Patrick Robin, Easy Life Premium : "Nous allons concurrencer Amazon en fédérant les marchands"
Managing partner chez Avolta Partners, Patrick Robin s'apprête à lancer une offre permettant aux internautes de bénéficier des frais de livraison et de retours gratuits chez un réseau de marchands partenaires, contre un abonnement annuel de 49 euros. Une attaque frontale à l'offre Premium d'Amazon.
Je m'abonneQuel est le principe d'Easy Life Premium ?
Easy Life Premium repose sur une promesse simple pour le consommateur : disposer des frais de livraison et de retours gratuits chez tous les marchands partenaires du service, contre un abonnement de 49 euros par an. Nous voulons créer un réflexe "Easy Life Premium" dans l'esprit du consommateur. Dès lors qu'il voit le bouton "Easy Life Premium" chez un marchand ou qu'il se rend sur le site dédié, il doit avoir en tête qu'il n'aura aucun problème lié aux frais de port, ou de retours. A terme, l'objectif est d'avoir 200 marchands partenaires, afin de procurer aux consommateurs le sentiment de pouvoir amortir rapidement leur investissement. Notre première cible d'acheteurs sera ceux dont le nombre d'achats réalisés chaque année sur Internet, est supérieur à 30. Autrement dit, les e-shoppers les plus actifs.
Comment est née l'idée d'un tel service ?
C'est un projet que je porte en moi depuis près de six ans. Il est en partie accompagné par Avolta Partner, dont je suis co-fondateur, et d'Avolta Studio qui nous permet d'incuber nos propres projets afin de leur donner un cadre, et une structure de départ. L'idée est née d'une réalité pour beaucoup de marchands et de consommateurs, à savoir que la logistique et la livraison sont une véritable douleur car elles représentent des coûts pour les deux parties. Nous nous sommes alors demandés comment transformer cette réalité, à la fois en levier marketing pour les marchands, en moyen de recrutement et de fidélisation, ainsi qu'en accélérateur de conversion pour le consommateur.
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Quelle réflexion a guidé la création d'Easy Life Premium ?
C'est le résultat de plusieurs constats simples. Il est communément admis que les frais - et les délais- de livraison, ainsi que la complexité des frais de retours sont parmi les critères-clés expliquant les abandons de panier. En effet, 63% d'e-shoppers abandonnent leur panier à cause des frais de livraison, et 87% des acheteurs font tout pour éviter de payer les frais de port. Pourtant, in fine,45% finissent par ajouter un produit à leur panier afin d'atteindre le seuil déclenchant la gratuité des frais de ports. Cela peut créer un sentiment d'amertume chez le e-acheteur. Du côté des marchands, les principaux centres de coûts sont la logistique, les coûts d'acquisition, et ceux liés à la fidélisation. Les sites marchands payent très chers l'acquisition de leurs clients, et bien souvent, rencontrent des difficultés à leur faire déclencher un deuxième achat. Par ailleurs, ces marchands passent une bonne partie de leur temps à racheter leur propre client, soit sur google, soit avec les outils de retargeting, sur google shopping, par l'affiliation, le cash back etc... Mis bout à bout, cela leur coût très cher.
Easy Life Premium est en quelque sorte une concurrence plus transversale de l'offre Amazon Premium ?
