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La banque, prochain grand secteur disrupté par le digital

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La banque, prochain grand secteur disrupté par le digital

Pour Benoît Legrand, Head of FinTech et président d'ING France, le secteur bancaire subit ce qu'il qualifie de révolution copernicienne. Auteur d'un ouvrage intitulé "Changeons la banque !" (éditions du Cherche Midi), il décrypte les évolutions du monde bancaire induites par le digital. Entretien.

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Quels sont les chiffres-clés de la banque ING?

L'entreprise compte 1 million de clients, un peu moins de 15 milliards d'actifs en gestion. C'est la première banque en ligne en France et la seule indépendante qui n'est pas assujettie à un grand groupe bancaire français. Toutes les autres banques en ligne sont adossées à des grands groupes : Boursorama à la Société Générale, Monabanq au Crédit Mutuel de l'Est, Fortuneo au Crédit Mutuel Arkéa, BforBank au Crédit Agricole et Hello Bank à BNP Paribas. Elles sont toutes en conflit d'intérêts permanent avec leur mère nourricière. C'est la raison pour laquelle j'ai écrit un livre intitulé "Changeons la banque! Plaidoyer pour une banque qui rend plus autonome".

Qu'est-ce qui a motivé l'écriture de ce livre?

Les Français payent 10 milliards d'euros de frais bancaires par an. C'est beaucoup alors qu'en contrepartie ils ne s'estiment pas forcément contents du service. Et ils sont très peu nombreux à changer concrètement de banque. Mais progressivement, les start-up FinTech viennent modifier cet ordre.

Quelles sont les évolutions du secteur bancaire induites par le digital?

Nous sommes passés d'un système bancaire qui pensait être au centre de l'univers, avec les planètes clients et fournisseurs lui tournant autour, à l'inverse. Le client est devenu le centre et la banque doit commencer à se mettre en mouvement. Cette révolution commence tout juste à atteindre les banquiers de plein fouet. Ils se rendent bien compte qu'ils vont être impactés, et j'ai l'impression qu'on assiste à une perte de repères pour savoir comment aborder ces mutations. Après les secteurs de la musique et du voyage, la banque est le prochain grand secteur en train d'être "disrupté".

Comment cela se traduit-il concrètement?

"70% des clients sont insatisfaits de leur banque, seuls 3% en changent"

Sur les cinq dernières années, les investissements mondiaux sur la FinTech, c'est-à-dire sur la disruption du monde bancaire ou de la finance, ont représenté de l'ordre de 50 milliards de dollars avec un doublement en 2015 par rapport à 2014. On assiste à une forte accélération. In fine, cela représente environ 15 000 entreprises dans le monde qui s'attaquent aux rentes de situation des banques.

Il y a une déconnexion totale entre ce que le client paye et la perception de la valeur du service qui lui est octroyé. À chaque fois que ce phénomène se produit, la digitalisation des modèles permet d'attaquer les rentes de situation. Cela a été le cas dans le secteur des transports avec la disruption amenée par BlaBlaCar. La banque pour sa part est une accumulation de rentes de situation sur certains sujets...

On peut se demander pourquoi par exemple on doit payer si cher quand on transfère des euros vers les États-Unis. Il n'y a rien de vraiment compliqué à le faire. Aussi, des entreprises comme Transferwise, par exemple, dont c'est le métier, facturent ces opérations dix fois moins cher parce qu'elles "netifient" les devises dans leur pays avant de les envoyer. Sur tous les métiers de la banque, des acteurs de ce type apparaissent. Sur les paiements, par exemple, on a vu arriver des acteurs comme ApplePay ou encore PayPal qui ont fait baisser les tarifs.

Pourquoi? Parce que la qualité du service n'est pas en adéquation avec le prix pratiqué. Pour autant, les clients restent fidèles à leur banque... C'est le paradoxe. En France par exemple, plus de 70% des clients se déclarent insatisfaits de leur banque et pourtant seuls 3% en changent. Une étude de Bain & Company dit que sur 100 clients de banque qui se déclarent insatisfaits et disent à leur banque qu'ils souhaitent la quitter, seuls 11% reçoivent une réponse! Dans la théorie, les clients sont libres de changer, mais dans la pratique c'est un enfer de changer de banque. La moyenne européenne de changement de banque est de 10%. En France, elle est seulement de 3%! Il faudrait que l'on puisse avoir un système de portabilité bancaire comme c'est le cas dans l'univers des télécoms.

Quand vous êtes arrivés en France, ING Direct a complètement disrupté le marché bancaire. Avec le recul, s'agissait-il d'une première étape?

