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Une super app pour tout, mais pas pour tous ?

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Depuis l’arrivée des apps, les éditeurs semblent être passés d'un modèle vertical (faire une chose très bien) à horizontal (tous les services derrière un logo). Ou du fameux “There’s an app for that” à “There’s a super app for everything”. Cette trend venue d’Asie trouve-t-elle ses limites en Occident ? Les marques doivent-elles y aller ?

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La tendance des super apps arrivées de Chine

Petite définition tout d’abord. Une super app est une application en forme de portail rassemblant différents services (de marques différentes ou non) répondant à des besoins variés du quotidien (favorisant ainsi la récurrence d’usage). Le socle d’une super app, permettant une expérience unifiée et fluide, repose souvent sur une authentification unique, un système de paiement transverse (pour du transactionnel) et bien évidemment des API ouvertes permettant l’interconnexion des services. 

L’exemple le plus connu et toujours utilisé pour illustrer cette tendance est WeChat, créé par le groupe Tencent en 2011. Initialement messagerie instantanée, l’application s’est progressivement enrichie d’un système de paiement mobile (WeChat Pay) en 2013, puis en 2017 d’un écosystème de mini apps (ou mini programmes) directement accessibles en son sein, sans nécessiter de téléchargement. C’est presque la seule app dont les chinois ont besoin dans la mesure où ils peuvent tout y faire, grâce à ces 2 millions de mini apps de partenaires intégrés : commande de VTC, courses et repas, paiement de leurs impôts, prise de rendez-vous médicaux, gaming, réservation de voyages... La super app a passé le cap du milliard d'utilisateurs en Chine en 2018, la rendant incontournable dans la vie quotidienne de la population.

Comment expliquer un tel succès ?

D’abord parce que la Chine est un pays “mobile-first”. La faiblesse des infrastructures de télécommunication fixe au début des années 2000 couplée à l’arrivée des smartphones a “naturellement” propulsé la Chine dans un internet mobile. Aujourd'hui 64% du trafic web chinois provient du mobile contre 48% et 49% en France et aux USA respectivement[1].

Ensuite parce que les applications facilitent cet usage intensif d’internet en mobilité (notamment dans des contextes sans réseau). On voit une “surconsommation” des apps, avec 100 milliards de téléchargements en Chine contre 2 milliards en France, en Allemagne et au Royaume-Uni en 2021[2]. Certains forfaits mobiles offrent ainsi un usage illimité à des services comme WeChat.

Par ailleurs, la Chine étant un pays historiquement faiblement bancarisé, le mobile à pu rapidement s’imposer comme moyen de paiement, rendant son utilisation dans le monde “physique” quotidienne. Plus de 80% des chinois interrogés en 2021 dans le cadre de l'enquête mondiale du Global Consumer Survey ont déclaré avoir utilisé un service de paiement mobile dans un magasin, restaurant ou autre point de vente au cours des douze derniers mois. Le taux de pénétration du paiement mobile est d'environ 95,1%.

Enfin, et c’est peut-être un élément clé, la politique et le rôle du gouvernement chinois dans le développement de champions locaux pour contrer (et parfois bloquer) les GAFAM, et notamment pour offrir une alternative aux deux OS d’Apple et Google, a certainement favorisé l’essor de WeChat.

Néanmoins le phénomène ne touche pas que la Chine. Dans des pays partageant les mêmes caractéristiques (infrastructure télécom fixe faible, population jeune, faiblement bancarisée...), les super apps explosent également. Tata Neu ou PayTM en Inde, Grab ou Gojek en Asie du Sud-Est, Kakao en Corée du Sud, Gozem, Pesapal ou Tingg en Afrique, Rappi en Amérique Latine et bien d’autres… Toutes ont commencé par une app de livraison de repas, de VTC, moto taxis ou encore de recharge de crédit pour téléphones prépayés, avant d’agréger tous les services dont les populations ont besoin autour d’une brique de paiement.

L’Occident est-il hermétique au phénomène de super app ?

Si les géants de la tech pourraient développer leur super app (de par leur taille, leur capacité à réunir des audiences très larges, leur visibilité…), le modèle peine à percer en Amérique du Nord, tout comme en Europe où aucune entreprise n’a a priori la capacité de répondre à la définition première énoncée en haut de ce papier.

Les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) sont évidemment les premiers candidats avec les NATU (Netflix, Airbnb, Tesla et Uber). Pourtant, aucune de ces entreprises ne dispose d’une super app telle que WeChat.

Pour Google et Apple qui contrôlent les OS de nos smartphones, leur position privilégiée leur permet de jouer à un niveau supérieur en contrôlant la couche logicielle (et matérielle pour Apple) et l’accès aux services tiers. Plus qu’une super app, ces deux acteurs déploient une multitude de services (et donc d’apps) séparés, parfois ouverts au tiers. La liste (non exhaustive) des apps d’Apple illustre cette extension : Apple Sign-in, Apple Pay, Apple Wallet, Apple Music, Apple News, Apple TV, Apple Books, Apple Plan,... On pourrait faire la même chose sur Android avec Google. Les outils ouverts (Apple Sign-in, Apple Pay notamment), intégrés dans les apps des autres éditeurs, étendent l’influence de deux OS sans avoir à porter l’ensemble du service.

