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Hiroshi Mikitani - CEO et fondateur du groupe Rakuten: « Je savais qu'Internet allait changer le monde »

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HIROSHI MIKITANI EST L'UN DES PLUS JEUNES MILLIARDAIRES JAPONAIS. IL EST PARVENU A CREER, EN 15 ANS, UN GROUPE QUI REALISE PLUS DE 32 MILLIARDS DE DOLLARS DE CHIFFRE D'AFFAIRES DANS LES SERVICES EN LIGNE. EN JUIN DERNIER, RAKUTEN A RACHETE PRICEMINISTER POUR EN FAIRE LE FER DE LANCE DE SON DEVELOPPEMENT EUROPEEN...

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Comment avez-vous découvert PriceMinister?

Hiroshi Mikitani: Nous souhaitions nous implanter en Europe et avons pour ambition de devenir une des entreprises majeures de l'e-commerce en Europe. Nous nous sommes rendus en France pour mieux connaître le marché et nous avons rencontré PriceMinister. Nous avons tout particulièrement apprécié la bonne réputation et la qualité du management de PriceMinister. L'opération a ensuite été menée rapidement. En effet, elle a été conclue de façon très efficace, en cinq mois et le deal signé le jeudi 17 juin 2010. Nous sommes ravis de cette acquisition.

L'entreprise Rakuten n'a pas encore d'équipe en Europe. Nous commencerons le développement de notre modèle, probablement depuis la France vers l'Angleterre et l'Espagne. Puis plus tard vers d'autres pays. L'Angleterre et l'Allemagne présentent effectivement un fort potentiel.

Nous étudions actuellement la manière dont nous allons coordonner nos actions.

Comment avez-vous financé cette acquisition?

Avec nos fonds et des prêts bancaires. Nous disposons d'un très fort cash-flow au sein du groupe Rakuten, il n'y avait donc pas de difficulté à réaliser cette opération.

Allez-vous conserver le nom de PriceMinister sur certains marchés?

C'est une option. Nous y réfléchissons pour adopter la meilleure des stratégies. Globalement, nous avons trois leviers à étudier pour mettre en place des synergies: la marque, la technologie et le modèle.

Parlez-nous de votre parcours, vous êtes peu connu en France...

J'ai débuté comme banquier, après une business school. J'ai ainsi passé plusieurs années dans le secteur bancaire, avant de lancer ma propre activité. Je savais que je voulais créer une entreprise. Internet devenait populaire et j'étais absolument convaincu que cela deviendrait un business très important, que cela allait changer notre monde. J'étais d'ailleurs un peu seul, mes proches et mes amis n'avaient pas tous le même avis. Nous avons décidé, en 1996, de lancer au Japon un tout nouveau concept, une plateforme de C to C, Rakuten Ichiba.

@ Marc Bertrand

Comment s'est développée votre activité?

Au lancement, l'idée était simplement de permettre à tout un chacun de créer et développer son site marchand sur le Net, à la demande. Nous avons pour cela créé notre propre technologie pour maîtriser l'ensemble des paramètres. En fait, notre concept reste assez différent de celui de nos concurrents, comme Amazon ou eBay.

Quant aux résultats, ils ont très vite été significatifs. Au début, le montant des transactions réalisées sur la plateforme était de l'ordre de 250 000 dollars par an. Aujourd'hui, elles dépassent 10 milliards de dollars! Parallèlement, notre groupe a largement investi dans différents types de service en ligne, dans le secteur du voyage, de la vente de CD et DVD en ligne, du consulting en e-commerce, de la banque et des portails médias notamment.

Pouvez-vous expliquer les spécificités du modèle de votre place de marché?

Notre modèle est axé sur l'expérience d'achat des consommateurs et sur la possibilité pour les vendeurs de créer leurs propres univers. Sur la plateforme d'Amazon, par exemple, vous ne pouvez pas personnaliser votre espace de vente. Sur Rakuten, le vendeur peut choisir parmi de nombreuses options pour vendre ses produits. Il peut personnaliser sa page d'accueil, créer son propre blog, organiser des ventes privées, choisir la campagne marketing en ligne qui lui convient et bien plus encore. En fait, vous pouvez faire presque tout ce que vous voulez. Nous cherchons avant tout à établir une relation entre le vendeur et l'acheteur. Notre objectif n'est pas de standardiser l'expérience de shopping en ligne. Au contraire, notre credo est d'impliquer le client dans l'acte d'achat. Actuellement tous les types de commerces en ligne sont présents sur la plateforme. Et les plus grandes compagnies réalisent jusqu'à 10 millions de dollars de chiffre d'affaires par mois sur Rakuten Ichiba.

