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Éric Hémar, président de l'Union des entreprises de transport et logistique de France (TLF) et PDG d'ID Logistics : "Face à un marché contrasté, notre secteur doit s'adapter très vite"

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Éric Hémar, président de l'Union des entreprises de transport et logistique de France (TLF) et PDG d'ID Logistics : 'Face à un marché contrasté, notre secteur doit s'adapter très vite'

Après quelques années fastes, la supply chain est entrée dans un cycle plus complexe. Les volumes ont chuté, les prix ont grimpé, les acteurs doivent s'adapter. Le point avec Éric Hémar, président de l'Union des entreprises de transport et logistique de France (TLF) et PDG d'ID Logistics.

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Quel bilan faites-vous de l'année 2023 en tant que président de l'Union TLF et PDG d'ID Logistics ?

Les premiers mois de 2023 se sont inscrits dans la continuité de 2022, une année considérée à juste titre comme un bon cru pour les métiers de la supply chain. Sur 2022, de bons volumes ont entraîné une tension sur nos moyens en matière de ressources humaines, de mètres carrés d'entrepôts utilisables, de disponibilité des véhicules. Cela a eu des répercussions notamment sur nos tarifs. Ensuite, nous avons assisté à un revirement de situation à la fin du printemps 2023 qui s'est accéléré sur le reste de l'année. Cette "bascule" a commencé par une forte baisse des volumes de biens transportés, provoquant une inversion des problématiques initiales. Fin 2023, nous avons constaté dans nos métiers une plus forte disponibilité de moyens avec une tension générale beaucoup moins importante, tout en ayant des perspectives plus sombres.

Comment expliquez-vous ce changement radical ?

Dès le printemps 2023, j'ai observé une baisse de la consommation en volume, jamais vue auparavant. Durant les crises précédentes, la grande consommation subissait un effet prix en raison d'une recherche de produits moins chers de la part des consommateurs, mais elle gardait une certaine stabilité en volume. En 2023, cela a été l'inverse en raison d'une inflation subie par les ménages français. Même constat dans le secteur de la mode ou de l'ameublement, où une chute importante de la demande a causé un certain nombre de difficultés. Or, le transport est très sensible à l'effet volume. Il est bon de rappeler que lorsque le transport subit 2 % de volume en moins, ce sont 4 à 5 % de baisse de prix qui sont constatés dans ces métiers du transport.

L'erreur, peut-être, a été de croire que les tensions du début des années 2020 (pénurie de conducteurs, transition énergétique des véhicules...), qui restent très vraies sur le moyen terme, allaient se maintenir, quels que soient les aléas liés à la conjoncture actuelle. Paradoxalement, dans ce contexte général de baisse, le secteur de l'e-commerce s'est plutôt bien comporté avec des volumes de commandes qui se sont mieux maintenus que dans le retail traditionnel. Le dynamisme de ce secteur est une bonne nouvelle, étant donné les prévisions assez pessimistes de fin 2022.

Quels vont être les principaux enjeux en 2024 pour ce marché de la logistique, du transport et de la supply chain en général ?

Compte tenu de ce marché contrasté, notre secteur doit s'adapter très vite, sachant que se profile encore une augmentation importante de nos coûts de production liée aux hausses subies en 2022 et 2023.

La priorité des acteurs, tels qu'ID Logistics, est de mettre en place des programmes de réduction des coûts, d'optimisation, d'organisation... afin de coller au plus près aux besoins des clients, tout en répercutant sur ces derniers les inévitables hausses de coûts unitaires, notamment salariaux. D'une gestion de la pénurie de moyens, nous sommes passés à une importante gestion des coûts. Mais n'oublions pas que cette situation complexe et tendue, rythmée par des cycles positifs et négatifs, est le propre de notre métier. Il faut maintenir le cap. Pour en revenir à 2024, le premier semestre devrait s'inscrire dans le prolongement des six derniers mois de 2023, à savoir une conjoncture défavorable. La question est de savoir si une inflexion positive est envisageable à partir de l'été, notamment grâce aux JO à Paris et à la baisse de l'inflation ressentie par les consommateurs. Quant à l'e-commerce, il est installé dans les habitudes de consommation. Il devrait donc poursuivre sa croissance en 2024, même si la progression est moins significative que dans les années 2010.

Comment les enjeux liés au développement durable vont-ils impacter le monde de la logistique et du transport ?

