Recherche
Magazine E-commerce
S'abonner à la newsletter S'abonner au magazine

Cherche candidat désespérément

Publié par le

Tout site d'e-commerce qui se développe déchante quand il recrute. Manque d'expérience, trop techniciens ou pas assez pointus... Les candidats déçoivent. La faute à des formations encore éloignées de la réalité des entreprises.

Je m'abonne
  • Imprimer

Grâce à une croissance remarquable et continue (22 % au premier semestre 2012 selon la Fevad), l'ecommerce génère des emplois à la pelle. Une aubaine qui s'accompagne souvent de désillusion au moment de pourvoir les postes. Manque d'expérience, de bagage technique, de polyvalence ou de sens du travail en équipe... Même pétris de bonne volonté, les candidats ne répondent pas toujours aux besoins d'un secteur jeune et en perpétuelle évolution. « Il est difficile de faire coïncider les demandes des employeurs et les profils. C'est vrai pour tous les postes. Toutes les entreprises veulent des gens dotés d'une expérience de cinq à dix ans avec des compétences pointues. Cela n'existe pratiquement pas », assure Christine Pruvost, directrice de l'entité IT chez Hudson. Ce cabinet de recrutement oriente en conséquence ses clients vers des profils atypiques: « On va fouiller les candidatures sur des critères moins objectifs, liés à la personnalité, qui compteront pour plus de la moitié dans la décision finale. »

Avec le temps, le problème de l'inadéquation entre l'offre et la demande est devenu majeur. « Il y a cinq ans, un responsable e-commerce faisait tout. Il était responsable de l'acquisition, du référencement, de la base CRM, de la fidélisation, du marketing... En fonction de la taille de l'entreprise, on se spécialise de plus en plus », analyse Jacques Froissant, dirigeant du cabinet de recrutement Altaïde. Restent les PME, cette frange majoritaire de l'Internet marchand, qui confient à un webmaster un éventail de tâches de plus en plus complexes. La bataille est forcément inégale et le fossé se creuse. Mais tous partagent le même désarroi.

Anne-Laure Constanza, (enviedefraises.fr) « Les jeunes ne sont pas enclins à prendre le risque de participer à une aventure entrepreneuriale. »

Anne-Laure Constanza, (enviedefraises.fr) « Les jeunes ne sont pas enclins à prendre le risque de participer à une aventure entrepreneuriale. »

La nécessaire notoriété du site

Showroomprivé, qui passera la barre des 500 salariés cette année, recrute en permanence depuis sa création en 2006. Non sans mal, alors que la croissance de l'activité l'impose puisqu'elle repose sur le volume de commandes plus que sur le panier moyen, relativement bas (50 euros environ) . « Nous avons surtout du mal à trouver des managers expérimentés. Des gens possédant de cinq à sept ans d'expérience, il y en a peu », témoigne Thierry Petit, le fondateur. Le site, qui s'est doté d'un pôle recrutement, s'est résolu à embaucher des jeunes et à les faire monter en compétence.

Une méthode également adoptée par les sites sortis de la confidentialité plus récemment, comme Enviedefraises.fr, dédié aux femmes enceintes. Quatre collaborateurs sur cinq sont des jeunes diplômés entrés dans l'entreprise en contrat de professionnalisation ou en stage. Mais même dans le vivier des débutants, les postulants furent rares. « Nous éprouvons des difficultés à recruter depuis notre lancement. En tant que start-up, nous étions inconnus au bataillon. Les jeunes ne sont pas très enclins à prendre le risque de participer à une aventure entrepreneuriale et préfèrent effectuer des stages dans les grandes boîtes », observe Anne-Laure Constanza, fondatrice du site. Et maintenant que le site s'est fait un nom? « C'est de moins en moins difficile. » Le joaillier en ligne Gemmyo, qui fêtera bientôt son premier anniversaire, n'en est pas encore là. Son manque de notoriété auprès des jeunes diplômés le pénalise. « On a besoin de tester les gens et ce n'est pas toujours facile. En SEO, par exemple, il faut un certain temps pour jauger des qualités d'un salarié. Le droit à l'erreur est faible et les besoins s'expriment rapidement », déplore Pauline Laigneau, cofondatrice du site. Deux profils font particulièrement défaut à Gemmyo: un e -marketer polyvalent et un community manager ayant autant d'appétence pour la technique que pour le business. Pas facile.

