Le SRI s'inquiète des dangers de l'ePrivacy pour la pub digitale
A plus de 6 mois de l'entrée en vigueur du RGPD, le syndicat fait part de ses craintes vis-à-vis du projet de réglement ePrivacy par la voix de sa directrice générale Hélène Chartier qui veut mettre fin à la mauvaise presse de la publicité digitale quant aux données personnelles des internautes.
Je m'abonneSi les éditeurs sont en ordre de marche face à l'application en mai 2018 du nouveau règlement européen sur la protection des données, le RGPD, et ce malgré le retard de nombre d'annonceurs sur ce sujet, c'est une autre proposition de réglement qui nourrit leurs inquiétudes : l'ePrivacy. "Ce projet pourrait mettre fin au web tel qu'on le connaît aujourd'hui puisqu'il menace le modèle économique de la gratuité reposant sur la publicité" s'alarme Hélène Chartier, directrice générale du Syndicat des Régies Internet (SRI). Elle regrette que la CNIL, qui serait chargée de fournir ses recommandations quant à l'application de ce réglementation dans la loi française s'il venait à être adopté, mène une sorte de chasse au cookie publicitaire, "un mauvais combat" qui témoigne "d'une méconnaissance du marché de la publicité en ligne".
Fin du cookie = fin de la publicité en ligne ?
"L'ePrivacy est un énorme danger pour l'écosystème numérique européen car en préconisant un unique recueil du consentement, au lieu d'une gestion contextualisée et spécifique au site par site, l'Union Européenne défavorise le modèle du contenu gratuit en ligne" redoute Hélène Chartier. Au royaume du gratuit, difficile de satisfaire les exigences des 3 parties, à savoir "les internautes qui veulent du contenu riche mais gratuit tout en garantissant la sécurité de leurs données, les éditeurs qui ont besoin de trouver un équilibre dans la rémunération de leur production de contenu, ainsi que les annonceurs qui cherchent à toucher justement leurs audiences" expose la directrice générale du SRI. Cet écosystème doit s'équilibrer dans "un contexte de duopole, de mondialisation mais aussi d'alliances" telles que Gravity ou Skyline. Or, selon le syndicat, l'application du texte ePrivacy en l'état menacerait le principe même de cookie publicitaire, perçu comme une menace pour la protection de la vie privée en ligne. Le groupement créé en 2003 considère, de son côté, qu'"on ne peut pas dire que les cookies publicitaires comportent des données sensibles, il s'agit de simples fichiers textes qui n'embarquent aucune donnée personnelle et ne permettent pas d'identifier un internaute". Ils seraient même nécessaires à la publicité en ligne et donc à la gratuité des contenus, puisque "le modèle de la publicité en ligne ne fonctionne pas sans cookies, les deux sont nés en même temps" résume Hélène Chartier.
Si le SRI indique être régulièrement sollicité sur ce type de sujet par la CNIL, le syndicat reste perplexe : "au nom du respect de la vie privée en ligne, la CNIL suggère par exemple de faire de la publicité contextualisée (donc sans cookies), or les cookies sont nécessaires rine que pour afficher la publicité dans le bon contexte ou pour gérer le capping" (fréquence d'exposition d'un internaute à un message publicitaire). D'autant qu'en 2013, l'autorité administrative française recommandait aux internautes l'installation d'outils d'adblocking pour protéger leur data. Les éditeurs, régies, annonceurs, agences, et e-commerçants, via leurs organisations professionnelles, ont déjà interpellé les pouvoirs publics en France et en Europe, comme lors d'une lettre ouverte publiée en mai dernier par les éditeurs français. Leur principale crainte ? Le recueil du consentement unique par les navigateurs Google, Apple, Microsoft et Mozilla, qui aurait pour dérive de "renforcer la puissance des environnements logués type Facebook et Google". Soit "encore plus de pouvoir pour les GAFA sur la data des internautes" (en plus des 70% des investissements publicitaires qu'ils captent rien que sur le marché français), ces derniers étant déjà peu inquiétés par la législation en vigueur. Si le SRI refuse de se positionner sur la défensive face aux géants du web, Hélène Chartier déplore cependant que "le même niveau d'exigence ne soit pas demandé à tous les acteurs en termes de transparence, de mesures tierces et auditées" , à l'image de Facebook qui lançait sa propre initiative en février dernier, le Measurement Council. Ces exigences seront portées par le label Digital Ad Trust, que le SRI, l'Udecam, le GESTE, l'UDA, l'ARPP et l'IAB France vont présenter prochainement, après avoir confié la rédaction du référentiel et le rôle de tiers labélisateur au CESP et à l'ACPM.
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