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Ivan Stempezynski : "Le marché du consommateur en 2025, c'est du J+1"

Publié par Alexandre Lecouvé le - mis à jour à

Ivan Stempezynski, photo Relais Colis

Né en 1969 dans le giron de La Redoute, Relais Colis compte aujourd'hui 10 000 point relais en France, dont 8 500 points physiques et 1 500 lockers (les consignes automatiques). Acteur majeur du fret express dans l'hexagone, la société de livraison a été racheté il y a trois ans par le logisticien tricolore Walden. E-commerce Mag a interviewé Ivan Stempezynski, directeur général de Relais Colis, pour évoquer le développement du B2B et de la politique RSE, ainsi que le futur de l'entreprise.

Relais Colis, en 2025, qu'est-ce que c'est, et comment ça marche ?

C'est une entreprise, pionnière de la mise en place de relais, qui existe depuis 56 ans. À l'époque, elle avait été créée (sous le nom de SOGEP, ndlr) afin d'être le bras armé de La Redoute pour la livraison dans ce qu'on appelait à l'époque la VPC (vente par correspondance). Plusieurs années et plusieurs typologies de vente ont permis d'arriver à ce que Relay Colis, il y a trois ans, soit racheté par le groupe familial Walden (fondé par Stéphane Baudry), qui souhaitait ainsi compléter son pôle "Transport Express International" en jumelant l'activité de livraison B2C et C2C de Relais Colis avec celle de la société Ciblex, qui est orientée B2B.

Relais Colis, aujourd'hui, ce sont à peu près 10 000 points relais, répartis pour environ 8 500 points physiques dans des magasins partenaires où l'on peut déposer et récupérer un colis, et à peu près 1 500 lockers, des consignes installées partout en France, de manière à pouvoir faire du 7/7 et du 24/24 en livraison et dépôts de colis. Relais Colis, ce sont surtout deux activités majeures dans la livraison de produits pour l'e-commerce.

D'abord c'est le colis : nous en tractons et en livrons entre 190 000 et 200 000 par jour actuellement, pour 120 millions d'euros de chiffre d'affaires. Ils sont souvent issus du B2C, avec les enseignes web qui choisissent pour leurs commandes d'envoyer leurs livraisons à leurs clients via un point relais. On parle d'injections principalement sur la région parisienne à travers notre hub central de Combs-la-Ville (Seine-et-Marne), qui envoie ensuite tous les colis en France à travers 10 000 solutions de livraison. Mais ce n'est pas que du B2C, c'est aussi du C2C ! Là on parle de Vinted, de Leboncoin, très orienté sur la 2e main, la 3e main, le recyclage... Nous récupérons dans nos points relais les colis remis par des particuliers pour que les destinataires les retirent dans leur point relais à l'arrivée.

Ensuite, nous avons à peu près 50 millions d'euros de chiffre d'affaires qui sont faits sur le "bulky", c'est-à-dire notre activité, toujours de web en B2C, dédiée aux produits encombrants. Nous travaillons pour plusieurs clients et enseignes qui nous remettent, au départ d'un autre hub que nous avons sur la région parisienne, des produits tels que des canapés, des tables basses, des pergolas en construction, des salons de jardin, etc. Ces livraisons d'encombrants, environ 5 000 à 6 000 par jour, prennent un autre réseau de transport et sont conduites directement aux particuliers avec prise de rendez-vous.

Actuellement, comment travaillez-vous avec les e-commerçants ?

Nous observons que le marché de l'e-commerce est de plus en plus exigeant en termes de délais, de qualité et de remontée d'informations. On entend souvent parler de "slow delivery", en expliquant que pour être "sustainable", on peut prendre 3 jours si on utilise des moyens plus écologiques, plus "green". Mais concernant le colis, le marché du consommateur en 2025, c'est de la livraison rapide, souvent de l'express, du J+1, ce qui n'était pas forcément le cas il y a quelques années. Ce n'est pas la même chose pour la partie encombrants, qui fait l'objet d'une prise de rendez-vous et peut être acheminée en trois à cinq jours. On ne livre pas un salon de jardin comme on livre un colis de 400 grammes avec une commande sur un site d'e-commerce.

Le besoin de technologie vis-à-vis de cette tendance accélérationniste est unes des raisons du jumelage de Relais Colis avec Ciblex. C'est une entreprise B2B qui fait de l'express, avec des livraisons avant 8 heures ou 9 heures du matin, ou des livraisons nocturnes. Par exemple, Ciblex livre toutes les nuits dans les points de dépôt sécurisés de tous les opticiens de France les verres qu'ils commandent, afin de pouvoir faire les lunettes de leurs clients. C'est une vraie technologie de transport, orientée sur l'express, le J+1 et le délai. Relais Colis est mis en aspiration derrière Ciblex pour bénéficier de cette technique et apporter le service demandé par les commerçants, sur des délais de plus en plus court, tout en maintenant le volume. Ensemble, l'objectif est d'opérer une massification et une industrialisation des chaînes de tri, avec plusieurs étages qui permettent de traiter une centaine de colis en même temps. Car c'est un autre aspect du B2C et du C2C : c'est un marché concurrentiel, qui réclame des prix de transport bas. Il faut donc industrialiser, manutentionner le moins possible, de manière à agréger les coûts de production les plus productifs possible.

