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DossierRetailers et start-up réinventent le commerce de demain

Publié par Stéphanie Marius le

1 - La symbiose délicate entre retailers et start-up

Incubateurs, accompagnement financier et stratégique: les retailers structurent leurs relations avec les jeunes pousses et ajustent les modalités de dialogue pour favoriser des relations pérennes.

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Magasins du futur, nouvelles expériences multicanales, parcours client et supply chain optimisés, approvisionnement des rayons, robots-livreurs... Les chantiers ne manquent pas! Les relations avec les start-up sont un levier essentiel pour aider les retailers à se transformer et à passer à la vitesse supérieure. "Cela ne sert à rien de chercher à réinventer la roue quand il y a déjà des expertises sur le marché et que des solutions mises au point par des start-up peuvent être déployées en trois mois", assure Pieter Lammens, directeur de Lafayette Plug and Play (LPP), accélérateur qui fédère onze retailers, parmi lesquels Galeries Lafayette, Carrefour, C&A, Camaïeu, La Redoute...

À chacun sa méthode pour multiplier les contacts. "En deux ans, Cdiscount a sourcé 2000 start-up et en a rencontré environ 500, soit quelque 2000 heures d'échanges qui ont fait progresser l'entreprise. Sur 100 collaborations, 65% des start-up sont devenus des fournisseurs", témoigne son directeur innovation, Jérôme Fauquembergue. Carrefour, lui, reste en veille sur bon nombre de sociétés avec lesquelles il pourrait engager des tests ou travailler de façon plus régulière: "Certaines développent des technologies intéressantes, qui ne sont pas encore assez mûres. D'autres maîtrisent la technologie et n'ont pas encore d'offre retail, mais elles ne sont pas à l'abri d'un pivot...", justifie Clément Marty, directeur innovation groupe et France.

Début 2019, Fnac-Darty a initié, pour sa part, un tour de France de l'innovation pour identifier de manière proactive 80 start-up. "On est dans une démarche très opérationnelle et pragmatique, pour faire entrer les start-up dans un processus d'accélération, plutôt via une phase de Proof of Concept (POC) avec une mise en application rapide", note Clémence Thomas-Ortel, responsable innovation.

De plus en plus d'incubateurs appartenant à des retailers

Beaucoup de retailers ont lancé leurs propres accélérateurs ou incubateurs: Look Foward, incubateur mode-beauté-retail créé en 2015 par Showroomprivé, Impulse, l'accélérateur fashion-tech-retail de Veepee (ex-venteprivee.com) installé à Station F... Après avoir fondé The Warehouse by Cdiscount en 2017, accélérateur spécialisé sur la supply chain, l'e-commerçant a démarré, en février dernier, le programme Le Lab by Cdiscount, dédié aux start-up du marketing et de la data. À leurs débuts, beaucoup de start-up passent d'un accélérateur à l'autre. En un an et demi, Stockly a été incubée chez Look Forward, sélectionnée dans le quatrième batch de Lafayette Plug and Play, avant de rejoindre Techstars à l'automne 2018: "Nous avons pu évoluer dans des environnements favorables, aux côtés de start-up ambitieuses. Lafayette Plug and Play et Techstars nous ont permis de rencontrer beaucoup d'investisseurs et de prospects, et de développer un discours très sérieux. À notre niveau de maturité de l'époque, ces accélérateurs ont fonctionné comme une rampe de lancement, nous permettant de nous développer plus vite", relate son cofondateur Eliott Jabès.

"Aujourd'hui, les start-up cherchent surtout des clients et du coaching par des managers expérimentés", Clément Marty

En donnant leur chance à des start-up triées sur le volet, les accélérateurs permettent aussi aux retailers d'y voir plus clair dans le foisonnement des jeunes pousses. "Tous les directeurs innovation et les retailers sont sollicités par des dizaines ou des centaines de start-up qui leur promettent monts et merveilles. Lafayette Plug and Play présente à ses partenaires les solutions les plus pertinentes pour répondre à des besoins très opérationnels et assez transverses", fait valoir Pieter Lammens.

Partage d'expertise et co-construction

"Aujourd'hui, les start-up cherchent surtout des clients et du coaching par des managers expérimentés. Si leur équipe compte 5 ou 15 personnes, elles sont rapidement confrontées à des questions qui dépassent leur domaine de compétences. Quand Carrefour repère une équipe innovante, nous les aidons à rencontrer nos experts", détaille Clément Marty. Les contacts peuvent progresser assez vite: "Dans la promotion de janvier 2019 de Look Forward, six start-up sont coachées par le groupe et nous avons déjà des discussions avancées avec deux d'entre elles", poursuit le directeur innovation de Carrefour. Les contacts avec les start-up early stage sont souvent un pari sur l'avenir, qu'il faut réussir à transformer.