@ Marc Bertrand

Quelle est la part des transactions réalisées grâce au mobile?

Actuellement, près de 10 % des transactions effectuées par la plateforme proviennent du mobile. C'est une part qui augmente régulièrement et cette tendance devrait se poursuivre.

Au Japon, les consommateurs sont très sensibles aux opérations de fidélisation, de dotation...

Les programmes à points sont en effet très importants au Japon et notre programme de fidélisation baptisé «Rakuten super point» est également très renommé. Il récompense réellement ses membres et est très intégré à nos différentes activités. Ainsi, quand vous achetez sur l'un des sites du groupe, que vous réalisez des opérations bancaires ou que vous achetez des voyages en ligne, vous collectez des points. Nous avons en quelque sorte créé une nouvelle monnaie que vous pouvez utiliser quand vous faites des achats en ligne, pour payer des honoraires bancaires par exemple. Ce programme à points est très puissant et est plébiscité par les consommateurs.

Voyez-vous de grandes différences dans la manière dont les gens utilisent Internet au Japon et en Europe?

Je pense que les gens sont de plus en plus en attente d'une expérience enrichissante quand ils font du shopping en ligne. C'est pourquoi nous croyons vraiment à notre modèle que nous avons mis en place dans de nombreux pays, et avec succès.

Nous sommes également confiants dans notre future réussite en Chine. Nous y avons en effet lancé notre plateforme à la mi-octobre. Pour cela, nous nous sommes alliés au moteur de recherche Baidu, leader de son secteur dans ce pays. Nous avons ainsi créé une joint-venture détenue à 61 % par Rakuten et à 49 % par Baidu pour lancer notre «shopping mall» chinois. Nous nous concentrons actuellement sur ce projet. Par la suite, nous envisageons de nous développer en Thaïlande et à Taïwan.

En Chine, par quoi allez-vous commencer?

Nous allons y dupliquer le modèle japonais. La plateforme d'Alibaba est notre principal compétiteur sur ce marché. Nous allons donc travailler et adapter plus particulièrement notre offre et notre référencement.

Pensez-vous qu'il y aura un phénomène de concentration des places de marché?

Chaque pays a sa propre culture de l'achat en ligne et les consommateurs ont leurs préférences. Mais je suis intimement convaincu malgré tout que la popularité de l'e-shopping va s'intensifier partout dans le monde. Par exemple, dans les pays en voie de développement, tout le monde pensait que le shopping en ligne ne serait pas efficace. Mais on se rend compte dans des pays comme la Chine, que lancer des sites d'e-commerce est souvent plus efficace et moins cher que de construire de centres commerciaux.

Ce qui se passe en Grande-Bretagne avec Tesco est différent. Cela fait du sens d'avoir à la fois des chaînes de supermarchés et d'être très fort sur le commerce en ligne. Car, à l'avenir, les consommateurs voudront pouvoir trouver tous types de produits, des plus standards au plus uniques, et il deviendra de plus en plus important que nous soyons en mesure de les leur fournir par différents réseaux.

Un mot de vos ambitions...

Nous espérons que notre modèle sera efficace en France. En effet, nous voulons devenir le premier acteur du marché en France, en Europe et aux Etats-Unis. Au total, nous réalisons 4 milliards de dollars de chiffre d'affaires et nous effectuons 96 % de notre activité au Japon.

Le secteur des ventes privées rencontre un franc succès en France. Qu'en est-il au Japon?

Les ventes privées ne sont pas vraiment développées chez nous, en tout cas beaucoup moins qu'en Europe. Et ce modèle reste très éloigné du coeur d'activité de Rakuten.

Vous partez à la conquête des marchés internationaux. Qu'est-ce que cela implique pour vos équipes?

