[Interview] EBay passe à l'offensive avec Céline Saada-Benaben
Marque pionnière du Net, eBay veut encourager la digitalisation des TPE/PME et favoriser l'e-commerce cross border. Parallèlement, la plateforme lance fin mai sa nouvelle home page et un ensemble d'innovations relatives au parcours client. Explications de Céline Saada-Benaben, dg d'eBay France.
Je m'abonneLe modèle d'eBay a évolué ces dernières années, pouvez-vous nous présenter les grandes étapes de ces évolutions?
eBay a été fondé il y a 21 ans, à l'origine par un Franco-Iranien, Pierre Omidyar, qui voulait se débarrasser d'un pointeur laser cassé. Il l'a mis en vente et l'objet s'est vendu. Cela a été le signe qu'il y avait un marché pour des produits neufs mais aussi d'occasion. C'est comme cela qu'est né le site. À l'origine, eBay était essentiellement un site d'enchères entre particuliers, qui a très vite évolué pour permettre à des professionnels de vendre aussi leurs produits, proposés en enchère et à prix fixe. Nous sommes présents en France depuis 17 ans. Et notre coeur de métier est le même depuis 21 ans: mettre en relation des vendeurs et des acheteurs sur une plateforme d'intermédiation sécurisée et internationale, tout en offrant une série de services. Le business model est basé sur une commission prise sur les ventes, complètement alignée avec les intérêts des vendeurs. Nous n'avons pas d'activité de distributeur, ce qui fait que nous ne sommes jamais en conflit avec les intérêts de nos vendeurs. Quant aux commissions, elles oscillent entre 3 et 8%, et sont très compétitives sur le marché.
- Sur le cross border, comment accompagnez-vous vos vendeurs?
Une des caractéristiques d'eBay est son fort poids à l'international. En France, notre activité est réalisée entre 30 et 40% sur des ventes transfrontalières pour lesquelles l'acheteur et le vendeur ne sont pas dans le même pays. C'est une des spécificités de la plateforme au niveau français sans aucun doute, et c'est un intérêt à la fois pour les acheteurs et pour les vendeurs qui peuvent exporter à moindre coût. De la même manière que nous amenons une série de services pour nos vendeurs, nous leur proposons à l'export des services de traduction en partenariat avec Webinterpret pour leur permettre de traduire leurs annonces. Nous avons des services négociés avec des partenaires logistiques qui permettent d'avoir des tarifs préférentiels à l'export. Et nous diffusons une série d'informations consolidées pour pouvoir informer les vendeurs sur les démarches, les volets juridiques... Enfin, il y a beaucoup d'échanges sur l'optimisation des inventaires et sur les opportunités en découlant.
- Quid de la concurrence? Comment le marché français se comporte-t-il? Le C to C a-t-il le vent en poupe?
Le marché français, de ce que l'on observe, est de loin le marché le plus concurrentiel et le plus fragmenté parmi les pays européens. La France est le pays des marketplaces. Nulle part à l'étranger, il n'y a ce nombre de place de marchés adossées à des distributeurs. Nous sommes toujours surpris sur le marché français du nombre de places de marchés qui sont lancées et se développent. Ce qui nous distingue par rapport à la concurrence est que nous ne sommes pas un distributeur et qu' eBay est l'une des seules places de marché à pouvoir offrir une opportunité de croissance à l'international. C'est une opportunité pour nos vendeurs professionnels bien sûr, mais aussi pour nos vendeurs particuliers. eBay leur permet d'avoir accès aux 169 millions d'acheteurs uniques dans le monde de la même façon qu'à des vendeurs professionnels. L'autre partie importante est le poids du mobile. Une transaction sur deux implique un passage par le mobile et est finalisée via le mobile.
Enfin, concernant le C to C, il s'agit de la partie historique de notre activité même si elle est aujourd'hui minoritaire. Nous pensons que le marché du C to C a un très fort potentiel de croissance. Nous avons mené une étude avec Ipsos qui nous indique que les Français ont en moyenne 41 articles dans leur placard qu'ils sont susceptibles de vendre. On parle de 1 230 euros de valeur potentielle pour ces articles. Sur un marché français d'un milliard d'objets potentiels, cela représente 32 milliards de chiffre d'affaires. Nous ne sommes qu'aux débuts du marché de la vente entre particuliers. Le potentiel est réel et s'inscrit dans une tendance de société. Les jeunes en particulier sont de plus en plus enclins à vendre en ligne et à être dans une logique de partage... eBay y est très bien positionné avec une forte base d'utilisateurs actifs, qui disposent de la capacité de vendre à l'export, d'un site facile à utiliser et d'un paiement sécurisé.
