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Auchan, Carrefour, E.Leclerc et Picard mis en demeure

Publié par Jérôme Pouponnot le - mis à jour à

Auchan, Carrefour, E.Leclerc et Picard sont sommés de rendre leurs services en ligne accessibles aux personnes aveugles sous peine de poursuites. Un ultimatum fixé au 1er septembre 2025, porté par des associations déterminées à faire respecter les droits numériques de millions de Français.

Le 7 juillet, les associations ApiDV et Droit Pluriel, accompagnées par le collectif de juristes Intérêt à Agir, ont mis en demeure quatre acteurs majeurs de la grande distribution française : Auchan, Carrefour, E.Leclerc et Picard Surgelés. Cette action fait suite à un appel à témoignage qui a permis d'identifier les entreprises les plus défaillantes en matière d'accessibilité numérique.

Les constats sont clairs : Auchan pour son site internet et son application mobile, Carrefour pour son site, E. Leclerc pour sa plateforme en ligne, et Picard Surgelés pour son site et son application ne respectent pas les standards d'accessibilité. Ces défaillances constituent une "discrimination sérieuse" pour les personnes en situation de handicap visuel, selon les associations.

Depuis le 28 juin 2025, le code de la consommation impose aux entreprises françaises de commercialiser des produits et services accessibles à tous, conformément à la directive européenne 2019/882 dite "Acte européen sur l'accessibilité". Cette mesure, qui complète la loi du 11 février 2005 sur l'égalité des droits des personnes handicapées, concerne directement les services numériques : sites internet, applications mobiles, services de commande en ligne et espaces clients.

Les entreprises avaient pourtant bénéficié d'un délai de deux ans pour se mettre en conformité. Malgré ce temps d'adaptation, la situation reste critique : selon l'Observatoire du respect des obligations d'accessibilité numérique, seuls 3,4 % des sites internet des grandes entreprises sont accessibles en juin 2025.

Des témoignages qui illustrent le handicap au quotidien

Les témoignages recueillis révèlent l'ampleur du problème. Céline, utilisatrice aveugle du site Picard, ne peut pas choisir le mode de livraison click and collect gratuit et doit obligatoirement recourir à la livraison payante. Adrien, utilisateur aveugle d'iPhone, ne parvient pas à naviguer entre les rubriques ou sélectionner des produits sur l'application. Matthieu, malvoyant, dénonce le manque de contrastes sur le site Carrefour qui l'empêche de lire certains prix.

"Quand on est aveugle ou malvoyant, et qu'on ne peut pas faire ses courses seul dans un magasin, la seule façon d'être autonome, c'est de faire ses courses en ligne. L'inaccessibilité des sites nous prive de la possibilité d'être autonome et nous rend dépendant d'un proche ou d'un vendeur", témoigne Pierre, utilisateur concerné.

Un enjeu qui dépasse le secteur de la distribution

Cette mise en demeure suit une démarche plus large de défense des droits numériques. En mai 2024, le Tribunal administratif de Paris avait déjà condamné l'État pour son refus d'agir concernant l'accessibilité des espaces numériques de travail de l'Éducation nationale, une première juridique obtenue par les mêmes associations.

Les solutions techniques existent pourtant : activation de tous les éléments par clavier, navigation vocale, descriptions d'images, alternatives textuelles aux informations colorées, structuration correcte des pages et formulaires. Ces mesures, connues et réalisables, permettraient aux 12 millions de Français concernés par l'accessibilité numérique de retrouver leur autonomie.

L'ultimatum du 1er septembre

Si les quatre entreprises ne se conforment pas à leurs obligations d'ici le 1er septembre 2025, elles seront assignées en justice. L'objectif affiché par les associations est clair : rendre accessibles les grands acteurs de la vie quotidienne et garantir à chaque individu le respect de sa vie privée et son autonomie.