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Philippe Wargnier, président de Spartoo « Notre ambition est de prendre 15 à 20 % du marché de la chaussure vendue sur Internet »

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LE PRÉSIDENT DU SITE SPARTOO, UN NOUVEAU PURE PLAYER DE LA VENTE DE CHAUSSURES EN LIGNE, N'EN EST PAS À SON COUP D'ESSAI. ANCIEN DG DU GROUPE GO SPORT, PHILIPPE WARGNIER SE LANCE DÉSORMAIS, AVEC TROIS ASSOCIÉS, DANS L'ÉCONOMIE DU NET… EXPLICATIONS.

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Pourquoi avoir choisi la vente en ligne de chaussures ?

Philippe Wargnier : Le marché de la chaussure est énorme. En France, il représente 8 milliards d'euros tous types de chaussures confondues. En Europe, il pèse environ 58 milliards d'euros, renouvelés chaque année. Lorsque mes associés, à l'origine du projet, ont cherché un secteur sur lequel se lancer, ils ont regardé quelles étaient les entreprises ayant les plus fortes croissances au Japon et aux États-Unis… Il s'est avéré qu'il s'agissait d'un site américain de vente de chaussures dont le nom est Zappos.com, aux progressions faramineuses. Il prévoit, en effet, de réaliser 600 millions de dollars de chiffre d'affaires cette année. C'est colossal !

Le marché est-il aussi prometteur en France ?

Nous nous sommes aperçus qu'il n'y avait pas beaucoup d'offres sur le marché de la chaussure. Confortés sur le potentiel du secteur par les réussites outre-Atlantique, nous avons développé notre propre concept. Ce dernier ne tend absolument pas à copier le site de Zappos, mais à développer une démarche marketing différente. Pour faire simple, Zappos est un grand supermarché de la chaussure sur Internet avec 400 marques distribuées. Nous sommes, pour notre part, dans une démarche de “market minding”, basée sur la sélectivité. Nous préférons travailler avec moins de marques, mais en étant un référent de chacune d'entre elles. Et également en proposant un choix que vous ne trouverez nulle part ailleurs dans le monde réel…

Au regard de votre expérience, votre projet doit s'appuyer sur un actionnariat solide…

Nous sommes quatre associés fondateurs. Nous avons fait une première levée de fonds au démarrage du projet. Nous sommes également en train de finaliser le deuxième tour de table. Au total, nous aurons levé 1,2 million d'euros, uniquement auprès de business angels. C'est assez remarquable, car nous n'avons pas, pour l'instant, d'investisseurs institutionnels. Nous les réservons pour le prochain tour de table qui devrait avoir lieu en juin 2007.

Vous venez de la distribution traditionnelle. Quel est votre regard sur le canal internet ?

J'ai, en effet, réalisé l'essentiel de mon parcours professionnel dans la distribution. D'abord au sein d'Intermarché, puis dans la distribution spécialisée chez Extrapole-Virgin et, par la suite, dans le groupe Go Sport. Il ne me manquait que cette expérience. Mais, fondamentalement, Internet reste de la distribution. D'ailleurs, ce qui a probablement manqué aux gens qui se sont lancés dans les années 90 et 2000, ce ne sont pas les idées et les concepts, mais, peut-être, la maîtrise des problématiques de système d'information et de logistique qu'il ne faut pas sous-estimer sur le Net…

Quelles sont, pour vous, les spécificités du clic par rapport au mortar ?

Internet reste un média en prise directe avec le consommateur et véhicule un nouveau mode de communication envers lui. En ligne, il y a un véritable confort d'achat et une flexibilité remarquable. Au même titre que pour la grande distribution dans les années 50-60, Internet est un mouvement fondamental que plus personne n'arrêtera… C'est d'ailleurs plutôt exaltant d'être pionnier sur ce nouveau circuit de distribution et sur des marchés émergents dans la vente en ligne.

Votre site est actif depuis le 16 août dernier. Quelles en sont les principales caractéristiques ?

Dans une première phase, nous aurons environ 30 à 35 marques présentes sur le site. Dans l'univers du sport, nous distribuerons Adidas, Converse, Nike, Reebok, Puma, etc. Et, dans l'univers de la ville, des marques telles que Campers, Geox, Creepers… L'ensemble des produits présents sur le site sont également physiquement en stock. C'est l'une des caractéristiques de Spartoo. Cela permet de générer très peu de déception due à des problèmes de rupture. Autre spécificité, nous ne vendons que des produits de saison. Nous ne sommes pas des discounters… Pendant la période des soldes, par exemple, nous ne liquiderons que des produits de la saison précédente. Pour le reste, nos prix sont ceux du marché, avec, bien sûr, des animations commerciales ponctuelles inscrites dans la vie du site. C'est ce positionnement qui a séduit nos marques partenaires. Du point de vue de l'internaute enfin, l'avantage de venir acheter chez nous réside avant tout dans le choix. Nous mettons l'accent sur la présentation des produits avec l'utilisation de descriptifs en trois dimensions. Et offrons la possibilité de zoomer pour voir la texture de l'article. Chacune des chaussures présentes sur le site fait l'objet de vingt-six prises de vue…

A qui vous adressez-vous plus particulièrement ?

