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Salwa Toko milite pour le girl power numérique

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Salwa Toko milite pour le girl power numérique

Salwa Toko a fait du numérique inclusif un combat personnel. À la tête du Conseil national du numérique (CNNum) depuis un an, elle milite pour une meilleure représentation des femmes dans le numérique et plaide pour un rapport plus sain aux technologies. Portrait d'une militante convaincante.

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La sémillante Salwa Toko a l'âme d'une guerrière. Elle embrasse la cause des femmes avec sincérité et enthousiasme. "Féministe? Oui, je le suis. Et alors? Ce n'est pas une insulte!", rétorque-t-elle dans un éclat de rire sonore. La mixité, le brassage culturel, elle en a fait sa religion depuis toujours. D'origine marocaine et béninoise, Salwa Toko, 42 ans, a été élevée au Mali jusqu'à l'âge de 12 ans. Sa famille est métissée et ses ancêtres portent haut leurs convictions. Son grand-père, homme fort politique du Bénin, mort assassiné, sa grand-mère, syrienne catapultée au Maroc qui s'est battue pour les femmes marocaines et ses parents lui ont transmis l'envie de se mettre en danger, de batailler pour défendre des idées.

Mixité culturelle

En Afrique, sa terre natale, elle cultive sur le terrain des valeurs humaines et développe une facilité d'adaptation à tous les milieux et toutes les situations. "Le confort intellectuel ne me satisfait pas. J'ai besoin de challenges et de nouveaux combats pour avancer", affirme-t-elle, souriante. Ainsi, elle commence sa carrière professionnelle par un premier défi. Elle termine ses études de droit et de sciences politiques et entame une carrière dans le privé au Bénin au sein de LC2, télévision privée en Afrique. "Un total hasard...", concède-t-elle. Elle y restera six ans. En parallèle, elle cofonde en 2004 à Dakar, au Sénégal, une école formant aux métiers du Web. "Je ne connaissais rien à l'audiovisuel et rien au numérique, mais j'ai senti que les demandes affluaient autour du digital. Le Sénégal était en train de s'emparer de ce sujet. Je voulais faire partie de l'aventure", explique Salwa Toko. C'est là que prend racine son attrait pour le numérique et les nouvelles technologies. De retour en France en 2009, elle ne reste pas longtemps sans projet.

Femme de terrain

Militante assumée, elle se bat au sein du monde associatif pour aider les personnes en difficulté. En 2010, elle rejoint la fondation Agir contre l'exclusion (FACE) et s'empare des dossiers sur l'égalité homme-femme et sur le décrochage scolaire. "J'ai beaucoup appris et cela a nourri mes propres valeurs humaines", confie-t-elle. La fibre numérique se déploie chez cette jeune femme qui découvre des inégalités fortes sur ce secteur. En 2014, elle fonde au sein de la FACE le projet WI-Filles, en Seine-Saint-Denis, visant à initier des adolescentes au numérique par la formation et le mentorat.

Girl power

Pour aller plus loin, elle décide de créer la même année sa propre association, baptisée Becomtech (#becausegirlscan) et développe le programme "Jump in tech" afin de réduire l'écart entre les filles et les garçons dans le secteur de l'informatique. Grâce à son association, Salwa Toko a donné le goût des sciences de l'informatique et du codage à une centaine de filles. Un joli bilan. Mais le tout numérique n'est pas sans danger. Elle le sait. La fracture numérique n'est pas celle qu'elle s'était imaginée. Là aussi, les inégalités persistent. Elle constate que le domaine des nouvelles technologies reste réservé aux garçons.

