Recherche

À propos de la taxe sur les colis chinois, Yann Rivoallan dénonce "des mesurettes" : "On s'excuse presque de leur faire payer quelque chose"

Face aux annonces du gouvernement proposant de faire payer par les plateformes "des frais de gestion" de "quelques euros" pour les petits colis en provenance de Chine, Yann Rivoallan, président de la Fédération française du prêt-à-porter féminin, réagit face à ce qu'il nomme des "mesurettes".

Publié par Elsa Guerin le | mis à jour à
Lecture
4 min
  • Imprimer
À propos de la taxe sur les colis chinois, Yann Rivoallan dénonce 'des mesurettes' :  'On s'excuse presque de leur faire payer quelque chose'
Getting your Trinity Audio player ready...

La France propose d'instaurer des "frais de gestion" sur les petits colis entrant en Europe à partir de 2026, afin de financer des contrôles renforcés, avec un montant de "quelques euros" par colis, selon la ministre Amélie de Montchalin. Quel est votre regard sur ces propositions ?

Toutes ces mesures sont insuffisantes et décevantes. Elles ne font que démontrer le manque d'audace du gouvernement : ils mettent en place une taxe, mais pas trop importante, juste de quoi payer les douaniers. La problématique, c'est qu'aux États-Unis, ils taxent dès vendredi ces plateformes trois fois plus. Une taxe de 100 dollars va être mise sur chacun de ces colis. Sachant qu'un colis vaut en général autour de 50 dollars, cela va stopper définitivement toutes ces plateformes. De notre côté, on s'excuse presque de mettre en place une petite taxe. Concrètement, on parle de 2 euros sur les colis et 50 centimes sur les produits, donc une taxe de 4,5 euros sur un colis de 50 euros. Une somme complètement risible. Shein a fait 3 milliards d'euros en France l'année dernière -et je suis convaincu qu'ils déclarent bien moins que ce qu'ils réalisent réellement. Ces propositions ne sont que des "mesurettes", un coup de com', qui va même dans la mauvaise direction, car désormais ils peuvent légitimer leur existence en disant : "Regardez, nous payons une taxe", alors que la concurrence reste totalement déloyale.

Que faudrait-il selon vous ?

On devrait les taxer a minima à la TVA, à la taxe sur les produits importés que nous avons sur les textiles - or, aucune de ces taxes ne s'applique actuellement.

Si nous voulions vraiment stopper ces plateformes, nous le pourrions. Il suffirait que la DGCCRF agisse. C'est très simple : ces plateforme proposent des promotions immédiates sur certains produits alors que, normalement, les stocks doivent atteindre 30 % avant toute remise. N'importe quel autre commerce serait fermé dans ces conditions.

Le gouvernement met beaucoup l'accent sur la responsabilité des consommateurs...

C'est le pire des angles qu'on puisse prendre. C'est une politique de la lâcheté, si je peux me permettre : puisque nous ne sommes pas compétents pour réguler ce phénomène, on estime que c'est au consommateur de se responsabiliser. Mais ce n'est pas à lui de se dire que ce sont des contrefaçons, des produits toxiques pour sa santé et pour la planète, que ces plateformes mettent en place un système de concurrence déloyale.

Est-ce qu'on reproche à un alcoolique de boire ? Est-ce qu'on reproche à un fumeur de fumer ? Non. Ces plateformes déclenchent des addictions, avec leurs prix ridicules, leur capacité à surinvestir en publicité, à nous faire passer des heures sur leurs sites... Elles nous enferment dans des bulles cognitives. C'est au devoir de l'État de nous protéger, de protéger notre économie et nos emplois.

La loi anti-fast fashion pourrait-elle changer la donne ?

C'est incompréhensible qu'elle ne soit même pas mentionnée dans ces mesures. Nous avons là une loi qui permettrait d'agir fortement, d'être leader en Europe sur ces sujets.

Reprenons les mesures qu'elle contient : d'abord, l'interdiction de la publicité - si on stoppe la publicité, on coupe le carburant de ces plateformes, donc leur croissance. Ensuite, un système de bonus-malus basé sur l'affichage environnemental : un malus que devront payer ces plateformes, car leurs produits sont de faible qualité, et un bonus pour aider les marques françaises à recycler.
On pourrait bloquer ces plateformes, mais on n'a pas l'audace de le faire. On se contente de leur demander 5 euros quand les États-Unis en demandent 100.

Doit-on y lire une volonté politique de ne pas agir ?

Je ne sais pas si c'est un manque de compétence ou une véritable volonté politique. Mais en tout cas, oui, c'est complètement inconscient.

Sur le même thème

Voir tous les articles Interview

Livres Blancs

Voir tous les livres blancs

Vos prochains événements

Voir tous les événements

Voir tous les événements

S'abonner
au magazine
Se connecter
Retour haut de page