La chaussure est un secteur qui touche tout particulièrement les jeunes. Si, auparavant, les codes étaient surtout vesti mentaires, la situation a maintenant bien changé. Les jeunes s'intéressent en priorité aux chaussures que vous avez aux pieds ! Ils placent ce produit à un fort niveau d'implication, tout comme le téléphone portable. Dès lors, notre coeur de cible, les 15-35 ans, est une population très impliquée sur le produit. Pour les toucher au mieux, nous avons créé des univers via lesquels les différentes tribus peuvent se retrouver selon leur mode de consommation. Ainsi, le site est accessible par deux clés d'entrée : l'une par univers, que nous avons volontairement voulu aspirationnels, et l'autre par marques, une surface d'expression libre étant laissée à ces dernières.

Quelles sont vos ambitions en termes de chiffre d'affaires ?

Sur les 8 milliards d'euros de chiffre d'affaires du secteur, la part réalisée sur Internet est extrêmement faible, de l'ordre de 0,5 %. C'est donc embryonnaire, sachant que la vente à distance (catalogue et Internet) sur les produits chaussants représente 4,5 % du marché. Pour ma part, je projette qu'entre deux et quatre ans, 7 % du marché se fera sur le Web. Ensuite, tout va dépendre de la dynamique de développement. Notre analyse est que ce déclic aura lieu, car Internet permet de vendre des produits de plus en plus techniques dont la chaussure fait partie. Par ailleurs, de nouveaux entrants, comme nous, vont contribuer à faire croître le marché rapidement. Pour en revenir aux objectifs, nous raisonnons en parts de marché. Notre ambition est de prendre 15 à 20 % du marché de la chaussure vendue sur Internet. S'il atteint 7 % de ventes sur le Web en 2008, ce qui n'est pas absurde, cela ferait un potentiel de 560 millions de chiffre d'affaires. Pour Spartoo, l'objectif serait alors d'atteindre 80 à 100 millions d'euros de chiffre d'affaires en France.

De quelle nature sont les partenariats noués avec les marques ?

Quand les marchés sont un peu tendus comme c'est le cas en ce moment, les distributeurs traditionnels ont tendance à restreindre l'offre sur les 20/80 qui font leur volume de vente. Et si la marque diffuse assez facilement ses produits-vedettes, beaucoup d'autres ne rencontrent jamais leur consommateur. Pourtant, ces références racontent une histoire et contribuent à ce que veut construire la marque en termes de marketing. Dans notre modèle, nous donnons la possibilité d'aller au bout du choix marketing et proposons une vraie vitrine aux marques. Et même de mettre en avant des produits que le distributeur lambda ne référencera jamais. Cela, nous pouvons nous le permettre, car nous n'avons pas les contingents physiques du magasin… Pour preuve, nous démarrons le site avec 600 à 900 modèles. C'est déjà largement plus représentatif que n'importe quel autre magasin de chaussures existant en France, alors que nous n'en sommes qu'au début. Le jour où nous aurons 80 à 100 marques – et nous ne souhaitons pas aller au-delà –, nous proposerons vraiment un choix tout à fait considérable.

Achetez-vous concrètement le stock ? On sait que ce dernier est la bête noire des distributeurs…

Ce qui est intéressant dans le modèle de Spartoo, c'est que nous montons un réel partenariat avec les marques. Nous relayons leur choix marketing et, en échange, nous avons trouvé un certain mode de fonctionnement sur les stocks.

Vous ne semblez pas vouloir en dire plus…

Pas trop, non… Là sont notre secret et notre savoir-faire. Le fait de jouer le rôle de vitrine nous permet de développer un mode de fonctionnement qui devrait, de mon point de vue, être amené à se développer avec Internet. En effet, la force du Net est de pouvoir offrir du choix aux consommateurs et il est dommage de ne pas en profiter pour des problèmes strictement économiques. D'autant que des arrangements permettent de faire en sorte que tout le monde soit gagnant. Dans notre modèle de partenariat, nous allons très loin, puisque les marques partenaires vont pouvoir piloter directement leur proposition commerciale sur Spartoo avec un extranet que nous mettons à leur disposition. Elles auront, par ce biais, accès aux ventes, aux stocks, et pourront piloter les descriptifs produits, etc., de manière totalement transparente. Pour autant, nous ne sommes pas un site assimilable à une boutique supplémentaire de la marque. Nous sommes de vrais e-commerçants ; cela signifie que nous faisons notre marge sur notre chiffre d'affaires, avec notre identité. Ceci dit, le modèle que nous développons est assez atypique…

Avez-vous à gérer des phénomènes de concurrence avec la vente directe des marques par exemple ?

