Budget 2026 : Bayrou propose une taxe sur "les petits colis"
Le 15 juillet, François Bayrou a présenté son projet de "taxe sur les petits colis" pour le budget 2026, visant à protéger les commerces et producteurs français de la concurrence déloyale. Pourrait-elle être efficace ?

François Bayrou propose une nouvelle taxe sur "les petits colis" pour défendre les commerçants français. Ce concept n'est pas inédit. En 2024, 4,6 milliards de colis de moins de 150 euros ont pénétré l'Europe, 91 % venant de Chine, et 1,5 million en France. Devant cette invasion de colis et dans le contexte de guerre commerciale initiée par le président américain actuel, le gouvernement avait déjà réagi en avril.
"Frais de gestion"
Fin avril 2025, Éric Lombard, ministre de l'Économie avait annoncé plusieurs mesures pour instaurer "davantage de justice dans le commerce en ligne". Parmi celles-ci : augmentation des contrôles douaniers, tests de conformité des produits, lutte accrue contre la fraude à la TVA. et publication élargie des résultats sur des plateformes comme RappelConso. Un mécanisme européen de "frais de gestion" par colis avait également été envisagé pour 2026, afin de faire contribuer les plateformes étrangères au financement de ces contrôles. La Commission européenne travaille déjà sur une taxe de 2 euros par colis d'ici à 2026.
Une taxe jugée insuffisante, tant sur le montant que sur le calendrier
Dès avril, cette proposition de taxe avait suscité le mécontentement de nombreux acteurs des différentes fédérations. Yann Rivoallan, président de la Fédération française du prêt-à-porter féminin, déclarait à E-commerce Magazine : "Concrètement, on parle de 2 euros sur les colis et 50 centimes sur les produits, soit une taxe de 4,5 euros sur un colis de 50 euros. Ces propositions ne sont que des mesurettes, un coup de com' allant même dans la mauvaise direction : désormais, ils peuvent légitimer leur existence en disant "regardez, nous payons une taxe", alors que la concurrence reste totalement déloyale."
Bernard Cherqui, président de l'Alliance du Commerce, rappelait quant à lui l'urgence d'agir dès 2025 : "À ce rythme, dans un délai très court, nous ne reconnaîtrons plus le commerce tel que nous l'avons connu jusque-là. Nous risquons de voir disparaître le commerce." et rappelait le contexte de guerre commerciale dans lequel l'Europe se situe : "Depuis mi-avril, les plateformes chinoises ont transféré 40 % de leurs investissements publicitaires des États-Unis vers l'Europe, et les résultats sont déjà visibles. Selon Ikom, une agence de webmarketing, les taux d'impression ont augmenté de 37 % en moyenne pour Shein et Temu, avec des pics dépassant les 100 % dans les secteurs de la mode et de la décoration, depuis les annonces du président Trump sur les nouveaux droits de douane."
Un manque d'audace politique ?
La mise en oeuvre d'une telle taxe soulève de nombreuses questions, tant pour les entreprises du secteur de la distribution que pour les consommateurs. Pour les plateformes de commerce en ligne internationales, cela pourrait entraîner une hausse des coûts, potentiellement répercutée sur le prix final des produits. Une évolution qui risque d'amoindrir l'attractivité des offres à bas prix - leur principal atout concurrentiel. François Bayrou affirme vouloir, à travers cette mesure, encourager un "changement dans nos modes de consommation", en favorisant "les circuits courts et les commerces de proximitél". De son côté, Éric Lombard renvoyait en avril dernier la responsabilité aux consommateurs : "Je veux alerter les consommateurs : c'est à eux de choisir les produits qui respectent l'éthique, la planète et les finances publiques."
Une position jugée peu réaliste en temps d'inflation, et révélatrice d'un manque de conscience des mécanismes utilisés par ces plateformes. Yann Rivoallan rappelle : "Ces plateformes déclenchent des addictions, avec leurs prix ridicules, leur surinvestissement publicitaire, leur capacité à nous faire passer des heures sur leurs sites... Elles nous enferment dans des bulles cognitives. C'est le devoir de l'État de nous protéger, de protéger notre économie et nos emplois." Ghassan Paul Yacoub, professeur associé à l'EDHEC, explique en détails : "Contrairement aux e-commerces traditionnels européens, ces plateformes ont été conçues comme des outils technologiques avant d'être des commerces. [...] Leur but n'est pas seulement de provoquer un achat immédiat, mais de créer une forme d'addiction sur le long terme. Temu, par exemple, s'inspire des mécanismes des jeux d'argent pour capter l'attention."
D'autres mesures en discussion
La ministre du Commerce et des PME, Véronique Louwagie, a récemment renouvelé son soutien aux commerçants français. Le 3 juillet, lors d'un événement organisé par l'Alliance du Commerce, elle a annoncé vouloir aller plus loin pour contrer cette concurrence déloyale. Parmi les pistes évoquées : le déréférencement de ces plateformes, et la révision de l'exemption de droits de douane sur les colis d'une valeur inférieure à 150 euros.
Par ailleurs, la loi anti-fast fashion votée au Sénat en juin pourrait jouer un rôle majeur, en interdisant notamment la publicité pour ces acteurs. Comme le rappell Bernard Cherqui : " Face à ces plateformes asiatiques dont le dumping économique n'est plus à prouver, il ne s'agit pas de réaliser un sprint mais bien d'entamer un marathon pour la survie de nos commerces." Ghassan Paul Yacoub nous rappelle quant à lui : "Contrairement aux e-commerces traditionnels en Europe, ces plateformes ont été conçues comme des outils technologiques avant d'être des commerces. C'est un autre jeu, avec d'autres règles. "
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