On parle souvent de la barrière de la langue, et elle est bien réelle sur les marchés internationaux. C'est pourquoi j'ai demandé à mes collaborateurs d'être très rapidement opérationnels en anglais. Cela représentera un avantage certain pour réussir au sein de notre entreprise, qui a aujourd'hui des ambitions de développement à l'international.

Parcours

Hiroshi Mikitani est le fondateur de Rakuten, Inc. où il occupe la fonction de président et de CEO depuis 1997. Avant de créer Rakuten, Hiroshi Mikitani fonde sa propre société de consulting, Crimson Group en 1996. Il débute au sein de l'Industrial Bank of Japan, de 1988 à 1996 Hiroshi Mikitani est diplômé d'un MBA de l'université d'Harvard Business School. Pendant son enfance, Hiroshi Mikitani vit quelques années à New Haven, où son père est professeur à l'université de Yale. Il s'imprègne alors de la culture américaine. En 2006, Hiroshi Mikitani est classé 6e plus grande fortune japonaise, selon Forbes.

Rakuten

Fondé en 1997, Rakuten est un groupe majeur au Japon, présent dans l'e-commerce, le voyage et les services en ligne. L'entreprise revendique un chiffre d'affaires de 3,2 milliards de dollars en 2009, avec 64 millions de membres et 6 000 collaborateurs. Le groupe doit essentiellement son succès à sa galerie marchande, Rakuten Ichiba, qui regroupe plus de 30 000 vendeurs. Rakuten Ichiba a lancé son propre service de transport: Rakuten International Shipping Service. En mai 2010, Rakuten achetait le site américain Buy.com pour 250 millions de dollars. Puis en juin, c'est la plateforme d'achat-vente française PriceMinister qui a été rachetée pour 200 millions d'euros. Et cela dans le but d'en faire le vaisseau -amiral du développement du groupe en Europe. Enfin, le groupe Rakuten a ouvert en octobre 2010 sa plateforme de C to C en Chine.
En savoir plus sur: http://corp.rakuten.co.jp/en/company/history.html

Réaction...
Pierre Kosciusko-Morizet, p-dg et cofondateur de PriceMinister : « PriceMinister devient l'Europe pour Rakuten »

Le 17 juin 2010, Rakuten (3,2 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2009 et plus de 64 millions de membres) s'est offert 100 % du capital de PriceMinister pour 200 millions d'euros.


Le rachat de PriceMinister par le Japonais Rakuten a surpris beaucoup d'acteurs du marché. Etait-ce une opportunité d'affaires ou une opération prévue de longue date?
Ce n'était pas prévu depuis longtemps puisque tout s'est fait rapidement. Nous n'étions pas à la recherche de quoi que ce soit, mais nous nous sommes dit que c'était une offre intéressante, notamment sur deux aspects: le prix et l'avenir de l'entreprise. Via cette acquisition, PriceMinister devient l'Europe pour Rakuten, en quelque sorte. Nous allons continuer à faire des acquisitions dans d'autres pays européens, et c'est une perspective plus intéressante que tout ce que l'on a pu nous proposer à ce jour.


La France voit l'une de ses entreprises florissantes sur le Web passer sous pavillon japonais. Qu'est-ce que cela vous inspire?
Je suis flatté qu'on nous considère comme un symbole de la réussite française sur Internet. Et je suis également complètement d'accord avec ce sentiment d'ambivalence. En ce qui me concerne, je me dis que c'est une très belle opération parce que cela va être intéressant financièrement et stimulant à vivre. Nous sommes déjà en train de préparer le partage d'expérience entre les Japonais et les Chinois, car le groupe est implanté dans de nombreux pays. C'est également une très belle occasion pour les salariés de PriceMinister qui ont ainsi plus d'opportunités et de moyens qu'auparavant.


Et d'un point de vue macroéconomique?
Très peu de réussites françaises arrivent à être mondiales. Nous sommes un tout petit pays, de 60 millions de personnes. Comparativement à la population japonaise, américaine ou allemande, un consommateur français achète moins sur le Web. Or, nous sommes sur des business de coût fixe. Quand vous démarrez un business en France, vous êtes, au bout de dix ans, mécaniquement beaucoup plus petit que si vous l'aviez ouvert aux Etats-Unis, au Japon ou maintenant en Chine.

 
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Martine Fuxa

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