Start-up : trois étapes pour bien préparer votre introduction en Bourse
Si les chiffres 2021 des IPO sont vertigineux, boostés par la profusion de liquidités disponibles sur le marché, il n'en reste pas moins que les contraintes sont nombreuses et qu'une IPO ne se réussit pas (seulement) en croisant les doigts. Voici donc la to do list du sprint menant jusqu'à l'IPO.
Je m'abonne126 millions d'euros levés par Waga Energy en octobre 2021, 70 par Afyren le même mois, 300 par Believe un peu plus tôt dans l'année, 5 millions par Boa Concept ... Les IPO réussies sont loin d'être inaccessibles aux start-up. A condition de bien s'y préparer.
1) S'entourer d'une équipe d'experts compétente et proche de ses valeurs
"Il s'agit d'un des facteurs clés du succès de notre IPO", insiste Jérôme Caron, directeur administratif et financier de la start-up vendéenne Hoffmann Green Cement Technologies (40 salariés / CA 2021 : 6 M€ environ), fabricant d'un béton bas carbone innovant constitué de poudre de déchets industriels. Elle a réalisé en 2019 une levée record de 75 millions d'euros. "Nous avons choisi en premier le brokeur puis le cabinet d'avocat, l'agence de communication financière, etc. Nous leur avions fait passer des entretiens. Cette sélection est primordiale car ce sont eux qui vous accompagneront vers la réussite grâce à leur expérience. Mais attention, au-delà de leur renommée et de leurs compétences, il faut aussi retenir des équipes avec lesquelles vous vous entendez bien." Conseil validé par Eric Forest, associé Deloitte Private et co-auteur du guide "Comment préparer son IPO" réalisé en partenariat avec The Galion Project et Euronext. "Le CFO et le CEO doivent se sentir à l'aise, afin d'être en capacité d'être challengés, d'échanger librement." L'expert de Deloitte insiste aussi sur l'opportunité de se faire accompagner, en plus des experts incontournables et obligatoires (avocats, banque d'investissement, commissaire au compte, agence de communication) par un equity advisor qui apportera ses conseils tout au long du process.
Et avant même le recours à ces experts, les stages de formation (gratuits pour les start-up) proposés par Euronext peuvent représenter des premières approches intéressantes avec le sujet.
2) Se structurer pour répondre aux attentes des investisseurs boursiers
Deuxième passage obligé du chemin vers l'IPO : la structuration. "Les start-up qui entrent en bourse sont souvent de jeunes entreprises qui ont grandi vite sans forcément avoir eu le temps et les moyens de se structurer. Avec l'IPO, c'est indispensable", poursuit Eric Forest. L'expert conseille la réalisation en amont d'un diagnostic global de l'état de l'entreprise par rapport aux attentes standards du marché. En matière d'organisation juridique, de gouvernance, de contrôle interne, de communication, de reportings ou encore de normalisation des comptes par exemple. "C'est le moment de staffer les services finance, communication, juridique notamment car l'IPO demande une mise aux normes chronophage", souligne Thierry Lambert, CFO de Theranexus, biotech introduite en Bourse depuis fin 2018. "Par exemple, pour Theranexus, nous avons dû passer de SAS à SA".
Le recrutement d'un directeur financier est quasi incontournable, si possible le plus en amont possible du sprint final. "Ce n'est pas obligatoire mais je ne vois pas d'IPO faite sans CFO, acteur clé du processus et porteur de nombreux sujets techniques", observe Eric Forest.
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En revanche, il n'est visiblement pas obligatoire de recruter un professionnel expérimenté sur ce sujet. Chloé Clair, CEO de la start-up Namr récemment introduite en Bourse (cf encadré) confirme : "Notre Daf, recruté 15 jours avant la décision de se lancer dans l'IPO, n'en avait jamais réalisée. Il avait toutefois les compétences techniques nécessaires, acquises au cours de sa carrière." Au-delà des expertises, la dirigeante insiste sur la nécessité de constituer un binôme CEO/CFO fonctionnant parfaitement, car le temps passé ensemble pendant le processus se chiffre en centaines d'heures. Et c'est bien sur ce binôme que miseront les investisseurs.
