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"Le retail a acquis une dimension sociétale", Dominique Desmons

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'Le retail a acquis une dimension sociétale', Dominique Desmons

Le design du retail joue un rôle clé dans le parcours d'achat du consommateur. Devenus de nouveaux lieux d'expériences, les commerces doivent se renouveler à un rythme effréné.État des lieux avec Dominique Desmons, directeur de création du pôle architecture et retail de l'agence Lonsdale.

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Quels sont les grands enjeux actuels du retail?

Il y a des enjeux sociétaux, voire politiques. Les attentes des Français ont changé. Consommer plus pour avoir plus n'est plus dans l'air du temps, et le retail a un rôle à jouer dans la prise en compte du consommateur en tant que citoyen. Aujourd'hui, l'enjeu est de répondre à une injonction du consommateur, qui veut consommer moins mais mieux. Grâce aux lieux que nous aménageons, nous devons être en phase avec les valeurs de la marque et ce qu'elle propose. La gestion du stock, le recyclage, l'écologie (respect des matériaux et de l'environnement) sont des sujets à part entière. Le retail doit englober tout le process de fabrication d'un produit, y compris l'acheminement, et pas seulement la vente et l'exposition en magasin ou sur le Web. La palette du retail s'élargit à d'autres éléments comme la nature du logo, l'attitude du personnel, les rituels d'accueil... Le storytelling du retail est protéiforme. Mais il faut une cohésion globale forte et pertinente. Le retail sert à définir un territoire clairement identifiable issu de l'ADN de la marque et à reconnecter celle-ci avec ses vraies valeurs.

Comment faire pour traduire une identité de marque en magasin?

C'est la marque et ses valeurs qui nourrissent notre réflexion pour faire émerger une expérience unique à travers un lieu. Notre travail consiste à analyser ce que l'espace renvoie. Pour cela, nous intégrons les qualificatifs de la marque, mais nous jouons aussi avec les perspectives, les proportions, la lumière, les couleurs... Notre objectif est de créer des personnalités de marque qui perdurent. Beaucoup de marques émergent et disparaissent aussitôt.

Quelles interconnexions imaginez-vous entre boutiques en ligne et points de vente physiques?

Le Web et les magasins ont longtemps été perçus comme des concurrents pour une même marque. On opposait trop souvent le chiffre d'affaires du digital à celui du retail pour décider des stratégies à mettre en place. La tendance est maintenant plutôt à l'ouverture de boutiques par les pure players à la recherche d'une relation plus complète avec les consommateurs. Il est essentiel de ne pas rompre le fil de la relation, en jouant sur le rôle de chaque canal de vente. Sur le Web, les clients apprécient la profondeur de gamme des produits et la personnalisation. En boutique, ils viennent s'imprégner de l'état d'esprit de la marque. La présence du digital en boutique doit rester discrète. C'est utile en magasin pour imaginer de nouvelles formes d'accueil ou d'encaissement.

Au-delà de l'expérience shopping, que doivent proposer les marques aux consommateurs?

Même si la considération sur Internet a fortement progressé dans l'e-commerce, les consommateurs viennent en boutique pour mieux comprendre les produits et créer un lien avec la marque. C'est le cas d'Apple, par exemple. Mais pour ces marques implantées aux quatre coins de la planète, il faut s'adapter à la zone de chalandise. En effet, on ne vend pas le même produit à Tokyo, Paris, Londres ou encore New York. Ce ne sont pas les mêmes typologies de consommation, pas les mêmes publics non plus. Des enseignes comme Zara ou Ralph Lauren, qui imposaient des standards identiques partout dans le monde, ont dû changer leur politique. Les marques doivent tenir compte des lieux où elles s'implantent, en instaurant un discours plus sensible à l'environnement. La standardisation a laissé place à la personnalisation.

Dorénavant, les gens ont envie d'être considérés pour ce qu'ils sont. Par ailleurs, comme je le disais, ils consomment moins mais mieux. La dimension éthique est observée par les clients. Et nous l'intégrons dans nos projets retail quand nous construisons un espace commercial. On ne repart pas de zéro. On s'appuie sur l'environnement déjà présent en capitalisant sur l'actif.

