[Interview] Emmanuelle Stioui: "Le mobile joue un rôle d'accélérateur de décision"
Les retailers français ont compris les enjeux mobiles mais ne sont pas tous "mûrs" d'un point de vue opérationnel. C'est l'une des conclusions d'Emmanuelle Stioui, coauteur de l'ouvage "M-commerce, construire et piloter sa stratégie commerciale sur mobile", disponible le 12 octobre en librairie.
Je m'abonneLes e-commerçants qui négligent ce canal encourent les mêmes risques que les commerçants qui ne se sont pas adaptés à la révolution internet, il y a 15 ans. Aujourd'hui, le commerce mobile est en passe de devenir un pré-requis indispensable et un levier incontournable de croissance de ventes incrémentales . Les entreprises françaises sont conscientes de cet impératif, mais elles ne sont pas encore mûres d'un point de vue opérationnel.
- Vous affirmez, dans la première partie de votre ouvrage: "Alors que les appareils mobiles captent 59% du temps passé des acheteurs en ligne contre 41% pour les ordinateurs, le commerce mobile au sens strict ne représente que 15% des dépenses du commerce digital total." Quelles sont les raisons de ces résultats?
La structure du tunnel de conversion demeure identique, mais le mobile joue un rôle d'accélérateur à chaque étape (pour convaincre, obtenir la préférence, lors de l'achat, du recueil de la satisfaction ou de l'insatisfaction, du retargeting). Le smartphone, constamment dans la poche du consommateur, améliore le taux de réaction aux offres grâce au développement d'un marketing mobile géolocalisé et contextualisé: le client mobinaute mieux ciblé est ainsi plus sensible à des offres personnalisées reçues au moment-clé. En revanche, le taux de conversion sur mobile n'est pas supérieur à celui du desktop, en raison de deux types d'obstacles: un frein psychologique, lié à la sécurité du paiement mobile, et un frein physique, dû aux éventuels problèmes de connexion que peut encore rencontrer le consommateur durant le parcours d'achat.
Pour lever ces freins, les m-commerçants doivent faire preuve de pédagogie et expliquer notamment aux utilisateurs qu'ils n'ont pas accès aux données bancaires lors d'un paiement mobile. En parallèle, ils doivent optimiser l'expérience utilisateur, grâce à un parcours d'achat simple et pratique. Séquencer les étapes est essentiel pour analyser et améliorer les taux de conversion.
- Comment choisir entre application et site mobile? Faut-il choisir?
Cela dépend principalement de l'objectif poursuivi par la marque. Néanmoins, il semble aujourd'hui impératif d'allier site mobile et application. Le site mobile se situe plutôt en amont du tunnel d'achat et permet de fédérer du trafic. Les internautes y accèdent soit via un mot-clé dans le moteur de recherche mobile, soit en tapant directement par l'URL du site mobile. Sur ce canal, il importe de présenter son offre avec clarté. L'application mobile, en complément, s'adresse à un public de clients, qui ont effectué une démarche proactive (ils ont téléchargé l'appli) et dont la marque ou le marchand a gagné la préférence, puisque seulement dix applications sont utilisées sur 30 installées. Elle constitue avant tout un outil de fidélisation et de CRM.
Ce qui prime n'est pas tant la présence sur ces deux canaux que le bon usage de chacun de ces services mobiles.
- Quelles sont les erreurs à éviter lors de la conception d'un site mobile ou d'une application marchande ?
Avant tout, il est crucial de ne pas décliner le site mobile ou l'application du site web. Dans "décliner", il y a le mot "déclin". Au lieu de répliquer, il faut repenser la navigation. De la même façon, quand un e-marchand conçoit son application, il faut oublier son site mobile. Ces canaux doivent être pensés "mobile first" et se démarquer par leur simplicité d'utilisation et leur rapidité de téléchargement. Le contexte d'utilisation du smartphone (en mobilité et concomitant à d'autres activités) implique que l'aspect technique soit irréprochable, au risque que le mobinaute n'abandonne son panier avant l'achat.
Après des études à l'ESCP, Emmanuelle Stioui débute au département marketing chez Colgate. Elle rejoint ensuite le conseil en stratégie chez Accenture. aujourd'hui, elle est consultante experte en marketing digital et sur la mobilité, sujets qu'elle enseigne à Siences-Po, l'ESCP et l'EDHEC.
Pour aller plus loin:
M-commerce et retail: quelles solutions mobiles pour 2016?