Quelles actions de RSE sont menées par Relais Colis, notamment sur le rail-route ?

Concernant nos offres en termes de "sustainable transport", nous avons investi le secteur de la livraison du dernier kilomètre, en mettant en place de plus en plus de livraisons en véhicules électriques (15-20 % de nos volumes) et en équipant nos agences de bornes de recharge. De plus, à travers les 350 poids lourds qui sillonnent la France toutes les nuits pour relier nos agences, nous mettons en place des référencements avec le prestataire sur le carburant, notamment du "HVO", du carburant de synthèse qui décarbone à 60-70 % par rapport à un gasoil classique. Aujourd'hui, on est à peu près à 20 % de notre transport décarboné via du HVO, qui a l'avantage d'être totalement miscible avec le gasoil. C'est-à-dire qu'il n'y a pas besoin de technologie mécanique particulière, de "rétrofit",on peut mettre du HVO dans le réservoir d'un camion dans lequel il y a déjà du gazole. Il est livrable en cuves, qui sont commercialisées par de grandes enseignes telles que Total.

Nous sommes également très friands de la technologie du rail-route, qui est un transport décarboné à 80 %, avec une partie rail entièrement en électrique. Sur la partie "bulky", nous avons des lignes régulières entre Anzin (Nord) - au départ de Lille - et Brignoles (Var), mais aussi entre Combs-la-Ville, Toulouse, Bordeaux... Par exemple, sur un trajet entre Paris et Brignoles, nous sommes entièrement décarbonés par le rail sur les 650-700 km jusqu'à Miramas (Bouches-du-Rhône). Ensuite, nous avons choisi la société TAB Rail Road qui, pour les premiers et les derniers kilomètres, utilise des camions au gaz qui permettent également de maximiser la décarbonation. Sur le "bulky", ça représente à peu près 30 % de nos volumes qui sont décarbonés à 80 % par le rail-route, et qui sont acheminés et livrés dans nos agences, avant d'être mis en tournée chez nous.

Dernier kilomètre en électrique, carburant décarboné et rail-route : ces trois méthodes permettent de massifier le transport propre sur des centaines de kilomètres. Car si le dernier kilomètre est important, ce sont souvent les 1 000 kilomètres avant qui coûtent cher en carbone. Par ailleurs, nous observons une progression tous les ans. Je suis arrivé dans l'entreprise en septembre 2024, et j'ai pris ce dossier à bras-le-corps car j'étais auparavant dans le rail-route, et j'avais pu juger des avantages de cette solution. Sur la partie encombrants, nous sommes à 200 % de progression en un an, car on partait quasiment de zéro. Il y a un gros process engagé, qui est très apprécié par nos clients, et sur lequel nous découvrons chaque mois des résultats par rapport à ce que nous avons pu décarboner en volume sur le fret qu'ils nous ont confié.

Concernant vos projets pour l'avenir, en plus de la décarbonation et du développement du B2B avec Ciblex, qu'est-ce que vous planifiez dans les mois ou les années qui viennent ?

Nous visons l'implantation d'un nouveau hub, en plus de notre hub central de Combs-la-Ville. Nous sommes en train d'étudier un plan de transport pour toute la partie sud de l'hexagone, afin de répondre à la croissance du flux C2C. Car il n'est pas raisonnable qu'un colis qui aille de Nice à Biarritz passe par la région parisienne ; l'empreinte carbone n'a pas de sens. Pour ouvrir ce deuxième hub "Sud-France", qui sera sans doute dans le Massif central de façon à raccourcir les distances, nous sommes en train de joindre nos deux plans de transport entre Ciblex et Relais Colis afin de ne faire qu'un à l'horizon de la fin d'année, de manière à être massifié, à être plus productifs et être également plus rentable.

De plus, nous sommes en train d'équiper tous nos prestataires (nos 3500 tournées de livraison) de "PDA", c'est-à-dire des terminaux portables qui peuvent scanner les codes-barres des colis et collecter des données. Ces PDA sont dotés d'un système qui s'appelle "Kardinal", qui permet de faire des tournées "en dynamique", et donc beaucoup plus proactif sur l'itinéraire idéal et sur le cadencement des livraisons d'une tournée, par rapport aux points qui vont être à livrer. Cela permet de gagner du temps, du kilométrage et forcément là aussi de réduire et de mieux gérer l'empreinte carbone. La mise en oeuvre de cet outil nécessite une mobilisation de nos cadres, comme sur les autres projets innovations et les investissements importants de l'entreprise.

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