Selon Pierre Cannet, general manager du cabinet de recrutement BlueSearch, les e-marchands recherchent trois grandes catégories de profils: « Premièrement, des hyperspécialistes, comme des SEO managers ou des social media marketers. Deuxièmement, des cadres généralistes web, comme des digital branding managers et des responsables e-commerce. Troisièmement, des cadres multicanal, des directeurs marketing qui vont gérer l'ensemble des canaux de distribution. » Tendance lourde, le commerce multicanal charrie son lot d'offres d'emplois. Les grands noms du monde physique s'entourent d'anciens piliers des pure players, ainsi Franck Zayan, cofondateur de Sarenza, passé directeur e-commerce des Galeries Lafayette.

Pauline Laigneau: « En SEO, il faut un certain temps pour jauger des qualités d'un salarié. »

Pauline Laigneau: « En SEO, il faut un certain temps pour jauger des qualités d'un salarié. »

Zoom sur...

Les nouvelles écoles de l'e-commerce
L'EEMI (Ecole européenne des métiers de l?Internet)
Lancée à grand renfort de communication, l'Ecole européenne des métiers de l'Internet jouit de la notoriété de ses trois créateurs: Jacques-Antoine Granjon (Vente-privée), Marc Simoncini (Jaïna Capital, ex-Meetic) et Xavier Niel (Free). La première promotion a pris possession du Palais Brongniart en septembre 2011.
L'EEMI se veut être « une école à l'image de son environnement: novatrice, interactive, dynamique, créative et audacieuse, afin de relever le défi de la performance. » Elle propose un cursus après le bac en trois ans, à raison de 30 à 35 heures d'enseignement par semaine: un socle commun de 9 à 12 heures et un enseignement spécifique de 18 à 21 heures. En première année, l'étudiant réalise un stage de découverte de l'entreprise, puis une immersion en entreprise correspondant à un mi-temps au cours de la deuxième et de la troisième année.


SUP'Internet
Dans cette école du groupe Ionis, les élèves se spécialisent dès la première année. Ils peuvent choisir entre trois formations de trois ans: Développement et technologies du Web, Création et design web, Business et marketing internet. En fin de première et deuxième années, les étudiants réalisent des stages de deux à quatre mois. La troisième année, ils s'immergent en entreprise quatre jours par semaine. Ces derniers mois sont ponctués de conférences à l'école. « En imaginant SUP'Internet, nous avons pris l'initiative d'apporter à l'industrie de l'Internet les talents qui lui font défaut », explique le groupe d'enseignement privé. A noter, l'école demande les frais de scolarité les plus faibles: 5 400 Euros la première année et 5 900 Euros les deux suivantes. Chez ses concurrentes, les étudiants devront débourser entre 6 200 Euros et 7 400 Euros par an.


#Supdeweb
Mise en place par Media School Group, un groupe d'enseignement supérieur privé, cette formation est dispensée en trois ans. Les premiers étudiants font leur rentrée le 15 octobre. En première année, ils suivront 400 heures de cours, un tronc commun. En deuxième année démarre la spécialisation (deux tiers des cours), qui concerne l'intégralité des cours la troisième année. #Supdeweb souhaite favoriser « une immersion professionnelle maximale, particulièrement décisive dans un secteur aux spécialités multiples en constantes et rapides évolutions ». Un stage de quatre mois est prévu en première et deuxième années. La troisième, les étudiants passent les quatre cinquièmes de leur temps en entreprise, en stage ou en contrat de professionnalisation. Le comité de pilotage de #Supdeweb réunit de grands noms de l'univers du digital, parmi lesquels Jean-Marc Tasseto (Google), Jacques Froissant (Altaïde), Bruno Breton (Bolloré) ou encore Laurence Bricteux (NRJ).