Pas du tout. Nous considérons que nous ne sommes absolument pas concurrents mais, comme je l'ai déjà dit, réellement partenaires. Si une marque veut développer son propre e-commerce, nous pouvons même lui proposer de le faire gratuitement pour elle. Cela s'avoisine alors à de la marque blanche. Dans tous les cas, si la vente de chaussures en ligne progresse, cela est bon pour le marché et cela est également bon pour nous !

Sur quelle technologie vous appuyez-vous ?

Celle que nous utilisons est entièrement développée en interne. Nos techniques de Web2 sont avant-gardistes et nous permettent d'avoir des offres différenciées. Par exemple, nous pouvons mettre en avant une offre distincte sur le site de Spartoo et sur celui de la marque utilisant notre outil. Pour nous, l'important est que nous soyons totalement maîtres de notre technologie. Mes associés viennent de Centrale et des Mines et, en parallèle, nous avons embauché deux ingénieurs informaticiens ; ce qui fait que nous maîtrisons parfaitement l'outil dans sa globalité…

En va-t-il de même de votre supply chain ?

Non, puisque nous avons décidé de l'externaliser. Mais en choisissant un prestataire spécialisé dans l'Internet, Morin Logistique, qui travaille avec des grands du e-commerce, comme RueDu- Commerce, par exemple. Par ailleurs, nous garantissons la livraison sous cinq jours, alors que tout est conçu pour que l'internaute soit livré dans les trois jours suivant sa commande. Cela devrait permettre de générer auprès des acheteurs de la satisfaction supplémentaire.

Comment allez-vous procéder pour vous faire connaître des internautes ?

Notre cible principale, les 15-35 ans, est déjà énormément connectée sur le Web. Dans un premier temps, tout au moins pendant les deux premières saisons, nous allons privilégier le média internet… Parce que le coût marketing est fortement variabilisé et que les opérations peuvent s'adapter à la conjoncture. Ceci dit, nous voulons maintenir des budgets de communication significatifs représentant au moins 5 % du chiffre d'affaires, voire plus, notamment pendant la phase de démarrage. Avec les marques, nous allons aussi relayer de nombreux événements, tout cela en phase avec leur actualité.

Pourquoi avoir choisi le nom de “Spartoo” ?

Spartoo vient de Sparte, la ville de Grèce bien connue. Très puissante à l'Antiquité, elle avait donné, entre autres, son nom à la fameuse spartiate, cette sandale à lanières plutôt rudimentaire. Nous nous sommes inspirés de cette origine et y avons adjoint les deux “o” qui ont fait les grands succès d'Internet comme Kelkoo, Wanadoo, ou encore Google… Une chose est sûre, si nous suivons le même parcours que ces acteurs, cela nous réussira bien !

D'autres projets vont-ils suivre ?

Oui, en plus de Spartoo, nous voulons lancer un deuxième site, Spartoo Addict, à la fin de l'année, avec un positionnement beaucoup plus haut de gamme. Pour acheter sur ce site, il faudra être coopté par un parrain, l'objectif étant d'être très sélectif, notamment sur la nature des produits présentés. Enfin, d'ici douze à dix-huit mois, nous envisageons également de décliner le site sur certains pays d'Europe…

Parcours

Philippe Wargnier, 46 ans, a précédemment occupé les fonctions de directeur général adjoint puis directeur général du groupe Go Sport entre 2001 et 2005, période durant laquelle il a développé l'enseigne Go Sport et relancé les magasins Courir. De 1999 à 2001, il a occupé le poste de directeur commercial et marketing de la start-up Extrapole/Virgin. Au préalable, il occupait depuis 1997 la fonction de directeur général adjoint d'Intermarché Marchandises Internationales.

Le marché

La vente de chaussures en ligne, marché émergent en France, a vu arriver de nouveaux acteurs en 2005. Sur l'année, Sarenza, Desmazières, La Botte Chantilly et, en juin dernier, Batashop (enseigne Bata) ont intensifié leur position sur le marché du chaussant. Actuellement évalué à 8 milliards d'euros par an en France, tous canaux confondus, le marché de la chaussure représenterait 58 milliards d'euros à l'échelon de l'Europe occidentale.

 
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Nathalie Carmeni

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