Shein écope d'une amende de 40 millions d'euros
Le géant chinois de la fast-fashion a été lourdement sanctionné par la DGCCRF après une enquête révélant des réductions de prix souvent fictives et des allégations environnementales trompeuses. Une décision inédite par son montant.

Ce jeudi 3 juillet, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a condamné la plateforme Shein à une amende de 40 millions d'euros à l'issue d'une procédure de transaction approuvée par la procureure de la République de Paris. Cette somme record sanctionne une série de pratiques commerciales jugées trompeuses.
Des promotions mensongères à grande échelle
L'enquête, menée entre octobre 2022 et août 2023, a passé au crible plusieurs milliers de produits vendus sur le site de Shein. Notamment sous la pression de nombreuses fédérations, le gouvernement a demandé à la DGCCRF d'accélérer une procédure qui n'aboutissait à aucun résultat depuis son lancement par Bruno Le Maire en 2022.
Les résultats sont sans appel : 57 % des promotions vérifiées n'offraient aucune réelle baisse de prix, 19 % affichaient des réductions moindres qu'annoncées, et dans 11 % des cas, les prix avaient même été augmentés avant l'application d'une prétendue promotion. La ministre du Commerce et des PME, Véronique Louwagie, a déclaré ce jeudi 3 juillet, lors d'un événement organisé par l'Alliance du Commerce : "Au total, 87 % des annonces de promotion sur Shein n'en sont pas." Une stratégie délibérée, selon la DGCCRF, pour faire croire aux consommateurs qu'ils réalisaient de bonnes affaires.
Ces méthodes incluent la présentation de prix barrés trompeurs, de réductions permanentes artificielles, et l'oubli volontaire des promotions précédentes dans le calcul du prix de référence.
Des engagements environnementaux jugés fallacieux
Au-delà des fausses promotions, les enquêteurs se sont également penchés sur les allégations environnementales affichées par Shein. La marque affirmait avoir réduit de 25 % ses émissions de gaz à effet de serre, sans pouvoir en apporter la preuve. La DGCCRF considère que la portée de ces engagements était floue, voire exagérée.
Shein se défend mais accepte de payer l'amende
Dans une déclaration transmise à l'AFP, la société mère Infinite Style E-commerce (ISEL) affirme avoir pris les mesures correctives nécessaires dans un délai de deux mois après avoir été informée des manquements en mars 2024. Selon Shein, "l'ensemble des points soulevés par l'enquête a été traité depuis plus d'un an", sans impact sur les prix finaux proposés aux consommateurs.
Une amende qui n'est qu'un début
À l'occasion de cet événement de l'Alliance du Commerce, le président de la fédération, Bernard Cherqui a rappelé que "Face à ces plateformes asiatiques dont le dumping économique n'est plus à prouver, il ne s'agit pas de réaliser un sprint mais bien d'entamer un marathon pour la survie de nos commerces". Une déclaration soutenue par la ministre du Commerce et des PME, qui annonce que les prochaines étapes, à l'échelle européenne, concerneront l'application du DSA (Digital Services Act). Une action est déjà engagée dans ce sens par la Commission européenne vis-à-vis de Temu.
La ministre insiste également sur la question du déréférencement de ces plateformes. Elle rappelle que la plateforme WISH avait été déréférencée sous l'égide de la France. Bien que les cas soient différents - WISH n'ayant pas répondu aux sollicitations, contrairement à Shein - elle estime qu'il faut pouvoir réagir et envisager leur retrait temporaire.
Sur le volet fiscal, elle souligne la nécessité de revoir l'exemption de droits de douane sur les colis d'une valeur inférieure à 150 euros. Elle conclut en rappelant les chiffres : en 2024, 4,6 milliards de paquets de moins de 150 euros sont entrés sur le territoire européen, dont 91 % venaient de Chine, et 1,5 million en France.
Cette décision marque un tournant dans la lutte contre les abus de la fast-fashion. La DGCCRF a assuré qu'elle resterait vigilante quant à l'évolution des pratiques commerciales de Shein, appelant implicitement les autres acteurs du secteur à se conformer aux règles françaises de protection du consommateur.
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