Quels sont les marchés phares d'eBay dans le monde, existe-t-il de fortes disparités entre les pays?
EBay est une société américaine qui a eu un fort développement à l'international puisque nous sommes présents dans plus de 190 pays. La part de l'international représente plus de 60% de l'activité. Il existe bien sûr des différences selon les pays, de part la nature du marché on line lui même. Les États-Unis, l'Australie, la France, l'Allemagne, l'Italie, la Corée du Sud sont des marchés très mûrs. Les méthodes de recherche en ligne présentent aussi des différences. Les pays du Sud recherchent par exemple les produits beaucoup plus par marques que par typologie. En Angleterre, on va chercher une robe noire, alors qu'en France on va davantage chercher une marque. Enfin, de par notre implantation, nous jouons avec des saisonnalités inversées. L'hiver finit en France quand il commence en Australie, donc un vendeur de vêtements va pouvoir inverser ses saisons et maintenir un niveau de marge élevé sans avoir besoin de stocker ou de discounter.
- Vous venez de publier vos résultats, quel bilan en tirez-vous et quid du volet publicitaire de votre modèle?
eBay est un éditeur et nous avons une activité de vente de publicité sur l'ensemble des sites. C'est une activité qui est de deux natures. Notre approche de publicité programmatique, qui est l'essentiel de notre activité publicitaire, en place depuis 2012, est gérée en interne. Parallèlement, nous avons une activité de publicité directe sur laquelle nous travaillons avec la régie Adverline, grâce à laquelle nos vendeurs et marques, présents sur la plateforme, vont pouvoir acheter directement des espaces publicitaires sur eBay pour développer leurs ventes.
Un point important à mentionner, c'est que nous ne vendons jamais les données. Nous optimisons les campagnes en fonction des informations dont nous disposons, mais à aucun moment la data n'est diffusée à l'extérieur. Concernant nos résultats, eBay enregistre une croissance de l'activité marketplace aux alentours de 5%, à la fois sur le volume de transactions et sur la partie revenus. En juillet 2015, eBay et PayPal se sont séparés et un programme de transformation d'eBay sur plusieurs années a été lancé. En particulier, une transformation autour du projet "Structure Data". Notre défi principal est d'organiser le catalogue produit de façon à ce que les acheteurs trouvent ce qu'ils recherchent de manière la plus simple possible.
Et cela consiste à cataloguer l'ensemble de l'inventaire, à structurer l'information, à développer les descriptifs des produits, donc à générer du contenu par les utilisateurs. Mais aussi à utiliser toute une série d'initiatives liées à l'intelligence artificielle pour consolider et redéployer une expérience utilisateur pertinente et adaptée aux besoins des acheteurs. Les changements liés à ce projet vont prendre vie au fur et à mesure des développements. En France, la nouvelle home page d'eBay arrive à la fin du mois de mai. Cette stratégie explique les acquisitions faites ces six derniers mois: trois sociétés ont rejoint eBay, sur les secteurs de l'intelligence artificielle (SalesPredict), de la reconnaissance visuelle (Corrigon) et de l'utilisation des données (ExpertMaker).
- Vous vous engagez à soutenir la digitalisation et l'internationalisation des TPE / PME... pourquoi cet engagement?
C'est l'un des segments très importants pour nous. Nous avons développé toute une série de services qui leur sont dédiés. En parallèle, nous essayons de les aider à faire part aux différentes instances gouvernementales de leurs difficultés. En France, 16% des TPE / PME vendent en ligne contre 25% en Allemagne. Il y a un très fort potentiel d'export. Aujourd'hui, 11 à 12% seulement des TPE / PME exportent, contre 95% sur eBay. Nous pensons pouvoir contribuer à leur développement d'un point de vue digital et international...
- En parallèle, quid de la présence de grands retailers sur eBay?
Les retailers sont un segment supplémentaire. Des marques comme Philips, Parrot, Quicksilver, etc., sont présentes sur eBay. La démarche est la même, on leur permet de tester des logiques de distribution à l'étranger, avec l'opportunité pour eux de pouvoir construire un accès direct à leur clientèle...
1996-1999. Disneyland Paris Senior Manager, stratégie et business développement.
2000-2005. T-Mobile International (T-Motion) : associate, marketing et business développement - services mobiles
2006-2010. Responsable de l'activité vendeurs particuliers - eBay.co.uk et responsable Europe des options de merchandising et de l'intégration de la publicité.
2010-2011. Responsable de la stratégie et de l'expérience acheteurs - eBay.fr.
2011-2014. Responsable Europe de l'offre commerciale et de la communication grands comptes puis directrice commerciale grands comptes, France & Benelux.
Depuis novembre 2014. Directrice générale, eBay.fr
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