Titres-restaurant : CoReCT veut briser le monopole des géants
Publié par Jérôme Pouponnot le - mis à jour à
Face à l'oligopole des titres-restaurant, cinq acteurs (Lucca, Worklife, Contakt, Coup de pousse et Ekip) lancent CoReCT pour réformer un marché jugé opaque et coûteux. Objectif : casser les pratiques abusives, alléger les commissions des restaurateurs et rétablir une concurrence saine grâce à un modèle bancaire ouvert et transparent.
Un collectif pour briser la domination des leaders historiques ? Cinq acteurs émergents - Lucca, Worklife, Contakt, Coup de pousse et Ekip - viennent en effet de lancer le Collectif pour le Rééquilibrage des Commissions Titre-restaurant (CoReCT), avec un objectif clair : mettre fin à la domination des quatre géants historiques que sont Swile, Endered, Pluxee et UpCoop, qui contrôlent plus de 95 % du marché.
Cette initiative intervient dans un contexte particulièrement favorable, alors que la ministre Véronique Louwagie s'apprête à annoncer une réforme majeure du dispositif d'ici la fin du mois. L'Autorité de la concurrence elle-même a qualifié cette situation d'oligopole, ouvrant la voie à une remise en question du modèle économique actuel.
Des commissions jugées "insupportables" par les restaurateurs
Le système actuel fait grincer des dents. Selon une étude menée par Lucca et Augmented Talent auprès de 285 professionnels, 86 % des restaurateurs jugent inacceptables les commissions qu'ils doivent verser aux émetteurs de titres-restaurant, qui s'élèvent en moyenne à 4,5 % du montant encaissé. Plus préoccupant encore, 31 % d'entre eux ont déjà refusé certains titres, mettant en péril un dispositif pourtant plébiscité par les Français.
"Sur un chiffre d'affaires annuel de 50 000 € en titres-restaurant, un restaurant peut perdre jusqu'à 2 250 € par an en commissions - une somme considérable pour un commerce de proximité où les marges sont très contraintes", explique Gilles Satgé, porte-parole du collectif et dirigeant de Lucca.
Trois dérives structurelles dénoncées
Le collectif CoReCT pointe du doigt trois pratiques qui faussent la concurrence. D'abord, les rétro-commissions versées aux entreprises clientes pour les inciter à choisir les opérateurs historiques, système financé indirectement par les restaurateurs et les salariés eux-mêmes.
Ensuite, l'opacité tarifaire assumée des acteurs dominants, qui multiplient les grilles complexes, les frais annexes et les conditions cachées. Certains pratiquent même un double commissionnement caché, cumulant frais de carte de paiement et commission d'apport d'affaires.
Enfin, le niveau global des commissions, devenu un véritable frein au développement du dispositif et une charge insupportable pour les commerçants de proximité.
Le modèle bancaire ouvert comme alternative
Face à ces dysfonctionnements, le collectif prône l'adoption d'un modèle ouvert basé sur les standards bancaires Visa, Mastercard et CB. Cette approche, déjà utilisée par les nouveaux émetteurs, permettrait de supprimer les commissions injustifiées en ne facturant aux restaurateurs que la commission bancaire, sans surcoût caché. "Ce modèle respecte les règles de la concurrence et permettrait de réinjecter près de 300 millions d'euros dans l'économie locale", souligne Gilles Satgé.
Trois propositions concrètes pour réformer le secteur
Pour concrétiser cette vision, CoReCT formule trois demandes précises au gouvernement : interdire les doubles commissions qui cumulent frais bilatéraux et frais de carte de paiement, bannir définitivement les rétro-commissions versées aux employeurs, et rendre obligatoire la transparence tarifaire complète auprès des commerçants.
Cette dernière mesure impliquerait l'affichage clair de tous les frais en amont, avec un taux effectif global présenté par chaque émetteur lors de la demande d'agrément auprès de la Commission Nationale des Titres-Restaurant.