Casino, à la croisée des chemins : Kretinsky/Fimalac ou InVivo/Les Mousquetaires?
Casino est un groupe endetté : 6,4 Md€ (dont 4,5 Md€ pour la France). Sa survie passe par une mue radicale. Deux scenarii s'offrent à lui : soit une offre de recapitalisation non sollicitée de la part du tandem Daniel Kretinsky/Marc Ladreit de Lacharrière, soit la création d'un nouvel ensemble avec Le Groupement les Mousquetaires/Teract (groupe InVivo).
Je m'abonneUne cour de prétendants sont prêts à faire le siège de la grande enseigne Casino. Avec 316 millions d'euros de perte en 2022 et une dette de 6,4 milliards d'euros à l'échelle du groupe le « flagship » de Rallye, holding actionnaire majoritaire à 52,3 % contrôlée par Jean-Charles Naouri, vit un moment charnière de son histoire où il doit choisir entre deux portes de sortie, l'une industrielle et l'autre plus financière.
Le scénario industriel déboucherait sur la création d'un nouvel ensemble à constituer entre le groupe Casino et Teract, issue du rapprochement opéré l'an passé entre le Spac (special purpose acquisition company) 2MX Organic de Xavier Niel, Moez-Alexandre Zouari et Matthieu Pigasse avec InVivo Retail, branche distribution de la coopérative agricole InVivo propriétaire de Gamm Vert et Jardiland.
Maillage de magasins renforcé et montée en gamme sur le frais pour les Mousquetaires
Le Groupement Les Mousquetaires et le groupe Casino ont déjà des partenariats dans le domaine des achats depuis 2021 via Auxo Achats Alimentaires et Auxo Achats Non Alimentaires, Auxo Achats Non Marchands ayant été créée en 2022. Ces alliances pourraient être prolongées jusqu'en 2028. En étroitisant ses relations avec Casino, le Groupement Les Mousquetaires (48,93 Mrds € de chiffre d'affaires 2022, carburant compris), propriétaire de l'enseigne Intermarché, pourrait voir tomber dans son escarcelle un ensemble de points de vente issus du périmètre Casino France représentant au minimum 1,1 Md€ de chiffre d'affaires TTC. Par ailleurs, les Mousquetaires pourrait s'appuyer sur Teract Ferme France, une centrale d'achats à créer et qui serait chargée d'alimenter les magasins du futur ensemble (environ 11 000 points de vente dont 9 100 pour Casino) en produits frais grâce aux relais d'InVivo dans le monde agricole, et ce en privilégiant les circuits courts. La plateforme d'achats serait pilotée par InVivo.
Une recomposition du paysage des hypers à terme
Le changement de comportement des consommateurs qui cherchent le prix en raison de la crise, favorise la consolidation de la grande distribution. S'y ajoute une nécessaire mue du modèle traditionnel de l'hyper. « Il faut réinventer Casino. », déclarait récemment dans les médias Thierry Blandinières, directeur général d'InVivo. Gageons qu'une fois dans la place, le groupe agricole ne s'arrêtera pas là. Le projet reste néanmoins conditionné à la conclusion d'un accord engageant entre les parties qui pourrait intervenir avant la fin du second trimestre 2023.
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Un basculement du contrôle actionnarial à venir pour Casino ?
L'autre possibilité qui s'offre à Casino, c'est celle de la recapitalisation, portée par le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky, déjà actionnaire à hauteur de 10 % de l'enseigne via son holding Vesa Equity Investment. Il est aussi devenu le premier actionnaire de Fnac Darty fin mars. Il s'est allié à Marc Ladreit de Lacharrière, dont la holding Fimalac, qui détient 2,6 % du capital de Casino, avait accordé un prêt de 215 millions d'euros en mars 2020 à Rallye pour boucler son refinancement. À l'époque, Rallye sortait à peine de son plan de sauvegarde.
D. Kretinsky est aussi présent en Grande-Bretagne via sa participation dans Sainsbury's, grande enseigne forte de plus de 1 400 supermarchés et magasins de proximité outre-Manche et propriétaire d'Argos, l'un des principaux retailers connectés du Royaume-Uni. Allié à Marc Ladreit de Lacharrière, il propose à Jean-Charles Naouri une offre non sollicitée d'augmentation de capital de 1,1 milliard d'euros, dont 150 millions d'euros d'argent frais apportés par Fimalac.
Aujourd'hui, Jean-Charles Naouri est majoritaire avec 51 % du capital détenu via Rallye. Si l'opération se faisait, Rallye serait dilué et le contrôle passerait potentiellement au binôme D. Kretinsky (40 %) et M. Ladreit de Lacharrière (15 %). Agé de 74 ans, Jean-Charles Naouri a été reconduit l'an dernier pour trois ans à la tête de Casino lors de l'assemblée générale des actionnaires du groupe. Lors de cette même AG, sa rémunération fixe annuelle a été portée à 825 000 euros, après avoir été de 480 000 euros bruts entre 2013 et 2021.