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Accessibilité numérique : l'heure des comptes pour les e-commerçants français

Publié par Elsa Guerin le - mis à jour à

Demain, samedi 28 juin 2025, l'European Accessibility Act (EAA) entre officiellement en vigueur. À compter de cette date, tous les sites de e-commerce - à l'exception des microentreprises - devront proposer des services numériques pleinement accessibles aux personnes en situation de handicap. Un basculement attendu depuis six ans, mais pour lequel la majorité du secteur n'est pas encore prête.

Votée en 2019 au niveau européen, transposée dans le droit français en 2022, cette directive impose aux e-commerçants de rendre accessibles toutes les étapes du parcours client : navigation, inscription, commande, paiement, mails de suivi, SAV, réclamations... L'ensemble doit respecter les principes d'accessibilité définis par les standards internationaux (WCAG) : contenus perceptibles, interfaces utilisables, informations compréhensibles et systèmes robustes.

Un marché encore loin de la conformité

La Fevad (Fédération de l'e-commerce et de la vente à distance) confirmait déjà au printemps que moins de 10 % des sites français étaient totalement conformes en 2024. Un chiffre d'autant plus préoccupant que 12 millions de Français vivent avec un handicap, et que plus de 80 % d'entre eux utilisent Internet pour effectuer des achats.

Manuel Pereira, responsable accessibilité numérique à l'Association Valentin Haüy, affirme pour sa part que "90 à 95 % des sites e-commerce sont encore en retard". Les dysfonctionnements concernent aussi bien les sites de luxe, d'assurance que de grande distribution : boutons non vocalisés, menus inaccessibles au clavier, textes mal hiérarchisés, contrastes faibles, etc.

Des sanctions financières dès demain

Dès le 28 juin, le contrôle sera assuré par la DGCCRF. Un manquement pourra entraîner une amende de 7 500 €, doublée à 15 000 € en cas de récidive. Une entreprise qui ne respecte pas l'accessibilité pourra également être signalée via la plateforme SignalConso, désormais élargie aux cas liés à la directive. Seules les microentreprises (moins de 10 salariés et 2 M€ de chiffre d'affaires ou de bilan annuel) sont exemptées.

Une obligation, mais aussi une opportunité

Au-delà de la conformité, l'accessibilité est aussi un levier de performance, comme le souligne Marc Lolivier, délégué général de la Fevad : "Elle améliore l'expérience utilisateur pour tous et renforce la fidélité client." Une réalité confirmée par les chiffres :

- 71 % des clients ayant des besoins spécifiques quittent un site inaccessible.

- 82 % sont prêts à payer plus cher pour un site utilisable.

- 60 % des entreprises interrogées reconnaissent avoir perdu des clients à cause d'un manque d'accessibilité.

Des outils se développent : widgets d'aide à la navigation, composants accessibles, formations certifiantes (Opquast) ou encore prestataires d'audit spécialisés (comme mc2i). Mais attention, rappelle Manuel Pereira : "Un lecteur audio ne suffit pas. Il faut penser l'accessibilité dès la conception." Il ajoute également : "Il y a aussi une opportunité business : fidéliser une clientèle autour du handicap, souvent oubliée, et augmenter ainsi son chiffre d'affaires."

Un enjeu de société

C'est un enjeu de société, d'inclusion et de respect des droits fondamentaux. L'e-commerce, par sa nature, est une porte d'autonomie pour des millions de consommateurs handicapés. "Il ne faut pas oublier que l'accessibilité numérique est un enjeu de société. Pour les 12 millions de personnes en situation de handicap en France, l'e-commerce représente une opportunité d'autonomie...", conclut le responsable accessibilité numérique de l'Association Valentin Haüy.