_WebSchool Factory
Cette école, qui a ouvert ses portes le 1er octobre 2012, a été lancée conjointement par Strate College, le Pôle ESG et Hetic. Contrairement à ses homologues, elle dispense une formation en cinq ans. Trois cycles d'enseignement ont été définis: design, e-business et technologies numériques. La première année correspond à une prépa. Les étudiants s'imprègnent de ces trois univers et choisissent une «majeure». Ils se spécialisent dès la deuxième année.


La _WebSchoolFactory propose aux étudiants une expérience à l'étranger via un échange universitaire de six mois et/ ou un stage, également de six mois, dans le pays. L'établissement est dirigé par Laurent Tran Van Lieu, président du groupe Studialis, un réseau qui regroupe 22 écoles d'enseignement supérieur. Son ambition: créer le « premier campus-cluster français, espace d'enseignement et de création ouvert sur la société et le monde de l'entreprise. »

Des formations au contenu encore flou

Le débauchage de salariés est une réalité dans un secteur où les cadres restent rarement inactifs. Il fait partie intégrante des stratégies de chasse des cabinets de recrutement, le plus souvent mandatés pour des postes de managers (dès deux ou trois ans d'expérience), sur des compétences assez rares comme le SEM. Tous les sites ne pouvant faire appel à un cabinet, il leur faut utiliser eux-mêmes différents leviers. Les réseaux sociaux permettent aujourd'hui de cerner assez finement les profils, d'autant que les communautés du Web sont très actives sur Viadeo ou LinkedIn. Mais il ne faut pas négliger les candidatures spontanées, qui réservent de bonnes surprises. « C'est assez exceptionnel, j'ai recruté trois des très grands managers de l'entreprise par ce biais. Ils ont fait des pieds et des mains pour me rencontrer, à des moments où les postes qu'ils occupent aujourd'hui étaient disponibles », relate Anne-Laure Constanza. De son côté, Pauline Laigneau pensait pouvoir compter sur le réseau des anciens de son école, HEC. Sans succès jusqu'à présent. Idem pour deux autres cofondateurs de Gemmyo, issus de l'Ecole Centrale ou de l'ESCP. «La grande majorité des diplômés s'oriente vers le conseil ou la finance. PriceMinister, dont certains fondateurs sont des anciens de l'école [Pierre Kosciusko-Morizet et Olivier Mathiot, ndlr] , recrutait au sein des promotions. Sinon c'est très compliqué. Les étudiants sont encore peu informés sur l'e-commerce. » Quant aux écoles d'ingénieurs, il leur faudrait, selon Pauline Laigneau, ajouter un volet commercial à la formation technique. Depuis l'an dernier, les écoles privées formant aux métiers du Web fleurissent (lire notre encadré, page 22). Il faudra attendre la sortie des premiers diplômés de l'EEMI (Ecole européenne des métiers de l'Internet), à l'été 2014, pour évaluer les progrès apportés par ces cursus. Pour Christine Melous, présidente du groupe ESP (Ecole supérieure de la publicité), il n'est pas toujours évident de faire intervenir des professionnels pédagogues. Le travail des écoles consiste, selon elle, à mettre en perspective les retours d'expériences et à définir des axes d'enseignement prioritaires en identifiant les besoins des employeurs. «Au départ, nous voulions dénicher les meilleurs experts. Mais les étudiants avaient l'impression d'être face à un patchwork. Nous avons alors renforcé notre vision stratégique et économique, en continuant à nous former, avec l'idée de transmettre à nos étudiants cette obsession d'être en veille en permanence et d'être créatif.»

Yannick Franc (Kurt Salmon):

« Peu de cursus forment les étudiants correctement aux problématiques du Web. »

