Noms de domaine : anticiper les changements
Lien indéfectible entre les internautes et les sites marchands, le nom de domaine est à l'aune de profonds bouleversements. L' arrivée des nouvelles extensions s'apprête à rompre l'hégémonie des traditionnels .com, .net et autres .fr. Une évolution à appréhender avec le plus grand discernement.
Je m'abonneDans son rapport publié au mois de janvier 2015, le spécialiste américain des noms de domaine Verisign évalue le nombre total de noms de domaines enregistrés dans le monde à 284 millions (au mois de septembre 2014). Les domaines de premier niveau .com et .net ont une nouvelle fois affiché leur leadership en termes de représentativité, puisqu'ils ont atteint un total de 130 millions de noms de domaines (114,9 millions pour le .com, 15,1 millions pour le .net).
Mais la domination du .com pourrait bien être remise en cause dans les temps à venir. "En 2011, l'Icann a lancé un programme d'ouverture des nouvelles extensions internet (new gTLD). L' idée était de permettre à n'importe qui d'avoir sa propre extension s'inscrivant dans l'une de ces quatre catégories: marques, termes génériques, indicateurs géographiques, communautés, rappelle Matthieu Credou, directeur marketing de l'Afnic. Cette vague de libéralisation va entraîner des changements majeurs, les sociétés vont avoir des choix à effectuer pour leurs domaines."
En 2014, de nombreuses extensions ont ainsi vu le jour et le processus devrait continuer courant 2015: depuis les extensions génériques (.club, .media, etc.), en passant par les new gTLD géographiques (.paris, .bzh, etc.) ou relatives à des marques comme le .sony. "Pour un site marchand ou une marque, ces extensions revêtent un intérêt de communication. Acheter un nom de domaine avec l'extension .paris revient à inscrire "Paris" sous sa marque. À l'international, cela positionne clairement le produit auprès des clients."
Seule inconnue peut-être, la manière dont seront accueillies ces nouvelles URL par les internautes. Dans les premiers temps, elles pourraient créer la confusion, mais Matthieu Credou en est certain, "ils s'habitueront". Et il n'est pas seul, le géant Google y croit aussi, ayant en effet candidaté auprès de l'Icann pour obtenir plus de... 100 extensions.
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Conseils de David Galastri, directeur commercial d'Amen
La problématique de choix d'un nom du domaine, pour une entreprise, est bien souvent considérée comme la première étape de la construction d'une identité numérique. C'est une phase déterminante pour la réussite d'un e-marchand. Le choix du nom de domaine et sa gestion sont aussi perçus comme la première brique d'une bonne stratégie de marketing en ligne. Il est donc important de mener une réflexion en amont afin d'effectuer les bons choix, en anticipant les éventuelles évolutions de l'entreprise, le tout sans manquer de protéger sa marque. Pour David Galastri, directeur commercial pour la société Amen, "le nom de domaine est l'un des premiers points de contact digital d'une entreprise avec ses clients. Il est en quelque sorte l'adresse et le nom de la société dans le monde physique. C'est l'élément le plus important de la stratégie de communication".
1 Ne pas négliger les fondamentaux
Le nom de domaine envisagé doit respecter quelques règles de base. Il doit être représentatif de l'activité de la marque, facile à mémoriser et à prononcer pour l'internaute. Il est préférable d'opter pour un nom de domaine court et dans la langue des clients de la marque. Attention à ne pas utiliser d'acronyme, de chiffres et de tirets, "ils peuvent créer de la confusion dans l'esprit des internautes et sont plus difficiles à retenir". Enfin, au moment de l'enregistrement du nom de domaine, il peut être bienvenu d'enregistrer les variations du nom choisi. "Parmi les plus importantes à enregistrer, figurent les noms communs et les mots comprenant volontairement des erreurs de frappe commises par les internautes lors de la saisie de mots sur le clavier. L'outil le plus efficace pour identifier les erreurs les plus courantes reste Google Adwords".
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2 Choisir une extension adaptée
Le choix de l'extension n'est pas anodin. Elle peut être territoriale à l'instar du .fr pour la France ou alors générique comme le .net, .com ou encore .info. "Choisir une extension adaptée dépend du marché ciblé. Si le marché est international, alors le .com est l'extension la plus utilisée. Fin 2014, les .com et .net représentaient 130 millions de domaines enregistrés. Ce sont donc les plus utilisés dans le monde. " En revanche, si l'entreprise opère d'abord sur un marché national, il est plus pertinent d'opter pour l'extension du pays donné. "En France, une étude TNS a démontré que 86% des Français ont davantage confiance en un site dont l'extension présente le .fr." Les internautes s'attendent en effet à avoir du contenu en langue française. De plus, pour les sites marchands, le.fr crée de la proximité avec le client, qui s'attend ainsi à retrouver des méthodes de paiement et des modes de livraisons qu'il connaît.
3 Anticiper
De nouvelles opportunités existent afin de positionner encore mieux un site marchand sur la Toile: les nouvelles extensions. "Près de 700 ont été approuvées par l'Icann." Le top 5 est constitué, dans l'ordre, du .paris, .immo, .bzh, .club et .boutique. Elles sont idéales, par exemple, pour les entreprises qui ne pourraient pas prétendre à obtenir leur URL avec une extension .com, car elle appartiendrait déjà à une autre société. Mais pas seulement. "Certaines extensions sont le reflet précis de l'activité de l'entreprise et donc informent l'internaute sur les produits commercialisés." En effet, dans le tourisme, les extensions .voyages, .hotel, .restaurant sont très parlantes. Pour les sites de loisirs, les .club, .bike, .fitness sont indiquées, tandis que, pour les sites vendant des produits high-tech, les .photo, .video ou .design sont plus adaptées. Enfin, opter pour une de ces nouvelles extensions permettrait de renseigner l'internaute plus rapidement, grâce à un meilleur classement dans les moteurs de recherche.