Contre-exemple néanmoins : celui de la start-up lyonnaise Kumulus Vape, spécialiste de la vente en ligne de produits en lien avec la cigarette électronique (57 salariés; CA 2020 : 22 M€). Elle s'est introduite sur Euronext Growth au printemps dernier sans directeur financier (après avoir été présente sur Euronext Access depuis 2019). Elle doit néanmoins pourvoir ce poste dans les prochaines semaines. "Cela peut sembler bizarre mais nous étions très bien outillés sur le pilotage financier et jusqu'ici nous avons pu piloter sans directeur financier, avec une comptabilité externalisée", signale le P-dg de l'entreprise, Remi Baert.
3) Construire sa stratégie et être capable de convaincre les investisseurs
And the last but not the least : l'obligation de rédiger les documents réglementaires. Et donc de coucher noir sur blanc une stratégie claire, compréhensible par tous. "Cette étape est très lourde, les documents font plusieurs centaines de pages, mais elle a la vertu d'obliger la gouvernance à se questionner de façon très précise sur l'avenir", souligne Jérôme Caron, Daf de Hoffmann. Cette étape franchie, il faudra ensuite être capable de présenter la stratégie à maintes reprises à l'occasion des présentations classiquement assurées par le duo CEO/CFO. Rémi Baert, le dirigeant de Kumulus Vape, reconnait volontiers s'être fait épauler par son Listing Sponsor dans cette démarche. "Nous avons répété plusieurs fois, notamment pour le Grand Oral devant Euronext car cette étape est délicate". Eric Forest, l'expert de Deloitte, confie d'ailleurs avoir déjà assisté à des présentations insuffisamment travaillées. "Cela se sent quand le dirigeant ou le CFO ne sont pas bien préparés. Il ne faut pas négliger cette phase car vous n'aurez pas plusieurs opportunités de convaincre les investisseurs."
Témoignage - Chloé Clair, CEO de la start-up Namr
"Nous avons mené notre introduction en Bourse en 6 mois"
Créée en 2017, la start-up Namr est spécialisée dans l'intelligence artificielle et la collecte de données pour les bâtiments. Avec ses 45 salariés et son chiffre d'affaires de 3,6 millions d'euros, elle a fait une entrée en Bourse remarquée en juin 2021 en levant quelque 8 millions d'euros sur Euronext Growth. Un montant volontairement situé juste en dessous du seuil nécessitant la publication du fameux (et contraignant) prospectus exigé par l'AMF pour les opérations plus conséquentes. "Nous avons présenté un dossier uniquement à Euronext, ce qui nous a permis d'aller plus vite", explique Chloé Clair, CEO de la start-up. "La décision a été prise en janvier 2021, un mois après mon arrivée dans l'entreprise, et l'introduction s'est faite en juin. Ces six mois ont été extrêmement sportifs", raconte la dirigeante en repensant, en souriant malgré tout, à ces très longues journées consacrées à la préparation de l'IPO. "C'était plus de 50% de mes journées de 15 heures...".
Structuration et stratégie
Avec le directeur financier fraichement recruté 15 jours avant la prise de décision, elle s'est attelée à une structuration de l'entreprise à vitesse grand V. "Nous avons cadré notre organisation sur la partie financière avec des arrêtés semestriels, la mise en place d'indicateurs clés, etc". Chloé Clair relate également comment le duo CEO/CFO, épaulé par l'équipe, a dû s'atteler à la construction et l'écriture d'une stratégie claire. "Cette étape est primordiale". Une équipe d'experts et de conseillers a été constituée pour accompagner Namr sur son chemin vers l'IPO. "Ils nous ont donné un calendrier, des objectifs à tenir. Je n'avais jamais fait d'IPO mais je venais de grands groupes, j'avais l'habitude de ces process avec un calendrier cadencé à l'extrême".