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[Tribune] DSA/DMA : l'Europe règle la mire dans le secteur de la Tech

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[Tribune] DSA/DMA : l'Europe règle la mire dans le secteur de la Tech

Le DMA et le DSA visent à réguler les pratiques contestées dans le secteur de la Tech, en venant, pour le premier, réguler les pratiques commerciales et l'activité de marché des acteurs et, pour le second, améliorer la protection des consommateurs en termes de contenus, de profilage ou de ventes en ligne. Retour sur deux textes complémentaires qui renforcent l'arsenal des régulateurs.

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Après quelques rebondissements de dernière minute, le texte du DSA a finalement été validé le 13 juin dernier en vue d'une adoption définitive le 4 juillet prochain, en même temps que le DMA. Ces textes viennent directement répondre aux problématiques constatées ces dernières années dans le secteur du digital par les régulateurs européens. Ainsi, nombre des principes édictés par le DMA résultent des récentes sanctions infligées aux géants de la Tech par les autorités de concurrence ou même d'enquêtes en cours. De même, le DSA vient encadrer un certain nombre de dérives constatées sur le Net et qui résulteraient du manque d'opacité inhérent au secteur.

À quelques semaines de leur vote final, le contenu ayant fait l'objet d'un accord politique et étant donc acquis, nous voulions apporter un éclairage sur ces deux textes ambitieux.

Le DMA, dont l'application semble devoir relever largement de la DG Concurrence de la Commission, s'inspire largement de sa pratique décisionnelle. Il est en effet possible de rattacher quasiment chacune des interdictions prévues par le DMA et applicables aux comportements des futurs « gatekeepers » (contrôleurs d'accès, à qui le DMA s'appliquera exclusivement) à une pratique d'un des géants de la tech déjà sanctionnée par la DG Concurrence. À cet égard, la Commission répond implicitement à une critique formulée à l'encontre de son action répressive dans le secteur de la tech et selon laquelle elle interviendrait certes de façon spectaculaire avec des amendes élevées, mais souvent tardivement, a posteriori, et alors que de nouvelles pratiques seraient déjà en cours.

Le DMA ne constitue donc pas une révolution sur le fond mais bien une innovation importante en matière de procédure.

En effet, le DMA prévoit d'abord un régime de notification, qui occupera sans nul doute une grande partie de l'année 2023 et permettra à chaque acteur des marchés concernés de la Tech de savoir s'ils sont ou non des gatekeepers en application du nouveau texte. En effet, seules les entités répondant à certains critères devront respecter les dispositions du DMA. Le texte balaye assez large à ce sujet et identifie comme gatekeeper toute entreprise qui fournit des services de plateforme essentiels et qui atteint certains seuils quantitatifs d'activité. Pour certaines entreprises que chacun reconnaîtra, il est évident que le critère est rempli. D'autres pour lesquelles la conclusion est moins immédiate seront confrontées à un arbitrage stratégique : se signaler d'emblée à la Commission pour confirmer ou infirmer leur statut et savoir ainsi s'ils entrent dans le champ d'application du DMA ou ne pas notifier pour éviter de se placer sous l'empire de ce nouveau texte très contraignant au risque de découvrir plus tard qu'ils entraient en fait dès le départ dans son champ d'application.

Le DMA constituera-t-il sur le long terme une révolution procédurale similaire à celle qui au début des années 1990 avait rendu obligatoire la notification à la Commission des fusions-acquisitions qui dépassaient certains seuils en chiffre d'affaires ?

Nous ne le pensons pas dans la mesure où, contrairement au texte sur les concentrations, ce nouveau texte ne s'appliquera qu'à un seul secteur. Mais il va très certainement engendrer à court terme, pendant la période de notification initiale, un immense surcroît de travail à Bruxelles pour lequel il faut espérer que la Commission s'est équipée par avance.

S'agissant du DSA, il y a bien sûr beaucoup de nuances à considérer dans ce texte, mais si l'on ne devait finalement ne retenir qu'une seule chose, ce serait sûrement le principe fort de transparence qu'il impose aux acteurs du net. Transparence tout d'abord parce qu'alors même qu'il reprend le régime préexistant de responsabilité atténuée des hébergeurs [1], le DSA prévoit une exception à ce régime d'exemption si l'hébergeur en question a finalement délivré au consommateur une information de manière à laisser croire que le produit ou service proposé est fourni par lui ou par une personne agissant sous son contrôle.

Transparence toujours parce qu'il est maintenant attendu des plateformes en ligne de fournir des explications claires quant à leurs pratiques de modération des contenus : production d'un rapport annuel avec information détaillée et motivée, exposés des motifs de retrait de leur contenu à l'attention des utilisateurs et mise en place d'un mécanisme aisé de notification à disposition des utilisateurs permettant de signaler un contenu illicite.

La publicité en ligne doit, elle aussi, être mise en oeuvre de manière intelligible : le consommateur doit se rendre compte que les informations affichées sont de la publicité ; être mis en capacité d'identifier la personne pour le compte de laquelle celle-ci est affichée et obtenir des informations utiles concernant les principaux paramètres utilisés pour déterminer la cible à laquelle elle est présentée.

Transparence encore parce que le DSA rend obligatoire pour les géants de la tech de rédiger un rapport annuel sur les risques systémiques importants trouvant leur origine dans le fonctionnement et l'utilisation faite de leurs services et de mettre en place des mesures d'atténuation raisonnables, proportionnées et efficaces. Il s'agit là d'une avancée importante apportée par le DSA. L'Union Européenne a compris qu'elle n'était pas toujours en mesure de contrôler les grands acteurs du numérique ; qu'à cela ne tienne, elle leur impose dorénavant non seulement de se contrôler eux-mêmes mais encore d'expliquer comment ils entendent le faire. En 2016, Sidonie Gallot et Lise Verlaet publiaient un article intitulé « Transparence : l'utopie du numérique ? [2] ». La réponse à cette question semble prévue pour 2024 avec l'entrée en application du DSA.

Les auteurs :
Pierre Zelenko, avocat associé en Antitrust et Investissements Etrangers

Charlotte Colin-Dubuisson, avocate associée en Antitrust et Investissements Etrangers

Sonia Cissé, avocate associée en Technologies et Protection des Données

[1] Pour rappel, un hébergeur ne voit sa responsabilité engagée du fait du contenu d'un site qu'il héberge que si, averti du contenu illicite d'un site, il n'en suspend pas promptement la diffusion.

[2] Sidonie Gallot et Lise Verlaet, « La transparence : l'utopie du numérique ? », Open Edition Journals (https://doi.org/10.4000/communicationorganisation.5277).

 
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