4 Protéger sa marque
"Il existe encore, sur Internet, beaucoup de pratiques de cybersquatting et de phishing. Afin de ne pas en être victime, nous suggérons d'enregistrer les noms de domaines sous les extensions les plus populaires." Aussi, il existe un outil connu sous l'acronyme TMCH pour "Trademark Clearinghouse", dont la spécificité est de permettre d'enregistrer la marque dans l'environnement digital. La TMCH est, en quelque sorte, une base globale vérifiant les données des marques qui y sont enregistrées. Ainsi, lorsque le titulaire d'une marque s'inscrit dans la TMCH, il a la possibilité d'enregistrer en priorité son nom avec les nouvelles extensions internet, sur une période donnée (baptisée "Période Sunrise"). En outre, cela lui permet d'être informé systématiquement des tentatives d'enregistrement d'un nom de domaine avec une nouvelle extension, en utilisant ladite marque.
David Galastri : "le nom de domaine assoit l'identité numérique de l'entreprise"
Aquarelle s'offre une extension à son nom
Créé en 1987, le fleuriste français Aquarelle fait figure de pionnier à bien des égards. Fondé par deux frères, Henri et François de Maublanc, Aquarelle a fait ses armes dans le monde physique à travers une boutique mais aussi sur le minitel. En 1997, pressentant la montée en puissance d'un nouveau média, Internet, l'enseigne lance une plateforme web: le premier e-fleuriste est né.
Dernièrement, Aquarelle s'est illustré, une fois encore, par une initiative qui démontre sa capacité à s'inscrire dans une perpétuelle adaptation aux évolutions numériques. "Il y a deux ans et demi, nous avons déposé une candidature auprès de l'Icann afin d'acheter l'extension ".aquarelle". Le processus a été long, mais nous venons d'obtenir l'accord de l'organisme. Désormais, le .aquarelle nous appartient" , explique François de Maublanc, cofondateur et président d'Aquarelle. Un choix stratégique, audacieux et coûteux, nécessitant en effet un investissement d'environ 300 000 euros, dont 185 000 dollars (175 000 euros aujourd'hui), uniquement pour avoir le droit de déposer sa candidature, et sans aucune garantie de succès. L'Icann se réserve en effet le droit de rejeter les candidatures ne remplissant pas les exigences techniques et financières requises pour décrocher le fameux sésame.
Pour se faire accompagner dans cette démarche, François de Maublanc a fait appel à un prestataire, Mailclub, ainsi qu'à des prestataires juridiques. "Si le montant de l'investissement paraît conséquent, au final, sur un budget global de communication, ce n' est pas si onéreux", relativise le dirigeant. Désormais serein, François de Maublanc y voit un moyen de sécuriser la marque Aquarelle sur Internet, d'un point de vue technique. Ses projets autour de cette nouvelle extension sont nombreux et les perspectives à l'évidence très ouvertes: "Le champ des possibles n'a pas été totalement examiné, mais il est très vaste."
Pourquoi avez-vous acheté l'extension .aquarelle?
Chez Aquarelle, notre stratégie de marque est la pierre angulaire de notre problématique. Acheter le .aquarelle était l'opportunité d'asseoir notre marque dans le paysage Internet. Plus de 85 % de nos commandes proviennent d'internautes qui nous connaissent et qui n'ont pas cherché au hasard un marchand de fleurs. Cette extension était l'occasion de sécuriser notre marque sur un plan technique, à l'échelle mondiale. Désormais, personne hormis nous, ne peut mettre un .aquarelle dans son URL.
Quels sont vos projets autour de cette initiative?
Le ".aquarelle" va nous permettre de décliner tous les mots que l'on veut dans l'URL, avant l'extension. Par exemple, nous prévoyons de lancer rapidement le site "atelier.aquarelle", qui se composera d'ateliers pratiques à destination de nos clients désireux d'apprendre à composer un bouquet. Ça aurait eu moins de sens de lancer un portail "atelier.com" et, de toute façon, ce domaine n'est plus disponible. C'est un exemple parmi de nombreux autres.
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Les acteurs principaux
Pour acheter un nom de domaine, il est convenu de s'adresser à un bureau d'enregistrement, aussi appelé registrar (registraire en Français). Concrètement, ce sont des sociétés accréditées par l'Afnic, se positionnant comme les intermédiaires incontournables pour tout dépôt d'un nom de domaine. Ce sont ces acteurs qui sont chargés de créer le nom de domaine d'en assurer le renouvellement, si besoin le transfert, ou encore les suppressions. Chacun possède sa propre politique tarifaire et la palette de services associés diffère d'un prestataire à l'autre. En effet, ces dernières années, certains registrars ont développé leur portefeuille de compétences, proposant en sus des offres autour des noms de domaine, de l'hébergement de site, la gestion d'adresses mails, et même la création de boutique en ligne. Aujourd'hui, environ 400 registrars sont accrédités par l'Afnic pour assurer ces responsabilités, mais les acteurs majeurs de ce marché sont bien moins nombreux.