La Matinale E-commerce : décryptage des enjeux du paiement dans le retail
Organisée dans nos locaux le 9 avril dernier, la Matinale E-commerce s'est attaquée aux défis et innovations de l'industrie des paiements en ligne dans le retail et l'e-commerce en réunissant des experts du secteur pour discuter des tendances actuelles, entre fraude, personnalisation, intelligence artificielle, et stratégies gagnantes. Retour sur cet évènement, à visionner en intégralité.

Comment optimiser ses stratégies de paiement, à l'ère du numérique tous azimuts ? Quelles évolutions proposer pour améliorer la fluidité et renforcer la satisfaction client ? Lors de l'émission "La Matinale E-commerce", enregistrée par E-commerce Magazine mercredi 9 avril, les tables rondes et les échanges riches se sont succédé avec des experts du secteur pour décrypter les évolutions du domaine, la lutte contre la fraude, la personnalisation des parcours de paiement et l'impact de l'intelligence artificielle. On revient sur les moments forts de cette matinée.
70 % des paiements sont désormais sans contact
La première table ronde a mis en lumière les évolutions récentes, avec un focus particulier sur les transformations induites par la pandémie de Covid-19. Charlotte Pagot, secrétaire générale du spécialiste des enjeux technologiques dans le commerce de détail Mercatel, a souligné que "le paiement par carte a très fortement progressé, notamment sous l'effet du Covid". Selon elle, l'adoption de cette technologie, qui s'expliquait alors par la nécessité de limiter les contacts physiques, est massive : "sept transactions sur dix sont désormais réalisées en sans contact, c'est gigantesque".
Une tendance confirmée par Terez Duhameau, directrice service client et paiement pour la France chez le retailer Rakuten, pour qui "les coûts liés aux paiements sont un sujet de plus en plus important pour les e-commerçants, notamment dans un contexte inflationniste". Un contexte sur lequel surfe largement l'émergence (voire l'hégémonie) des néobanques étasuniennes (Sage, Yotta, Mercure...) qui séduisent de plus en plus de clients par des propositions de taux d'intérêt attractifs et qui fragilisent les start-up, ce qui pose selon Charlotte Pagot "la question de la souveraineté des paiements". Michel Koch, expert retail et e-commerce chez Tune Up Consulting, a pour sa part insisté sur l'importance des paiements mobiles, comme Apple Pay et Google Pay, qui représentent aujourd'hui "62 % des transactions". Charlotte Pagot a relevé une donnée de l'Observatoire de la sécurité des moyens de paiement (Banque de France) selon laquelle, sur le premier semestre 2024, le paiement mobile en magasin représentait 14 % des opérations cartes de proximité, quand ils étaient de 10 % l'année précédente.
Les tendances : du paiement fractionné à l'authentification forte
Du côté des pratiques à la mode, le paiement fractionné, également connu sous le nom de "Buy Now, Pay Later" (BNPL), a le vent en poupe. est une tendance en pleine expansion. Selon Michel Koch, "le paiement fractionné a toujours existé sous la forme de crédit, mais il a été modernisé et simplifié". Selon lui, ce type d'échange "augmente de 20 à 30 % le volume de transactions et de 15 % le panier moyen". Charlotte Pagot a également mis en avant l'importance du paiement fractionné, notamment pour la GenZ : "Les jeunes consommateurs sont très friands du paiement fractionné, même pour des montants relativement faibles. De plus, c'est un critère différenciant pour une enseigne, notamment pour les produits à panier élevé".
Autre pratique en vogue, ici plus réglementaire : l'authentification forte. Imposée par la directive DSP2 (la deuxième directive européenne sur les services de paiement, adoptée en 2018), elle rencontre des résistances, selon Terez Duhameau : "l'authentification forte est une irritante pour les consommateurs, car elle ajoute une étape supplémentaire dans le parcours de paiement et peut mener à des abandons de panier, ce qui coûte cher". La solution ? Pour Charlotte Pagot, elle se trouve désormais dans l'accompagnement des consommateurs : "il fallait accompagner le changement auprès des porteurs, car les usages étaient bien établis sur d'autres voies. Les commerçants ont fait preuve de résilience et les fédérations ont joué un rôle clé dans cette transition".
