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L'effet Boo...merang appelle la Net économie à plus de modestie

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A force de dilapider son argent dans une stratégie marketing et une communication hasardeuses, Boo.com s'est brûlé les ailes et a disparu avant même d'avoir existé. Un cas d'école que les start-up seraient inspirées d'étudier consciencieusement.

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Depuis le temps que l'on attendait qu'il y en ait une qui tombe pour pouvoir crier haro sur les start-up mégalos qui profitaient de l'ivresse provoquée par l'explosion du e-commerce pour vendre leur soupe... Boo.com a sombré la première et cristallisé sur ses ruines les rancoeurs de toute une caste d'analystes en subissant un lynchage médiatique en règle pas complètement immérité. Car cela faisait un petit bout de temps déjà que le modèle du dandy scandinave branché façon Ingmar Stimorol-topmode-jefaisdufricaveclenet.com, qui prolifère sur le Web, en exaspérait plus d'un. Faut-il pour autant se réjouir des malheurs d'Ernst Malmsten et Kajsa Leander et de leur tribu ? Rien n'est moins sûr. Car, en se focalisant sur les déboires de cette success story trop tôt avortée, on risque d'oublier la valeur des vrais succès qui se forgent quotidiennement sur le Web. Dans cette affaire, la tentation est grande - et certains ne se sont pas gênés pour le faire - de retourner sa veste et de cracher sur ceux devant qui l'on déroulait le tapis rouge quelque mois auparavant. Le syndrome Boo est en fait symptomatique du schéma sur lequel est bâtie la Net économie, où tout est surdimensionné, surévalué, surmédiatisé. Les retours de bâton s'apparentent à l'effet d'un boomerang, qui vous revient dans la figure après avoir effectué un arc de cercle, c'est-à-dire sans vous avoir fait avancer d'un chouia. Les start-up auraient donc plutôt intérêt à rechercher la trajectoire du javelot, que l'on lance loin et haut, et qui parcourt une longue distance avant de retomber au sol.

Des erreurs cumulées


Que peut-on reprocher à Boo.com ? D'avoir vu trop grand, trop tôt, comme le reconnaît Serge Papo, l'ex-directeur général de la filiale française ? Certainement. Lancer un site (qui plus est techniquement complexe) qui n'a jamais rien vendu, simultanément dans 18 pays, était un pari fou, et les dirigeants de Boo n'ont pas su (voulu ?) s'en persuader. D'avoir dilapidé en à peine six mois plus de 120 millions de dollars dans une stratégie marketing approximative et des campagnes de communications hasardeuses ? Sans aucun doute. Cela démontre en tout cas le cruel manque d'expérience des dirigeants, et l'on peut dans ces conditions tout autant jeter la pierre aux investisseurs qui n'ont pas été capables d'imposer un minimum de garanties dans le projet. D'autant que ces investisseurs ne sont pas n'importe qui : Europ@web, Morgan Capital, Goldman Sachs, 21 Investimenti (la holding de la famille Benetton). Pour des sociétés qui prétendent vouloir bâtir l'économie du 3e millénaire, cet excès de confiance a de quoi surprendre. Sans aller jusqu'à lui chercher des excuses, on ne peut néan-moins qu'être d'accord avec Ernst Malmsten quand il déclare regretter de ne pas avoir eu en face de lui un interlocuteur effectuant un vrai contrôle financier. Mais, venant d'un homme qui n'a visiblement pas du tout perçu les subtilités du management d'une start-up à vocation internationale, la déclaration peu prêter à sourire. Si l'on en croit les propos recueillis par Libération auprès de certains salariés de la société en janvier dernier, à l'occasion du premier dégraissage effectué à Londres, puis à l'annonce, fin mai, de sa liquidation, les jeunes patrons de Boo fonctionnaient davantage au feeling qu'en suivant un plan d'action rigoureux. Tous ces on-dit semblent d'ailleurs être une marque de fabrique pour toutes les start-up qui se lancent aujourd'hui sur Internet. Entre les flonflons des discours ambitieux, dynamiques, modernes et résolument optimistes de leurs dirigeants et la réalité du quotidien, on se rend compte que le fossé est énorme.

Des promesses non tenues


La claque a été d'autant plus douloureuse pour Boo.com que le site avait promis monts et merveilles aux internautes, et qu'il s'est révélé incapable de tenir ses engagements. Lancé avec cinq mois de retard sur le planning prévu, le site a suscité auprès des consommateurs une telle curiosité que les ratés du début (temps de chargement interminable, impossibilité pour les possesseurs de Mac d'accéder au site...) l'ont d'entrée de jeu placé sur le grill. Ajoutez à cela une politique tarifaire en totale incohérence avec la pratique balbutiante du e-commerce de la majorité des internautes et une publicité tellement décalée que l'on finissait par se demander ce que pouvait bien vendre la marque, et vous avez tous les ingrédients de la recette d'un plantage annoncé qui constitue, à n'en pas douter, le best-seller des cas d'école de l'année. De l'explosion en plein vol de la météorite Boo, l'ensemble des acteurs du e-commerce ferait bien d'en tirer quelques enseignements avant de se voir eux-mêmes rattraper par l'onde de choc. Ce qui est sûr, c'est que désormais les investisseurs y regarderont à deux fois avant d'engager leurs économies dans les projets de start-up, et que les critères de sélection des dossiers vont devenir de plus en plus pointus. Du côté des start-up, le meilleur conseil qu'on pourrait leur donner serait de redescendre sur Terre. Le temps où l'on pouvait encore embobiner les médias et les clients est révolu. La disparition de Boo.com a servi de défouloir à certains, mais on peut être sûr qu'à la moindre occasion, si de nouveau fanfaronnade il y a, ils remettront le couvert. Les gens veulent du concret. Qu'elles leur en servent, même si cela doit leur coûter quelques points de notoriété et une absence dans les revues de presse maison.

 
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Tanguy Leclerc

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