne de communication représente donc un pari pour Nestlé Waters : celui de transformer une crise majeure en opportunité de dialogue avec les consommateurs, dans l'espoir de préserver ses positions sur un marché désormais fragilisé par les révélations sur les pratiques de l'industrie.