Les défis de la fraude
Mais cette numérisation des échanges s'accompagne nécessairement d'une hausse des risques de fraudes. Pour Charlotte Pagot, "la fraude à la carte bancaire a été jugulée grâce à la directive DSP2, mais d'autres formes de fraude, comme la fraude à la livraison ou la fraude au retour, se sont développées". Et Terez Duhameau d'ajouter que "les fraudeurs utilisent des techniques de plus en plus sophistiquées, comme la création de faux sites internet ou l'exploitation des failles des systèmes logistiques".
Pour lutter contre ces menaces, les e-commerçants cherchent à s'appuyer sur des outils plus puissants et performants. "Nous avons des outils internes qui permettent de détecter rapidement de nouveaux patterns de fraude et de mettre à jour nos règles en temps réel", précise Terez Duhameau. Et selon Charlotte Pagot, un petit nouveau devrait se faire une place de choix dans la lutte contre la fraude dans les années à venir : "l'intelligence artificielle nous permet de détecter des signaux faibles et d'affiner les analyses de risque, ce qui réduit considérablement les faux positifs". Et Terez Duhameau de renchérir avec un cas pratique "L'IA nous aide à détecter des patterns qu'on ne détectera pas avec des humains. Par exemple, si un vendeur essaye d'amener l'acheteur en dehors du site de Rakuten pour faire un faux paiement, l'IA permet désormais de détecter son intention, et plus simplement de ficher son numéro ou son adresse mail, ce qui rencontre des limites rapidement car c'est facile à contourner."
Avec la personnalisation, la quête de fluidifiée
Une fois la sécurité des utilisateurs garantie, reste à rendre l'expérience de paiement agréable, facile, adaptée, bref, plus fluide. Pour ce faire, le secteur compte beaucoup sur la personnalisation des parcours de paiement. Selon Terez Duhamea, il est essentiel de proposer "un parcours équilibré, fluide, simple et rapide", pour éviter les abandons de panier. Quelles solutions ? Là encore, l'intelligence artificielle tiendrait le bon bout pour "proposer le mode de paiement qui convertit le mieux au moindre coût, en fonction des données disponibles sur le client".
De son côté, Charlotte Pagot a surtout tenu à préciser l'importance de la biométrie comportementale, qui permet "de qualifier le risque en fonction de la façon dont le consommateur navigue sur un site". Cette technologie, bien qu'encore émergente, pourrait faire largement évolution la lutte contre la fraude, et en bout de chaîne bénéficier à l'expérience utilisateur. Enfin, le QR code fait son chemin. "On s'inspire beaucoup de ce qui se passe à l'étranger pour se projeter sur notre propre marché", fait savoir Charlotte Pagot. Or, "le QR code, c'est quelque chose qui est tellement banal en Asie au travers de Wechat ou Ali Pay, mais aussi en Inde puisqu'ils ont UPI, qui fonctionne absolument parfaitement. Mais la différence entre le marché asiatique et le marché européen est que le premier est dicté à haut niveau, quand en Europe, on laisse les acteurs économiques se débrouiller. Ici, le QR code sera porté par Wero, et on a hâte de voir ce que ça va donner."
Les apports de l'IA dans les stratégies de paiement
On l'a compris, le gros facteur d'innovation dans le secteur, c'est l'IA. Une table ronde a vu discuter sur ce sujet Eric Latour, expert en sécurité des systèmes d'information chez Microsoft France et architecte en chef des solutions cloud pour Amadeus, entreprise espagnole spécialisée dans la gestion de services de voyages, qui entretien un partenariat avec Microsoft depuis 2021, et Anne-Gaëlle Fauchon, directrice marketing partenariat de la fintech Younited Credits.
Le premier a tenu à également détaille en quoi "l'IA permet d'automatiser des tâches complexes, comme la détection de fraude ou l'analyse des comportements d'achat". Il a également souligné le fait que "l'IA n'est pas là pour remplacer l'humain, mais pour l'assister et lui permettre de se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée". Anne-Gaëlle Fauchon a pour sa part mis en avant l'impact de l'IA sur le crédit à la consommation. "Grâce à l'IA, nous pouvons analyser les données bancaires des clients en temps réel et leur proposer des solutions de financement personnalisées", a-t-elle expliqué, avant d'affirmer que "l'IA permet de réduire les délais de traitement des dossiers de crédit, ce qui améliore l'expérience client".