Quelles sont les tendances émergentes dans le secteur du "new retail"?

Le retail a acquis une dimension sociétale. Le 'retailtainment', mélange de retail (commerce) et d'entertainment (divertissement), est aujourd'hui une tendance de fond. En Asie, les magasins physiques font vivre des expériences très fortes aux consommateurs. Aux États-Unis, les centres commerciaux ressemblent à des centres d'attractions avec des manèges, des jeux. Ce sont des lieux de vie, où l'on vient se distraire avant même de consommer. L'aspect ludique est très intéressant pour concevoir de nouvelles attentions auprès du consommateur. L'avènement des tiers lieux est aussi un phénomène à prendre en considération dans le retail, en apportant davantage de souplesse dans l'utilisation des espaces. Nous travaillons également sur la notion de "simplexité", c'est-à-dire la capacité à apporter des réponses simples à des problèmes complexes. Face à une offre pléthorique, le magasin de demain devra affirmer ses valeurs, grâce à un positionnement clair, et prendre le risque de ne s'adresser qu'à une seule typologie de clients.

Quelles enseignes constituent, selon vous, des références en termes de retail?

L'innovation est parfois très simple. Quand Hermès crée un lavomatic pour teindre et redonner une seconde vie aux foulards, ou quand H&M imagine des ateliers de couture ou de réparation et de customisation des vêtements, cela n'a rien de révolutionnaire, mais c'est fun et rafraîchissant. Le nouveau Eataly dans le Marais, à Paris, est un lieu innovant en tant que concept store dédié à la restauration. Cela répond à de nouvelles attentes des consommateurs.

Y a-t-il des secteurs d'activité plus en pointe que d'autres?

J'ai beaucoup travaillé dans la cosmétique, un secteur très proche de l'humain, voire intime. Cela m'a permis de comprendre que l'expérience architecturale doit être au bénéfice de l'émotion que l'on souhaite créer. Et cela quel que soit l'espace. En hypermarché comme en boutique.

Vous avez travaillé à Hong Kong. À quoi ressemble le commerce chinois?

La culture anglo-saxonne est très forte en Chine. Il règne une culture de l'efficacité omniprésente. Dans un tel contexte, le retail se réinvente beaucoup. Les baux commerciaux obligent les marques à changer de concept tous les trois ans. Le rythme impose de la nouveauté et du mouvement en permanence en ce qui concerne le commerce. La fluidité du parcours client, les matériaux et les formes, le bien-être dans les espaces se trouvent au coeur des projets chinois. Leur philosophie, c'est l'humain au centre. Ce que la France avait éclipsé au cours des dernières années, en focalisant tout sur la marque et le produit. Désormais, les enseignes se concentrent à nouveau sur la qualité de leur relation avec le consommateur.

Y a-t-il des projets pour lesquels vous faites appel à la co-création?

Oui. Toutes les marques ont besoin de renouer le contact avec les consommateurs et de mieux comprendre leurs attentes. C'est la raison pour laquelle nous organisons des ateliers de co-création. Cela nous permet de tester des pré-concepts ou simplement de recueillir les réactions des consommateurs, mais aussi leurs envies en termes d'émotion et d'engagement, afin de les traduire ensuite en architecture.

Quel rôle vont jouer les nouvelles technologies et l'intelligence artificielle en boutique?

La technologie en point de vente nous aide à analyser le flux des consommateurs et à savoir où leur regard se pose, à décrypter leur humeur... Mais la technologie, c'est encore des miroirs intelligents, capables d'analyser la nature d'une peau, utile en cosmétique. Plus accessoirement, le robot Pepper est également pratique pour créer une approche ludique, via une interface sympathique qui peut parler jusqu'à 25 langues.

Son parcours


Diplômé de l'école Boulle en architecture intérieure et de l'École nationale des arts décoratifs de Paris en design Industriel.
1994 Il rejoint Studio Pantheon II à Hong Kong pour gérer des projets retail.
2000 Il fonde l'agence de design global Western Design.
2012 Il rejoint l'agence Lonsdale comme associé pour développer l'activité retail et premium.



 
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