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[Tribune] La 'Protection acheteurs' de Vinted constitue-t-elle une pratique commerciale trompeuse?

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[Tribune] La 'Protection acheteurs' de Vinted constitue-t-elle une pratique commerciale trompeuse?

Le groupe lituanien Kleiderkreisel, connu sous le nom Vinted, est actuellement sur le devant de la scène non pas pour avoir levé récemment 250 millions d'euros, mais pour avoir, d'après UFC Que choisir, trompé ses clients.

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Il y a quelques semaines, l'association UFC Que Choisir a attrait en justice devant le tribunal judiciaire de Paris la plateforme de vente en ligne de seconde main Vinted pour avoir ajouté au prix de vente final des frais non modulables, non optionnels et opaques quant à leur mode de calcul lors de chaque transaction réglée par les cyberacheteurs de sa plateforme. Ces frais prennent la dénomination de "Protection acheteurs" et sont au coeur de la procédure contentieuse diligentée par UFC Que Choisir menée sous la forme d'une action de groupe(1).

Opacité des pratiques commerciales

Ce n'est pas la première fois que l'association de consommateurs UFC Que Choisir attaque en justice une plateforme en ligne sur ce fondement juridique(2). Mais que signifie une "pratique commerciale trompeuse"? Anciennement publicité trompeuse, cette infraction a connu une grande évolution d'origine européenne avec la Directive 2005/29/CE et relève dorénavant des pratiques commerciales déloyales prévues dans le Code de la consommation français.

Pour qualifier de pratique commerciale trompeuse , il convient tout d'abord de prouver que la pratique reprochée a trompé le consommateur par des procédés déloyaux, par commission ou omission, en créant une confusion (1°) ou en reposant sur des allégations, indications, ou présentations de nature à induire en erreur (2°), ou enfin en ne permettant pas d'identifier clairement la personne pour le compte de laquelle elle est mise en oeuvre (3°). C'est sur ce deuxième critère que se placerait l' "affaire Vinted", en supposant que la pratique porte sur l'un ou plusieurs des éléments du "prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service." La pratique reprochée devra également, pour être sanctionnable, altérer ou être de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur.

Des acheteurs trompés sous couvert de protection?

UFC Que Choisir reproche ainsi à la plateforme Vinted d'avoir manqué à ses obligations d'informations précontractuelles à l'égard des acheteurs en ligne et de les avoir trompés en présentant les frais de "Protection acheteurs" comme optionnels et protégeant les acheteurs alors que le montant n'apparaît qu'au stade final du règlement et ce de façon automatique sans possibilité de s'y opposer.

Ensuite, une pratique commerciale trompeuse est une infraction pénale intentionnelle qui peut intervenir à tous les stades de la vente. En d'autres termes, ces pratiques sont condamnables avant, pendant et après une transaction commerciale, et pour retenir cette infraction, UFC Que Choisir devra prouver que derrière cette pratique, le leader de la vente en ligne de seconde main avait une intention coupable. Ces frais représenteraient 5% du prix du produit mis en ligne par le vendeur +0,70 euro sur des milliers de transactions.

La menace de lourdes sanctions

Que risque Vinted en cas de qualification de pratique commerciale trompeuse? Les bénéfices tirés de la pratique mise en oeuvre par Vinted pourraient-ils être plus importants que le montant de la sanction encourue? Il faut savoir que cette infraction est punie d'une peine d'emprisonnement de deux ans et d'une amende d'un montant maximal de 1,5 million d'euros s'agissant d'une personne morale, ou d'un montant porté de manière proportionnée aux avantages tirés du délit. C'est souvent ce deuxième choix que les tribunaux retiennent.

L'amende prononcée peut ainsi atteindre 10% du chiffre d'affaires moyen annuel de l'entreprise sur les trois dernières années, ou 50% des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant le délit. En plus de la sanction pénale, la nature de l'action de groupe impliquerait ispo facto l'indemnisation du préjudice subi par les cyberacheteurs lésés, et donc le remboursement des sommes indûment perçues. La sanction peut donc être colossale et ne s'arrête pas au volet économique.

En effet, le tribunal peut ordonner une publication de l'intégralité ou d'une partie du jugement sous forme d'affichage ou de diffusion sur le site web de la personne concernée. C'est ici une sanction qui peut être sévère et dont les effets en termes d'image sont à prendre en compte dans la balance. On se demande alors si cette pratique sera maintenue ou si la société lituanienne la modifiera dans les prochaines semaines ou mois, d'autant que la procédure diligentée à ce jour devant le tribunal de Paris pourrait avoir un effet domino, et être dupliquée dans les autres pays européens.

En fonction des moyens de défense qui seront utilisés par Vinted, nous pourrons nous interroger sur l'adaptation de la réglementation actuelle aux pratiques mouvantes des plateformes numériques et des transactions commerciales virtuelles. Le procès n'aura pas lieu avant plusieurs mois, si cette affaire ne se solde pas auparavant par une transaction.

1. L'action de groupe est une démarche permettant aux associations de consommateurs agréés (en l'occurrence L'UFC QUE CHOISIR), victimes d'un même préjudice par un même professionnel, d'obtenir réparation devant la justice.

2. En 2020 : Lastminute.com, les mini crédits en ligne, SFR.

3. Article L.121-1 du Code de la consommation.

L'auteur

Morgane Pilate est avocate en droit de la distribution au sein du cabinet lillois Cornet Vincent Segurel. Elle intervient dans les domaines suivants: distribution, concurrence, contrats commerciaux, baux et gestion immobilière. Morgane Pilate est titulaire d'un master de Droit de la distribution ainsi que d'un master de Droit des affaires à la faculté de la faculté de Lille I.


 
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