Les e-commerçants en quête du Graal du bas carbone
Publié par Emmanuelle Serrano le - mis à jour à
Selon les chiffres clés e-commerce de la Fevad pour 2025, l'engagement des marchands online en faveur de la RSE constitue la troisième priorité dans leurs investissements. Mais pour mesurer les avancées réalisées dans ce domaine, encore faut-il se doter des bons outils.
Nul ne peut nier que les retailers off- et online se retroussent les manches pour abaisser le plus possible leur impact environnemental, même si près de 80 % de l'impact CO2 est exclusivement attribuable aux produits distribués. Une enseigne comme Fnac Darty a mis l'économie de la réparation au coeur de son plan stratégique "Everyday". En 2023, le groupe a ainsi réparé 2,5 millions de produits de petit et de gros électroménager, contre environ 1,6 million en 2018-2019. De son côté, La Reboucle, le service de vente de seconde main de La Redoute, a franchi le cap des 50 000 produits proposés fin 2024.
Ces deux entreprises sont d'ailleurs signataires de la charte pour la réduction de l'impact environnemental de l'e-commerce, dont la deuxième édition a été actualisée en 2024 et signée à Bercy le 3 mars dernier. Mais le diable se cache dans les détails. "Dans le sillage de la fast fashion et de modèles de consommation extrêmement fluides, on note une augmentation importante du petit colis, voire du très petit colis", fait remarquer Philippe Vachet, directeur général de l'Agence Lucie, structure spécialisée dans la labellisation en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Au demeurant, les propositions du Gouvernement de faire payer par les plateformes "des frais de gestion" de "quelques euros" pour les petits colis en provenance de Chine, risquent fort de n'être que des "mesurettes", selon Yann Rivoallan, président de la Fédération française du prêt-à-porter féminin.
"Les clients et consommateurs expriment des attentes croissantes en matière de RSE quand ils achètent.",
Un chantier incontournable promu par le législateur
"Les clients et consommateurs expriment des attentes croissantes en matière de RSE quand ils achètent. Si ce n'est pas leur premier critère, le prix et le choix restant prioritaires, cela devient un facteur de plus en plus présent dans leurs décisions. Ces souhaits sont très forts chez les jeunes générations, mais cela ne va pas sans certaines contradictions. Comme on peut le voir, ces mêmes jeunes achètent parfois sur des sites de fast fashion", observe Marc Lolivier, délégué général de la Fédération e-commerce et vente à distance (Fevad).
Dans ce domaine de la mode express ou "jetable", le législateur agit. La proposition de loi anti-fast fashion, qui doit être examinée à l'automne en commission mixte paritaire par les parlementaires, a pour ambition de réduire l'impact environnemental de l'industrie textile. Toutefois, les lobbies sont aux aguets... Rendez-vous dans quelques semaines pour voir si le texte franchit cette barrière puissante.
Un enjeu de documentation et de traçabilité
Les lois (Agec, Climat, etc.) font office d'aiguillon et suscitent des chantiers vertueux chez les retailers et les pure players de l'e-commerce. "Réduire le vide dans les emballages des colis permet d'abaisser son bilan carbone car on consomme moins de cartons et on optimise le transport", mentionne Marc Lolivier. Le dernier kilomètre reste un point d'attention pour tous les acteurs de la chaîne de valeur du commerce électronique.
Pour que le consommateur puisse faire un choix éclairé, encore faut-il qu'il dispose de données fiables. "Il est indispensable de progresser dans ce domaine en donnant un maximum d'informations aux acheteurs sur les retombées carbone du mode de livraison", déclare Marc Lolivier. "Quand on achète en ligne, le transport le moins polluant n'est pas forcément mis en avant. Le gain écologique lié au choix d'une solution de livraison par rapport à une autre n'est pas explicité", confirme Philippe Vachet.
Lutter contre le suremballage en laissant le choix au consommateur de prendre ou non cette option de packaging va aussi dans le bon sens. "Nous réfléchissons à la possibilité d'associer les membres de notre commission RSE aux travaux menés par Citeo pour trouver le meilleur modèle en la matière", explique Hugo Jublan, responsable RSE, paiement et logistique au sein de la Fevad. Rappelons que Citeo est l'éco-organisme en charge de la responsabilité élargie des producteurs (REP) pour les papiers et les emballages ménagers.
"Le gain écologique lié au choix d'une solution de livraison par rapport à une autre n'est pas explicité.", Philippe Vachet, directeur général de l'Agence Lucie.
Une mue qui exige un cadre de pilotage
Pour bien mesurer les avancées réalisées par les e-commerçants et retailers pour réduire leurs émissions carbone, des indicateurs précis et étayés sont primordiaux. La deuxième version de la charte pour la réduction de l'impact environnemental de l'e-commerce a bien intégré cette nécessité. Dans ce cadre, la Fevad va ainsi gérer un indicateur des retours. "Nous collecterons des données relatives à ce sujet auprès de nos adhérents. Elles seront anonymisées bien entendu car ce sont des informations confidentielles", indique le délégué général de la Fevad. Les méthodologies pratiques sont en cours de discussion au sein de la commission RSE de la fédération.
"Pour aider nos adhérents sur le chemin de la livraison décarbonée, nous avons invité l'Ademe pour qu'elle leur présente son outil Impact CO2 qui permet de comparer l'impact carbone des modes d'achat en matière de livraison", souligne Hugo Jublan, responsable RSE, paiement et logistique au sein de la Fevad. Les acteurs de l'e-commerce poursuivent donc leurs efforts pour améliorer la durabilité de leurs activités au sens large, à l'appui de bons indicateurs suivis dans le temps. L'enjeu reste au niveau de la filière de "ne pas voir émerger un (e)-commerce à deux vitesses avec d'une part des sociétés vertueuses car en ayant les moyens et d'autre part des entreprises qui le seraient moins car manquant des ressources nécessaires pour y parvenir", met en garde Marc Lolivier.
À SAVOIR
Le reconditionnement poursuit sa croissance en France
Les perspectives du secteur du reconditionnement semblent particulièrement prometteuses dans l'Hexagone, si l'on en croit l'édition 2025 de l'indice de la reprise établi par Recommerce avec Kantar Insights pour la 8e année consécutive. Environ 30 % des Français interrogés dans le cadre de cette étude manifestent ainsi un intérêt pour la revente de leurs tablettes, consoles de jeux vidéo et ordinateurs personnels. Plus d'un Français sur cinq utilise un smartphone d'occasion (22 %) et 45 % (+27% par rapport à 2018) ont déjà acheté un smartphone de seconde main auprès d'un professionnel ou d'un particulier. Ces réflexes font de la France un très bon élève en termes d'achat d'occasion par rapport à ses voisins allemands (17 %), belges et néerlandais (15 %) notamment.