Tout à fait. Les évolutions se produisent par étapes. Le modèle de la banque en ligne a été une première étape et maintenant vient se greffer un nouveau modèle de banques qui est en train de se créer, avec Number26 en Allemagne, Mondo ou Starling en Grande-Bretagne. Cette réinvention existe, gravite autour du mobile et ira sans doute encore beaucoup plus loin...

Pour autant, je ne pense pas que ces alternatives qui fleurissent soient les plus grands dangers pour les banques traditionnelles. Parce qu'elles copient un mode de fonctionnement traditionnel en ajoutant de nouvelles technologies. J'ai pour ma part l'impression que la banque doit apprendre à inexister et à passer d'un mode d'arrogance vers une humilité. En un mot, à se mettre au service de ses clients de manière quasiment invisible...

Quels sont les pays les plus innovants, qui se tournent parfois vers le CtoC bancaire?

"En Chine, de nombreux financements se font en dehors du système bancaire"

Il est intéressant de voir que les modèles évoluent et que dans des pays comme la Chine, des financements nombreux se font en effet en dehors du système bancaire, entre particuliers. On arrive dans ces modèles à des plateformes de CtoC bancaire. J'étais en Chine il y a peu car nous avons pris une participation dans une entreprise qui fait du prêt instantané. C'est quelque chose d'inconcevable en France.

Vous donnez accès à votre téléphone et à toutes les applications utilisées et, sur cette base, l'entreprise octroie un prêt en cinq minutes. Ce type d'informa­tions glané sur le portable, les accès LinkedIn, la note Uber, est sûrement beaucoup plus efficace pour l'octroi d'un crédit qu'une caution. Ces modèles augurent de nombreuses mutations...

On assiste à une percée du modèle de crowdfunding également... Comment le percevez-vous?

J'ai une confiance moindre dans les modèles comme celui-là... Le crowdfunding va chercher essentiellement son "funding" auprès des grands acteurs et non des particuliers. En Chine, il y a eu un énorme scandale dans lequel plusieurs millions de personnes ont été flouées en amenant leur argent dans une plateforme de prêts entre particuliers fictive. Le préjudice est de 7 milliards de dollars environ.

Au sein d'ING, vous cherchez à augmenter la valeur donnée à vos clients... Quels sont les grands axes de votre stratégie relationnelle?

Tout d'abord, notre stratégie se base sur des valeurs fortes et puissantes. Le modèle n'est qu'un amas de valeurs déployées de manière systématique. La première et la plus importante est la considération du client. Dans un groupe, les personnes qui recrutent appartiennent à l'entreprise et savent détecter les qualités en adéquation avec l'esprit d'entreprise. Par ailleurs, c'est une ouverture vers l'autre qui est favorisée. Nous prônons une certaine humilité.

Comment voyez-vous la banque dans 20 ans?

Plus du tout comme aujourd'hui. Je ne la vois plus comme un silo (banque, assurance, distribution), mais plutôt en couches horizontales intégrées à tous niveaux. Des gros acteurs comme PayPal font déjà plus d'un milliard de prêts aux petites et moyennes entreprises. Idem pour Amazon.

Ces acteurs ont la donnée et peuvent connaître les flux. Cela leur donne une idée sur le business généré par les entreprises. J'ai également la conviction que ces révolutions interviendront par phases successives...

Quelles sont les entreprises qui vous inspirent?

Dans le secteur aérien, une entreprise comme EasyJet est inspirante. L'entreprise a réalisé un beau chemin pour prendre près de 40% du trafic aérien de manière assez discrète, étape par étape et avec pour souci principal de satisfaire le client. Après le low cost, l'entreprise monte maintenant en gamme petit à petit, avec EasyJet Business. Un exemple.

Le parcours de Benoît Legrand

Études. Benoît Legrand est diplômé en sciences économiques de l'Université catholique de Louvain et en relations internationales de la London School of Economics.

1994. Il rejoint la Banque Bruxelles Lambert - qui deviendra ING Belgique. Au cours de sa carrière au sein du groupe ING, Benoît Legrand a occupé plusieurs postes de responsabilité dans les activités d'investment banking, de marketing et de vente aux particuliers au sein de diverses entités opérationnelles en Belgique, à Singapour et en Pologne.

2007. En mars 2007, il est nommé directeur exécutif banque privée et produits d'investissement d'ING Nederland.

2010. Benoît Legrand est nommé président-directeur général d'ING Direct France.

2015. Depuis 1er octobre, Benoît Legrand a été nommé Head of FinTech au sein d'ING avec pour mission de nouer des partenariats avec des start-up et des entreprises qui amènent une disruption du marché bancaire traditionnel. Parallèlement, il est président d'ING France.

 
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