[Siec] Une coopération bailleurs-enseignes à réinventer
Plus grande transparence, marketplaces physiques... La crise économique et sanitaire accélère les mutations à l'oeuvre dans l'immobilier commercial.
Je m'abonneAlors que les perspectives pour les foncières et de nombreux acteurs du commerce physique apparaissent incertaines, la relation entre enseignes et bailleurs est à réinventer, selon une étude réalisée par Kantar pour l'édition 2020 du Siec (salon du retail et de l'immobilier commercial), laquelle est, cette année, entièrement digitale. "La manière de travailler n'a pas évolué au fil des années, explique Christophe Meuter, managing partner France de Kantar. Bailleurs et enseignes doivent réfléchir ensemble. Il existe de fortes attentes autour du partage des data et du CRM." Le besoin de transparence de la part des "preneurs" (magasins présents dans les centres commerciaux) est réel.
Pour l'expert, le modèle de l'hypermarché qui vend tout sous une même enseigne est mort et doit laisser place à des modèles alternatifs, parfois défendus par des centres commerciaux de proximité. A l'inverse, le modèle de la marketplace physique se développe: "Toutes les expériences (divertissement, restauration...) doivent être regroupées sous un même toit", explique Christophe Meuter. Les centres commerciaux du futur sont apparentés à des hubs, capables d'ajouter du plaisir à l'acte d'achat.
Accompagner les enseignes dans leur communication digitale
Interrogés sur les grands enseignements de la crise, les bailleurs s'accordent à y voir une accélération des tendances. "Avant, nous transformions en euros un flux de visiteurs, résume Antoine Frey, P-dg du groupe Frey. Il s'agit aujourd'hui de créer des showrooms expérientiels, de gérer la logistique du dernier kilomètre et la visibilité en ligne. Le commerçant doit pouvoir libérer du budget pour améliorer cette visibilité." Le bailleur devra également endosser un rôle d'aidant pour coordonner les démarches marketing.
Pour Alexandra Bouthelier, déléguée générale de la Fédération du commerce coopératif et associé, il faut repenser les raisons pour lesquelles une enseigne peut décider de rejoindre un centre commercial au lieu d'être indépendante. "Le calendrier des enseigne varie beaucoup, les bailleurs doivent davantage prendre cela en compte. En effet, depuis 2008, la croissance de la consommation plafonne à 0,5% annuel, tandis que l'offre commerciale a continué de progresser de 1,5 à 2%." Sébastien Vanhoove, directeur général délégué de Carmilla, suggère la mise en relation des commerçants indépendants à la recherche d'un groupe et des réseaux franchiseurs.
Plus ambitieux, il est possible d'aider les jeunes enseignes via la constitution de liens capitalistiques. Pour donner de la vie aux centres commerciaux, Véronique Discours-Buhot, déléguée générale de la Fédération française de la franchise, met en garde contre la juxtaposition de grosses enseignes sans réel parcours client ou logique. "Il est nécessaire de proposer des services complémentaires, tels que des salles de sport ou des cabinets médicaux", juge-t-elle.
Comment reconfigurer les centres commerciaux?
Par ailleurs, la question de l'artificialisation des sols, également abordée durant l'événement, continue de poser question. Les acteurs s'accordent à demander des mesures qui ne figent pas les centres commerciaux en l'état et permettent de véritables rénovations et reconfigurations. Parmi les demandes des bailleurs figure le transfert des mètres carrés: en effet, administrativement, un mètre carré de commerce ne se transfère pas.
De même, la proposition de construire de quartiers de vie autour des centres commerciaux suscite de nombreuses réactions de la part des bailleurs. "En 2007, je croyais en effet à cela. Lorsque l'on a conçu les centres commerciaux, on les a refermés sur eux-mêmes, c'était une erreur. Toutefois, faut s'adapter aux différents contextes et proposer des projets qui correspondent aux habitudes de vie des habitants, dans une logique de proximité", explique Emmanuel le Roch, délégué général de Procos (fédération pour l'urbanisme et le développement du commerce spécialisé). De fait, la coexistence de commerces de grande taille avec des logements crée un certain nombre de nuisances, notamment sonores.
Enfin, la question de la réinvention du commerce passera par une plus grande coopération: "Il faut créer de la valeur et non se partager un gâteau qui décroît, conclut Emmanuel le Roch. Nous devons revoir le lien entre l'activité réelle du commerce et les coûts immobiliers. Il faudra faire baisser le coût de l'immobilier dans le modèle du commerce, nous n'y échapperons pas."