Oui, et cela rejoint notre troisième constat : la plupart des marchands aujourd'hui estiment que leur principal concurrent est Amazon. Et notamment l'offre Amazon Premium (qui consiste à proposer les livraisons et les retours gratuits en un jour ouvré, pour 49 euros par an, ndlr), créant ainsi un réflexe Amazon pour le consommateur en quête d'un produit à acheter, et membre abonné de l'offre Premium. Cela à des effets dévastateur sur la concurrence, mais pour une fois, notre retard sur les États-Unis peut nous permettre d'avoir une bonne vision de ce qu'il va se passer en France si nous ne réagissons pas. En effet, une étude récemment publiée par Business Insider Intelligence, compare l'évolution du volume d'e-shoppers de grandes enseignes américaines de distribution, avec celui d'Amazon Prime. Pour être clair, en 2013, 2% des clients Walmart étaient également membres de l'offre Amazon Prime (l'équivalent américain de l'offre Premium, ndlr). En 2014, ce taux est passé à 8%, soit une croissance de 400% en une seule année. Encore plus intéressant, en 2014, si 12% des clients Amazon non-membres Premium sont aussi clients chez Walmart, seuls 0,9% de clients Walmart sont à l'inverse, membres de l'offre Amazon Prime. Cela démontre clairement qu'un client membre de l'offre Amazon prime, est un client perdu pour les autres distributeurs. Enfin, une autre étude a démontré que les dépenses moyennes annuelles d'un client Amazon sur le portail s'élèvent à 650 dollars, contre 1350 dollars pour un membre Amazon Prime.
Amazon Premium serait donc devenu un moyen de gagner des parts de marché sur les autres distributeurs, et de fidéliser les clients ?
Exactement, et c'est la raison pour laquelle de nombreux marchands développent leurs propres offres. C'est notamment le cas de Walmart, ou encore eBay, Asos, la Fnac, etc. Mais à mon sens, ces solutions maisons ne résoudront qu'une partie du problème car elles séduiront seulement les clients ultra fidèles et attachés à une marque donnée. Aussi, il est très peu probable que les consommateurs s'abonnent à chacune des offres premium proposées par les marchands. Enfin, aucun marchand ne dispose aujourd'hui d'une largeur de catalogue suffisamment grande pour attirer les consommateurs souhaitant s'abonner et en attente d'un amortissement rapide de leur abonnement. Dès lors, l'idée de proposer une offre alternative à Amazon devient naturelle. Nous pouvons concurrencer Amazon en fédérant les marchands.
Quels sont les avantages pour les marchands ?
Pour les marchands, c'est un moyen simple d'économiser des frais de marketing, et notamment de recrutement. C'est un moyen d'améliorer le taux de conversion, et de générer des économies sur la fidélisation des clients. Pour certains, ça leur permettra de présenter un taux de fraude proche de zéro, car sur cette cohorte de gros consommateurs, il n'y aura que des individus dont les données de carte bleue seront connues. Par ailleurs, nous proposerons un service associé de médiation entre marchands et consommateurs, en cas de problème avec le SAV par exemple. Ceci dit, le marchand prend en charge les frais de ports et les frais de retours des produits achetés. Cela représente un coût certes, mais il est largement compensé par les frais marketing économisés et par l'augmentation du 'repeat business'. Enfin, pour les marchands craignant une cannibalisation de leurs offres "maison", qu'ils se rassurent, nous leur reverserons 30% du montant des abonnements.
Quand sera lancé le service ?
Pour l'heure nous travaillons sur le lancement BtoB. Nous ouvrirons le site dédié pour la deuxième quinzaine de septembre pour le pré-enregistrement du public, et pour les consommateurs souhaitant s'abonner à l'avance à un tarif préférentiel. Le service coûtera ainsi 19 euros au mois de septembre, 29 euros au mois de novembre, etc, pour atteindre 49 euros le mois de son lancement, c'est à dire en janvier 2016, après la période des soldes. D'ici l'ouverture de l'offre au grand public, nous visons 50 marchands partenaires, principalement des retailers et environ 20% de pure players. Nous ciblons principalement les secteurs de l'équipement de la personne, la beauté, l'équipement de la maison et mais aussi les jouets pour enfants, et le sport. En revanche, nous laissons de côté volontairement la high-tech, car c'est un domaine sur lequel Amazon est déjà très puissant. Nous disposerons de grandes marques de mode, aujourd'hui non référencées sur Amazon. Nous l'avons testé auprès d'une quarantaine de grands marchands, et n'avons pas essuyé un seul refus, même si je reste lucide, cela ne signifie pas qu'ils signeront tous. A mon sens, il y a une dimension militante, car consommer est en quelque sorte un acte politique et social, alors il faut proposer des alternatives.