Cdiscount a signé avec la start-up lilloise Exotec Solutions après que ses deux cofondateurs ont présenté aux équipes innovation un simple PowerPoint décrivant leur robot Skypod pour entrepôt. "Nous avons mis en place une équipe pour co-construire la solution, se souvient Jérôme Fauquembergue. Aujourd'hui, cette start-up est très visible sur son marché et en capacité de répliquer sa solution chez d'autres acteurs."

Après avoir été son premier client, Carrefour a accompagné la croissance de Phenix, start-up qui organise la redistribution des invendus alimentaires à des associations. Ils ont reçu, fin 2017, le prix "David avec Goliath" pour l'alliance entre un grand groupe et une start-up, remis par Bain&Company et Raise. Pourtant, les relations entre ces deux mondes sont loin d'être simples: beaucoup de frictions ont trait à l'agilité, mais aussi aux aspects financiers. "Les corporate ne comprennent pas toujours les besoins des start-up, qui peuvent être une question de survie pour des entreprises aussi jeunes. Les start-up croient que les corporate ont les poches pleines et n'imaginent pas qu'ils doivent aussi faire des arbitrages dans des budgets limités", souligne Pieter Lammens.

Pour sortir de ce "combat presque philosophique", l'ancienne start-up Cdiscount s'attache, surtout, à trouver le bon niveau de dialogue: "En leur donnant accès à nos experts, à notre data et à nos volumes, nous faisons chauffer leur moteur, mais ils conservent la propriété intellectuelle de leurs solutions", commente Jérôme Fauquembergue.

Une fois les process et objectifs clairement définis, 30% des POC déployés au sein du groupe s'effectuent en autonomie: "Nos business unis peuvent se concentrer sur ceux qui ont le plus besoin d'aide", ajoute-t-il. Depuis un an, Fnac Darty a structuré sa démarche pour pouvoir mieux industrialiser les développements: "La direction de la stratégie définit les priorités et les questions à traiter via l'innovation. Quand on lance des collaborations, on détermine la manière de suivre les projets. Certaines start-up sont pilotées avec un suivi au comité exécutif, par exemple sur des questions de planning ou de KPI. Un comité d'arbitrage valide le projet", développe Clémence Thomas-Ortel.

Si la plupart des collaborations se font sans prise de participation, l'acquisition garde un sens pour intégrer une technologie ou un service. Venteprivee a ainsi racheté Daco et sa solution de veille concurrentielle basée sur la reconnaissance d'image, tandis que Fnac Darty a acquis WeFix, société spécialisée dans la réparation express de smartphones en point de vente. "Les premiers corners installés en magasin fonctionnent bien. C'est un service que l'on n'aurait pas pu développer aussi vite en interne", reconnaît Clémence Thomas-Ortel.

Repères

- Batch:
Les accélérateurs fonctionnent par "batch" ou promotion. Ils accueillent les start-up dans un environnement propice à l'innovation ainsi qu'aux rencontres avec les retailers et les investisseurs. Les sessions vont jusqu'à un an chez Look Forward, le hub d'innovation de Showroomprivé, neuf mois chez Impulse de Veepee, six mois au Lab by Cdiscount, trois mois chez Lafayette Plug and Play...

- 20 start-up défendaient les couleurs françaises au NRF 2019. Véritable pays de retail, la France est la troisième délégation de ce grand rendez-vous mondial à New York, derrière les représentants nord-américains et brésiliens.

- En 2019, 59% des e-marchands collaborent avec des start-up pour leurs projets d'innovation, contre 46% en 2018 (enquête Fevad sur le moral des e-commerçants français). Pour 68% des retailers et marques fabricants, ces projets concernent le marketing, la relation client et les paiements.

- Les start-up sont peu satisfaites de leurs relations avec les grands groupes, avec un NPS de -12%. Si la lenteur reste un point noir, la satisfaction envers leur partenariat commercial le plus abouti est encourageante, avec un NPS de 5% (étude David avec Goliath 2018).


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Stéphanie Marius

Chef de rubrique

Ancien professeur de lettres modernes, secrétaire de rédaction durant quatre ans et aujourd’hui chef de rubrique pour les sites [...]...

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