[Tribune] Suppression du géoblocage des sites e-commerce: une opportunité plus qu'une menace
La levée du géoblocage dans l'Union européenne constitue une chance pour les e-commerçants d'étendre leur marché au-delà de leurs frontières, selon Anne-Marie Schwab, DG France de RetailMeNot.
Je m'abonneMardi 25 avril dernier, l'Union Européenne s'est prononcée en faveur de la suppression du géoblocage sur Internet dans son objectif pour établir un marché unique en ligne. L'adoption de cette mesure a fait naître des débats controversés auprès des commerçants et e-commerçants. Une récente enquête de la Fevad a même indiqué que seuls 4% des professionnels de la vente en ligne, pensent que cette interdiction sera favorable à l'e-commerce, alors que 10% estiment qu'elle aura des impacts négatifs.
On peut facilement imaginer les raisons d'un tel positionnement (bien que l'on constate que l'immense majorité des e-commerçants ne se sont pas positionnés sur la question): l'ouverture complète des marchés va également augmenter considérablement la concurrence, et les réglementations n'étant pas toute harmonisées en matière de taxes et coût du travail, ladite concurrence peut paraître déloyale pour un certain nombre de pays.
Néanmoins, il faut voir cela d'un autre oeil et comprendre que l'internationalisation du retail ne date pas d'aujourd'hui. Elle est déjà réelle et a largement transformé la demande des consommateurs, qui se sont habitués à pouvoir s'approvisionner dans le monde entier. La suppression du géoblocage permettra ainsi à tous les e-commerçants d'en profiter, à condition, bien sûr, qu'ils adaptent leur stratégie commerciale.
Le protectionnisme ne rend pas les enseignes plus compétitives
Aujourd'hui, il est difficile de comprendre ces quelques règles protectionnistes qui, en fonction de la géolocalisation du consommateur, lui donnent accès, ou non, à un produit ou, tout du moins, à des tarifs intéressants. La concurrence internationale existe déjà, avec notamment les marketplaces internationales, comme Amazon.
La suppression du géoblocage est une opportunité pour les e-commerçants, et non pas une menace. Cette mesure devrait permettre d'accroître les échanges transfrontaliers en ne redirigeant plus les internautes vers leur site local sans leur consentement. Avec l'arrivée des nouveaux modes de consommation, la facilité avec laquelle les consommateurs peuvent naviguer d'un site à un autre en comparant les offres partout dans le monde oblige les retailers à s'adapter à la demande, et non l'inverse. Aujourd'hui, les entraves à l'internationalisation sont perçues comme des freins à la consommation pour les acheteurs, qui ne se redirigeront pas toujours vers le site local, mais abandonneront leur achat.
Un réel potentiel de croissance
Si cette mesure favorisera les consommateurs qui pourront obtenir les meilleures offres disponibles sur un marché plus vaste, les enseignes ont également tout à gagner à anticiper ce changement et à faire en sorte qu'il devienne une opportunité considérable.
Selon les résultats de la dernière étude RetailMeNot, en 2016, 16,3% du montant global des ventes en lignes enregistrées en Europe avaient été réalisés sur un site étranger. Ce chiffre est en croissance par rapport à 2015 et les nouvelles mesures prises par l'Union européenne devraient permettre de le revoir à la hausse pour les années à venir.
Cette augmentation est une bonne nouvelle pour deux raisons: d'une part, elle témoigne de la croissance des ventes dans l'e-commerce de manière générale, ce qui témoigne d'un marché dynamique. D'autre part, parce que cela offre aux commerçants qui parviendront à internationaliser leur stratégie commerciale et leurs moyens l'opportunité de décupler leur potentiel de vente.
En effet, si les vendeurs sont confrontés à une nouvelle concurrence des marchands internationaux dans leur propre pays, ils ont également la possibilité de toucher de nouvelles cibles en dehors de leur territoire. Les ventes transfrontalières favorisent ainsi une plus grande diversité d'acheteurs. Plus qu'une menace, les échanges transfrontaliers doivent être perçus comme des opportunités pour les commerçants d'étendre leur marché.
Adapter sa stratégie de vente en ligne et à l'international
Il faut rappeler que le géoblocage est loin d'être la seule entrave à l'e-commerce transfrontalier. La nouvelle règlementation européenne va ainsi favoriser la croissance de l'e-commerce, et les e-commerçants ont donc tout intérêt à localiser leurs sites et à développer des stratégies commerciales glocales pour améliorer leur compétitivité.
La logistique reste le principal frein aux échanges et les e-commerçants européens ont tout intérêt à déployer les services et la logistique favorisant les livraisons à l'international de manière à décupler leur potentiel de vente. En effet, par exemple, la livraison et la gestion des retours à l'étranger, pour qu'elles puissent être économiques et rentables à la fois pour le commerçant et le consommateur, nécessitent d'être réfléchies et assouplies. Cela peut bien sûr s'illustrer par une transformation complète du modèle de vente, mais peut d'abord commencer par la mise en place de pratiques commerciales cohérentes.
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Le marché étant plus vaste, la concurrence l'est aussi, d'où l'intérêt pour le commerçant d'être plus tactique, et d'adopter une stratégie commerciale qui augmente l'attractivité de son offre. Cela peut passer par exemple par le déploiement de stratégies autour du cash-back ou d'offres de promotion digitale. Aujourd'hui, les services transforment également la manière dont les consommateurs interagissent avec les enseignes qui font de plus en plus d'efforts pour optimiser les moyens de paiement où les modes de livraison. Cette stratégie peut s'avérer faire la différence pour transformer une visite en acte d'achat.
Tout est une question de point de vue, mais il sera difficile de freiner l'internationalisation de l'e-commerce bien longtemps, les enseignes ont donc tout intérêt à rapidement prendre le rythme.