Alors pourquoi d’autres acteurs à la WeChat ne se sont-ils pas imposés en Occident ?

Il y a bien évidemment les raisons inverses à la Chine : concurrence de services et de marques bien établies sur l’internet fixe (et même sur les apps) auxquels les utilisateurs sont attachés, usage du web déjà développé limitant l’intérêt pour certaines apps, taux de bancarisation très élevé affaiblissant le développement du paiement mobile…

Il y a ensuite les éléments politiques où le poids de la protection des données personnelles (renforcée depuis 2018 avec la RGPD) et les combats antitrust et anticoncurrentiel (TF1-M6) ont assurément limité les ambitions de certains acteurs. Google et Apple sont d’ailleurs poursuivis régulièrement sur ces sujets là à leur niveau.

Même Facebook, qui avait une position idéale sur le marché, n’a pas réussi à imposer une super app et s’est contenté à date d’intégrer le logo Meta dans l'écran d’ouverture de Facebook, WhatsApp et Instagram…

Les enjeux de la super app pour votre marque 

Du coup les ambitions de super apps ont été "adaptées" en Occident. Lorsque le terme est utilisé par un éditeur pour déclarer son ambition de super app, il s’agit souvent :

  1. De regrouper ses propres services - parfois dispersés - au sein d’une même app afin de créer un carrefour d’audience favorisant l’usage et limitant la désinstallation.
  2. De faciliter le cross selling au sein de l'entreprise.
  3. De limiter et mutualiser les coûts de maintenance des services.

Trois enjeux essentiels pour les marques et les éditeurs et sur lesquels quelques exemples émergent, avec pour certains l’ambition d'agréger des services tiers.

Uber, le géant californien connu pour nous emmener en VTC d’un point A à un point B sans (trop de) difficulté, s’est petit à petit diversifié en proposant la réservation de vélos / trottinettes électriques, la livraison de repas et même de courses (UberEats), de colis avec Uber Direct, et même de voyages selon les pays. Uber déploie aussi progressivement la réservation de trajets en bus ou train au Royaume-Uni. Des premiers pas vers une mutation en véritable agrégateur de mobilité, permettant de retrouver ses voyages via un compte Gmail pour faciliter la réservation de courses aéroport / hôtel / activités et à terme de passer ses réservations au sein même de l’appli. 

De manière assez proche, la SNCF (cocorico) avec SNCF Connect, qui a remplacé OUI.sncf début 2022, non sans peine. Elle s’est déployée progressivement avec pour objectif de s’imposer comme une app ultra complète permettant à ses utilisateurs de planifier, réserver et payer tous les modes de transports - pour des petits et longs trajets - sur une plateforme unique. L’app s’interface donc avec des services tiers, toujours dans le domaine du transport,  via le concept du MaaS (Mobility As A Service).

Dans le domaine de la finance, on parle souvent (et eux-même le disent) de Lydia comme d’une super app. Mais là aussi il s’agit plus de l'élargissement des services monétaires au trading et à la cryptomonnaie par exemple et du développement d’une offre financière complète (compte courant, épargne, crédit, assurance...).

Dans le retail, Carrefour a également annoncé le lancement d’une super app avec Meta (tiens, tiens) mais qui tourne autour du regroupement des différentes formes de commerce (magasin, drive, livraison) jusqu’alors séparées. Citons également Klarna, arrivée en France en 2021 et hissée dans le top 10 des apps de shopping de l'App Store cette même année. L’app suédoise propose un paiement unique et fractionné pour l'achat de produits/services issues de nombreuses marques distribuées sur la plateforme, ainsi que le suivi de livraison, la gestion de retours, etc. Une sorte de centre commercial bâti autour d’une promesse de financement.

Peut-être que la vraie super app proviendra finalement de l’Etat, selon les ambitions qui seront portées par France Connect et la digitalisation des services publics. Ou du monde de l’entreprise où la multiplication des outils Saas va nécessiter une approche plus user centric.

Mini-apps, widgets, dynamic Island, un autre axe pour votre super app ?

En attendant votre super app, n’oubliez pas d’offrir à votre app des super pouvoirs, notamment en vous appuyant sur les dernières évolutions d’Android13 & d’iOS16 sorties cette année.

D’abord en facilitant l’usage et l’adoption de votre app, avec les mini apps par exemple (App Clip chez Apple, Instant App sur Android) qui permettent une première expérience ultra fluide et sans téléchargement. Un premier exemple avec Lacoste qui a déployé dans son flagship des Champs Elysées une mini app permettant de gérer les demandes d’essayage en magasin directement depuis son smartphone et sans passer par un vendeur.

Ensuite en facilitant l’accès à votre service en s’appuyant sur les widgets sur Dynamic Island sur iOS. Une solution idéale pour avoir un extrait de votre app directement sur l’écran verrouillé de l’utilisateur ! Plus d’info dans notre article dédié aux nouveautés iOS16.

 

Agence digitale mobile first, USERADGENTS accompagne les marques dans leurs stratégies web et mobile, puis dans la mise en place de celle-ci à travers la conception, le design et le développement d’interfaces mobiles (applications, sites), dispositifs omnicanaux et expériences d’AR/VR et métavers. 

 


[1] WeAreSocial & Hootsuite, Avril 2022

[2] App Annie State of Mobile 2022

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