Retail media : un levier encore sous-exploité en 2025
Le retail media s'impose comme un nouvel eldorado publicitaire, estimé à 125 milliards de dollars en 2025. Mais si les pure players en récoltent déjà les fruits, les distributeurs traditionnels accusent un retard technologique et stratégique, alerte Zenika, qui accompagne de grands acteurs du secteur.

Le retail media s'impose progressivement comme un pilier incontournable de la publicité numérique. Selon les estimations, le marché mondial pèsera 125 milliards de dollars en 2025, dont 11 milliards en France. Une manne qui attire aussi bien les pure players que les distributeurs traditionnels. Mais si les premiers se sont engouffrés dans la brèche, les seconds accusent un certain retard. "La question n'est pas de savoir s'il y a du potentiel, mais si les retailers sont prêts, technologiquement et d'un point de vue organisationnelle", observe Lucie Pruvost, Directrice de l'agence Zenika à Lille.
Zenika, un acteur au coeur du retail
Fondée il y a près de vingt ans, Zenika est une ESN française présente dans une douzaine de régions et dans trois pays à l'international (Singapour, Canada, Maroc). Spécialisée dans le développement logiciel, les infrastructures et la data, l'entreprise travaille avec de nombreux secteurs, dont le retail, qui représente une part importante de son activité. "Sur l'agence de Lille, près de 90 % de nos projets concernent des clients retail", précise Lucie Pruvost, citant des références telles que Decathlon, Auchan, Boulanger, Leroy Merlin ou encore Carrefour.
Les pure players en avance
Pour certains acteurs, comme ManoMano, le retail media est déjà une source majeure de revenus supplémentaires. "Chez eux, cela représente plus de 30 millions d'euros de chiffre d'affaires", souligne Lucie Pruvost. Une avance qui s'explique par une maturité technologique plus grande : infrastructures adaptées, maîtrise de la donnée et organisation interne tournée vers l'innovation. À l'inverse, les distributeurs traditionnels doivent composer avec des systèmes vieillissants, des données éparpillées et des structures en silos. "Si les données ne sont pas propres ni exploitables en temps réel, le retail media devient inefficace. Beaucoup d'acteurs historiques peinent encore à franchir ce cap", insiste Laurent Tardif, CTO France de Zenika.
Des freins structurels
Le retard des géants de la distribution ne s'explique pas uniquement par des difficultés techniques. Il tient aussi à des choix stratégiques. Ainsi, certains groupes comme Decathlon ont longtemps privilégié leur stratégie de marque propre, reléguant le retail media au second plan. D'autres préfèrent concentrer leurs efforts sur la fidélisation plutôt que sur de nouveaux relais de croissance. "Parmi nos clients, nous voyons d'autres priorités : supply chain, sécurité, personnalisation des parcours, consommation responsable. Autant de sujets pressants qui repoussent le retail media au second plan", analyse Lucie Pruvost.
Une inertie coûteuse ?
Pourtant, la pression concurrentielle rend le statu quo risqué. Les marques et annonceurs, en quête d'efficacité publicitaire, privilégient déjà les enseignes capables de fournir des données fiables et segmentées. "Si Leclerc est capable de piloter finement les campagnes et Carrefour non, les annonceurs iront chez Leclerc. Et par effet domino, les retardataires devront réagir", avertit Laurent Tardif. Ce phénomène d'émulation sectorielle pourrait accélérer le virage. L'exemple du bricolage est parlant : lorsque ManoMano s'est imposé, Leroy Merlin et d'autres acteurs se sont rapidement adaptés.
Un enjeu de culture et d'organisation
Au-delà de la technique, la difficulté réside dans la perception même de l'IT au sein des enseignes. "Beaucoup considèrent encore l'informatique comme un centre de coûts, alors qu'elle peut devenir un centre de profit", déplore Laurent Tardif. Pour lui, l'équation est claire : "On ne bâtit pas une stratégie retail media solide en trois semaines. Il faut plusieurs années pour structurer, nettoyer et exploiter correctement la donnée. C'est un chantier de fond, qui suppose de revoir les pratiques, d'adapter les infrastructures et de casser les silos organisationnels.
L'effet domino attendu à l'horizon 2030 ?
Quand peut-on espérer un véritable basculement ? Pour les experts de Zenika, le calendrier est encore flou. Mais l'échéance de 2030 revient souvent. "Certains acteurs comme Veepee en font déjà, mais de façon artisanale. D'ici quelques années, ils auront sans doute automatisé leurs offres et gagné en puissance. Le mouvement pourrait se propager par secteur, selon un effet domino", projette Lucie Pruvost. Un scénario crédible, à condition que les distributeurs acceptent de revoir leurs priorités et de considérer l'IT comme un levier stratégique.
Le nerf de la guerre : le ROI
Enfin, la lenteur actuelle s'explique aussi par des attentes fortes des directions générales. "Elles réclament des visions avec des ROI à la clé. Or, le retail media reste perçu comme incertain en termes de retour sur investissement », souligne Lucie Pruvost. Un biais qui rappelle la manière dont certains distributeurs considéraient autrefois la relation client : comme un centre de coût plutôt qu'un outil de fidélisation. Le parallèle n'échappe pas à Laurent Tardif qui conclut : "Il faut changer cette pensée. À terme, le retail media deviendra un levier incontournable de revenus supplémentaires".
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