"Le numérique est politique, ce n'est pas seulement un outil", Salwa Toko

Salwa Toko défend la sororité dans le monde du digital et s'intéresse au devenir des techniciennes du Web. "Les métiers d'ingénieur, développeur, data scientist ou spécialiste de l'IA sont encore réservés aux hommes. Pourtant, ce sont ces profils qui forgent les technologies nouvelles. Ils sont les architectes du monde de demain, des métiers stratégiques au coeur du pouvoir économique", analyse-t-elle. En 2018, Mounir Mahjoubi, alors secrétaire d'État au numérique, lui confie la présidence du Conseil national du numérique (CNNum). "J'ai accepté ce poste car je voulais continuer à oeuvrer pour le bien commun au plan national et européen", justifie-t-elle.

Dès lors s'ouvre pour cette femme de terrain une carrière plus institutionnelle mais tout aussi engagée. Le Conseil, aux multiples missions empiriques, anime 14 groupes de travail sur des sujets aussi variés que l'économie des plateformes, la surexposition aux écrans, les problématiques environnementales, l'accessibilité de la santé, l'éducation et les femmes. "Nous émettons des avis, conseillons l'État sur les politiques publiques numériques du pays, précise la présidente. Mon objectif est de rendre le Conseil plus visible et plus accessible par les citoyens et impulser une nouvelle façon de travailler pour être au plus près du terrain et des publics."

Parmi les sujets brûlants, citons le respect des droits des travailleurs des plateformes, ou bien la réglementation autour des contenus haineux sur la Toile. Elle trouve dans cette institution un lieu de débat démocratique et d'échanges avec ses pairs, tous experts du numérique. "Salwa a des convictions très fortes. L'égalité des chances est le combat de sa vie. Elle cherche à faire consensus au milieu des fortes personnalités (30 membres d'univers variés) qui composent le Conseil, à créer des plateformes de coalition. C'est une bosseuse, très appréciée de ses équipes. J'ai beaucoup de plaisir à travailler avec elle. Nos rapports sont très qualitatifs", témoigne Gilles Babinet, vice-président du CNNum.

Les revers du numérique

Les dérives du numérique, elle les condamne. Certes, aux débuts d'Internet, il dispose de nombreux atouts. Bienveillant, il facilite les relations humaines au-delà des frontières, il permet d'échanger des connaissances. "Nous n'avons pas vu venir ses dérives dès lors que le capitalisme économique s'y est intéressé. On n'a pas su anticiper. Est-on prêt à sacrifier des vies humaines pour supporter les dérives du Net? Il est temps de refaire le siècle des Lumières et de constituer un collectif pour un bon usage du Web à mi-chemin entre l'éthique et la croissance économique", revendique Salwa Toko.

Et la présidente de prendre l'exemple de ces modérateurs de l'ombre qui doivent nettoyer le Web des images nocives. Un combat de plus à mener pour les jeunes générations. Autre point noir du numérique, l'isolement dans son usage mais aussi dans son accès. Faut-il conserver des zones blanches? Étonnamment, Salwa Toko se pose la question. "Je souhaite que l'on maintienne des lieux de vie où les habitants se rencontrent. Mettre plus d'effort dans une bonne connexion au coeur des villages plutôt que d'abreuver tout le monde. Il ne faut pas déshumaniser les relations", soutient-elle. Prendre le temps de la réflexion est une nécessité souvent oubliée dans l'univers d'Internet. Même si elle se défend de toute ambition carriériste, la force de conviction de Salwa Toko pourrait bien l'orienter vers le monde politique. "La politique me tente. Je commence à y réfléchir de plus en plus. J'ai grandi dans un univers très politisé. Pour l'instant, j'observe. Mais le numérique est politique, c'est une nouvelle forme de philosophie humaine", conclut-elle. En femme de conquête, Salwa Toko a peut-être trouvé là une nouvelle terre d'élection.

Biographie

2000 : Direction d'une chaîne télévisée privée au Bénin.
2004 : Ouverture d'une école au Sénégal formant aux métiers du Web.
2010 : Intégration de l'équipe de la fondation Agir contre l'exclusion à Paris.
2014 : Lancement du programme Wi-Filles.
2014 : Création de l'association Becomteh.
2018 : Nommée présidente du CNum.


 
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