Le sujet est très sensible. La situation concernant les ZFE (Zones à faibles émissions) est ainsi très obscure. Après avoir annoncé des calendriers peu crédibles, les agglomérations ne cessent de reculer les échéances. Elles estiment, à juste titre, que les entreprises, les particuliers et les logisticiens ne sont pas encore suffisament prêts. Or, cette absence de timing réaliste et de visibilité ralentit les investissements et in fine rend les entreprises plus frileuses. Même s'il est trop tôt pour dire que les enjeux environnementaux ont accentué les difficultés constatées cette année, il est certain que l'imposition de trop fortes contraintes dans ce domaine risque de limiter la reprise de la croissance. Il est donc nécessaire que nos pouvoirs publics gardent en tête un principe de réalité : savoir mettre le curseur au bon niveau.

Est-ce que les métiers de la supply ont bien pris en compte ces enjeux ?

Dans l'ensemble oui, mais les acteurs doivent faire face à des contraintes conséquentes. Il existe trois grands postes d'investissement autour du développement durable dans nos métiers : le premier étant la flotte de transport, puis les entrepôts et enfin les problématiques relatives aux emballages.

Concernant la flotte transport, nous sommes contraints par la capacité de production des véhicules verts. Une entreprise de transport, lorsqu'elle fait le choix de l'achat ou du leasing d'un nouveau véhicule, s'engage en moyenne pour cinq ans. Quand il s'agit d'un véhicule en compte propre, la moyenne est de dix ans. Il faut donc que les transitions tiennent compte de ces durées d'utilisation, au risque de créer des crises majeures. À titre d'exemple, si le Grand Paris décidait aujourd'hui d'imposer le tout électrique aux véhicules de livraison, il faudrait que la totalité de la production européenne des camionnettes électriques d'une année entière soit affectée à Paris ! C'est donc totalement irréaliste. En revanche, si on nous demande de faire évoluer nos parcs de véhicules à l'horizon 2028-2030, tout devient possible.

Pour la partie entrepôts, les progrès sont très sensibles en matière de développement durable, notamment pour les nouveaux bâtiments. D'importantes économies d'énergie sont réalisées grâce à l'installation et l'utilisation de panneaux photovoltaïques. Nous commençons par ailleurs à voir apparaître des entrepôts totalement autonomes sur les plans énergétiques et de l'empreinte carbone. La difficulté est plus grande pour le parc ancien en raison d'une architecture non adaptée ou de coûts de réhabilitation souvent prohibitifs. C'est pourquoi interdire la construction de nouveaux sites avec le Zéro artificialisation nette (ZAN) est totalement contreproductif en matière de développement durable.

Concernant la dernière partie liée au packaging et l'emballage, la dynamique très forte enclenchée ces dernières années devrait perdurer. Les objectifs d'être à 100 % d'emballage recyclable sont déjà atteints sur certains produits, notamment le carton. C'est le cas aujourd'hui dans mon entreprise ID Logistics, nous recyclons ou réutilisons 100 % des cartons utilisés.

Les initiatives pour réduire ou remplacer les plastiques sont également nombreuses. Sachant que les efforts consentis sur ces emballages sont immédiatement visibles et perçus par les ménages, il y a fort à parier que des innovations vont arriver très vite.

Quid de la question des conditions de travail en 2024 ?

Les dernières années ont déjà été marquées par les efforts consentis en faveur des conditions de travail qui se sont grandement améliorées. Automatisation, mécanisation, ergonomie ont rendu les métiers de la supply chain moins pénibles. Mais des progrès restent à réaliser, notamment sur l'accidentologie qu'il nous faut réduire. En comparaison, le monde industriel a pris de l'avance sur le "zéro accident" qui est devenu une réalité alors que dans l'univers de la logistique et du transport, c'est toujours un objectif à atteindre.

Nos entreprises ont en revanche fait un effort très significatif en matière d'insertion des handicapés. Chez ID Logistics, nous atteignons plus de 6 % de travailleurs handicapés sur nos sites en France, soit nettement plus que l'obligation légale et c'est une mobilisation qui est partagée par l'ensemble des acteurs de notre profession.


Son parcours :

Né en 1963
Éric Hémar est titulaire
d'un diplôme de l'ENA et commence sa carrière
à la Cour des comptes,
où il est auditeur puis conseiller référendaire.

1993-1995
Pendant cette période,
il occupe le poste de conseiller technique auprès de Bernard Bosson, ministre de l'Équipement, des transports et du tourisme.

1995
Il intègre Geodis Logistics.

2001
Il décide de fonder ID Logistics. L'entreprise se spécialise dans les services de transport et se développe rapidement avec l'ouverture de plusieurs filiales à l'étranger.

2019
Éric Hémar prend également la tête de l'organisation professionnelle Union TLF qui regroupe les entreprises des secteurs du transport et de la logistique.

 
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