Le data miner, ce professionnel que les e-marchands s'arrachent

S'il est un professionnel particulièrement difficile à recruter, c'est bien le data miner. Présent dans de nombreux secteurs, ce «fouilleur de données» a d'abord suscité l'intérêt des VADistes avant de devenir la nouvelle coqueluche des e-marchands. A l'heure du big data, son travail est d'extraire et d'analyser les données dont disposent les professionnels d'e-commerce. Autrement dit, de rendre les chiffres intelligibles pour définir précisément le profil des utilisateurs. Il doit pour cela être doté d'excellentes aptitudes en mathématiques, de solides compétences en informatique et d'une approche subtile du business. Ce qui fait de cette poule aux oeufs d'or un vrai mouton à cinq pattes... « Ce profil n'existe pas vraiment sur le marché de l'emploi. Très peu de gens sont capables de faire du data mining à échelle industrielle. Seuls les plus grands acteurs peuvent s'entourer de gens maîtrisant ces compétences: Google, Amazon, Microsoft, Facebook... », explique David Bessis, président de TinyClues. Cette société propose à des sites marchands (dont plusieurs du top 10 français) des prestations de data mining. Actuellement en phase de recrutement, elle aussi éprouve des difficultés à dénicher la perle rare. « Il nous faut à la fois embaucher des personnes très fortes en mathématiques et de très bons développeurs. » Les élus auront un bagage scientifique assez élevé et de l'aisance avec les algorithmes. Ne restera plus qu'à les former à l'outil informatique. Dans l'e-commerce, le data miner peut utiliser les bases de données utilisateurs, les catalogues produits, l'historique des achats ou les données de navigation sur le site... David Bessis note un potentiel du côté des jeunes diplômés, aguerris au machine learning, cette discipline qui consiste à apprendre à la machine à adapter son comportement en fonction des données. Il constate, en revanche, « une vraie pénurie au niveau du management, qui va mettre du temps à se résorber. Beaucoup d'e-commerçants sont assez démunis et le reconnaissent volontiers », soupire-t-il. Si tous les e-marchands, loin s'en faut, ne peuvent convaincre le data miner d'Amazon de les rejoindre, Pierre Cannet, general manager du cabinet de recrutement Blue Search, évoque plusieurs niveaux de compétences intermédiaires: « On va avoir besoin de collaborateurs qui font de l'extraction de base, du scoring, de l'exploitation de campagnes de marketing direct... Un chef de projet ou un responsable les pilotera. Enfin, un troisième niveau est incarné par un directeur marketing multicanal, un directeur fidélisation ou un patron du CRM. » Les salaires dépendent évidemment des compétences et des responsabilités. TinyClues préfère former ses salariés en interne: « Nos salaires à l'embauche ne sont pas forcément très élevés. Cela commence entre 40 KEuros et 50 KEuros. Les stocks-options vont davantage attirer les postulants. Chez les e-marchands, le salaire est plus élevé, mais il n'y a pas de potentiel de stock-options. » En France, dans l'univers de l'e-commerce, le salaire des data miners peut atteindre, voire dépasser, 100KEuros annuels.

Le choix de la personnalité

Pour l'instant, la formation reste un critère secondaire pour les e-marchands et les cabinets de recrutement. L'expérience demeure capitale. «Peu de cursus forment les étudiants correctement aux problématiques du Web. Les gens les mieux à même de parler d'affiliation ou de search marketing ont déjà effectué des stages de plus de trois mois. Mais depuis trois ou quatre ans, les étudiants se spécialisent. Les écoles organisent des séminaires liés à l'e-commerce et se rapprochent des pure players», affirme Yannick Franc, consultant chez Kurt Salmon. Au-delà des compétences techniques, on demande aux candidats d'être ouverts aux autres collaborateurs et capables de gérer des projets. «L'employeur va faire une sélection en fonction de critères techniques. Mais le choix final se portera sur la personne dont on estime qu'elle saura travailler en équipe, faire attention au détail et se mettre à la place du client», affirme François Adoue, directeur de l'Observatoire international des métiers de l'Internet.

Un choix testé et approuvé par Anne-Laure Constanza. «Plutôt que des profils, nous recrutons des personnalités. Des gens qui ont vraiment un respect viscéral du client. Ensuite, nous les formons à nos méthodes. Nous préférons des personnes qui ont une bonne capacité d'initiative et une forte adaptabilité pour qu'ils évoluent avec nous. Quand je recrute un jeune diplômé, je l'imagine dans cinq ans: est-ce qu'il va être capable de manager une équipe de dix personnes?» S'ajoute à cela, bien sûr, la nécessité d'une bonne connaissance du produit. Car aucun critère ne remplacera la passion!

 
Je m'abonne

Gaël Lombart

NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles

E-commerce

Small Business

Event

E-commerce Offres Commerciales

Good News by Netmedia Group

Retour haut de page