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Point de vue Comment surmonter l'échec du Wap ?

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INTERVIEW DE SÉBASTIEN CROZIER DIRECTEUR ASSOCIÉ D'INTERNET TÉLÉCOM.

Quel type de commerce pourrait exister sur des supports mobiles ?


Sébastien Crozier : Il y a quatre grands domaines pour le commerce électronique, quel qu'en soit le support : les biens matériels - par exemple, l'alimentation, les produits bruns, le textile, les meubles, etc. - le matériel dit "à référence infinie", comme les livres. Aucun magasin traditionnel ne peut en effet se permettre de garder la totalité des références disponibles en stock. Mais un magasin en ligne peut le faire sans frais. Ce raisonnement s'applique aussi aux ordinateurs configurés de façon individuelle à la commande et à quelques autres produits. La troisième catégorie concerne les produits "immatériels matériels", comme les services de location de voitures, les voyages et la billetterie. Ce commerce, bien qu'il concerne des objets et des services réels, ne nécessite aucune logistique à part un terminal d'autorisation pour les cartes bancaires. Enfin, dernier chapitre, les ventes complètement immatérielles, celles de l'information, de la musique ou de la vidéo diffusées en ligne. En situation de mobilité, les gens recherchent naturellement des achats de consommation immédiate, donc des deux catégories "immatérielles". La seule limitation qui concerne l'usage de mobiles pour le commerce demeure la taille du panier. Il est évident que les consommateurs ne passeront pas de commandes de grand volume à partir de leur portable. Et il ne faut pas occulter le fait que les possesseurs de portable ou d'organiseur ont besoin d'outils et de services les plus simples possible à l'usage. Aujourd'hui, faire ses courses de la semaine sur un Palm demanderait pas mal de dextérité. Il ne faut donc pas uniquement raisonner à partir du produit, mais également à partir de la capacité des utilisateurs à en faire usage.

Le Wap aujourd'hui est-il un échec ?


S. C : Oui, c'est un triple échec des opérateurs. D'abord un échec technologique de ceux qui ont imaginé que le téléphone avec ses dix touches était un terminal ergonomique. Dans les produits existants, il n'y a guère que des Palm ou des PC de poche, ou encore des téléphones-PC comme celui de Nokia, qui s'en sortent convenablement. Le deuxième échec est celui des prix et des tarifs pratiqués. C'est un marketing désastreux. Comment convaincre les gens de consulter le Wap quand cela leur coûte deux francs la minute ? De plus, sur ces montants il n'y a pas de reversement à l'éditeur du service. Donc pas de modèle économique, et pas d'intérêt des éditeurs pour le Wap. Enfin, la troisième erreur est celle du "Wap-lockage". Au départ, tous les téléphones étaient verrouillés de façon à ne pouvoir accéder qu'au portail d'un seul opérateur. Aujourd'hui, on peut déverrouiller son appareil, mais au prix d'une manipulation fastidieuse. On se retrouve donc lâché sans aucun soutien de la part de l'opérateur. De plus, pour se connecter à un portail autre que celui de son opérateur, par exemple à celui de LibertySurf, il faut parfois appuyer successivement sur quarante et une touches ! Cela demande de l'attention et prend du temps, mais toujours au tarif de deux francs la minute. Cet environnement n'est clairement pas fait pour permettre une concurrence loyale. L'ensemble de ces facteurs a montré aux éditeurs que les opérateurs étaient prêts à sacrifier la chaîne des valeurs au profit du maintien de leur situation oligopolistique.

Quels enseignements peut-on tirer du succès du I-mode japonais ?


S. C : Le mode de communication par paquets ressemble assez à un échange de messages SMS. D'ailleurs entre 30 et 40 % du trafic de I-mode sont générés par un échange de messages entre les correspondants, sans consulter les services. L'inconvénient des paquets, c'est que le consommateur doit savoir par avance le nombre de paquets qu'il va recevoir. Dans certains cas, lors d'une recherche d'information, ce n'est simplement pas possible. Aucun modèle de facturation actuel ne correspond exactement aux attentes des consommateurs. Je pense que, contrairement aux Etats-Unis et au Japon, le consommateur européen est prêt à payer à la durée. Car la durée est un facteur anxiogène mais compréhensible. Il n'y a pas de véritable exemple de telle facturation en dehors du Minitel français. Or, l'échec du Wap n'est pas un phénomène franco-français, mais plus général. Regardez, il n'y a plus d'incident entre les éditeurs des services et les opérateurs du Wap aujourd'hui. Tout simplement parce que ce marché est complètement détruit et qu' il n'intéresse plus grand monde. Quant aux projets futurs, à l'image de celui du groupe Vivendi pour le GPRS, ils sont tout à fait navrants car ils ne cherchent encore qu'à proposer uniquement le contenu du groupe.

Quels pourraient être les problèmes futurs, ceux du GPRS ?


S. C : D'abord la vitesse. Ne fantasmons pas sur le débit théorique du GPRS. Contrairement aux promesses, il n'ira pas plus vite que les téléphones d'aujourd'hui, même si la transmission est plus rapide. Avec les mêmes petits écrans des téléphones et les mêmes touches peu ergonomiques, vous ne pourrez jamais aller plus vite que vos doigts ! Quant au changement des terminaux, je pense que des machines du genre Palm dotées d'une puce spéciale pour la communication, feront très bien l'affaire. Ces terminaux passifs de consultation seront tout à fait suffisants pour le commerce mobile. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'y ajouter un téléphone car il s'agit d'usages différents. Pour donner un exemple, on n'a pas fait fusionner la chaîne hi-fi et la télé. Mais il y a aussi le problème financier. Et on ne peut en faire totalement abstraction en tentant de séduire les utilisateurs potentiels sur les seuls avantages d'utilisation. Au début, il faudra ajouter environ mille francs au prix de vente des Palm et consorts pour la version GPRS. Les gens y réfléchiront donc forcément à deux fois avant d'acheter ces nouveaux produits. D'autant que le remplacement des terminaux existants aussi coûtera cher.

 
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Alexis Nekrassov

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