[Tribune] La digitalisation du luxe ou le comble de la personnalisation
Première d'une série de tribunes consacrées aux coulisses de l'e-commerce, cette contribution de Christophe Favresse met en avant la nouvelle relation entre les marques de luxe et le digital, qui n'a pas toujours été synonyme de synergie.
Je m'abonneEntre le luxe et le digital, ce ne fut pas le coup de foudre, mais un amour qui s'est construit sur des preuves, patiemment acquises. En effet, le luxe évoque la rareté, la singularité et l'exclusivité. Il était donc considéré comme parfaitement antagoniste au Web, qui était accessible, par définition, à tous les individus équipés d'une connexion internet.
Un mariage forcé
Aujourd'hui, le digital est au coeur des préoccupations des marques de luxe, qui opèrent leur transformation numérique. Les experts des grandes maisons se sont emparés des réseaux sociaux et de l'e-commerce, qui sont devenus les leviers indispensables à leurs stratégies marketing. On prédisait que luxe et digital ne feraient pas bon ménage... C'était une erreur, car les deux parties ont bien plus de points communs qu'on le pense au premier abord: le luxe, comme le digital, est un espace de création et d'anarchie. Il disrupte, fait voler les codes en éclats, piétine les traditions et se réinvente sans cesse... comme le digital. Ce dernier, en effet, n'est pas qu'ubérisation, troc et petites annonces. Il y a quelque chose de merveilleux dans le numérique, un nouveau monde qui promet des lendemains différents, un espace sans frontières... comme dans le luxe.
Les pionniers
Hermès est souvent cité comme une maison de luxe avant-gardiste dans le Web, puisque la marque à l'étrier a ouvert sa boutique e-commerce en 2002... il y a 15 ans! D'autres enseignes d'exception en ont fait autant, marquant le renouveau d'un monde relativement ancien, celui des vitrines de l'avenue Montaigne, où on reçoit ses clients dans des salons privés... Tiffany, Burberry et Gucci sont ainsi considérées comme pionnières, puisqu'elles font leurs premiers pas en ligne au début du siècle. C'est l'ère de l'e-commerce stricto sensu. Pas de réseaux sociaux, mais uniquement des plateformes qui permettent d'acheter par Internet.
L'ambiance change quelques années après, puisque les internautes dialoguent via Facebook ou Twitter, et les marques ne tardent pas à débarquer sur ces réseaux, afin de mettre en place de véritables stratégies de conversation avec leurs publics. C'est un temps relativement court, d'ailleurs, qui est phagocyté il y a quelques années par l'ère de l'e-marketing: les maisons du luxe placent alors le marketing numérique au coeur de leurs stratégies de vente, tout en gardant leur singularité.
Le marketing numérique est au coeur des stratégies de vente des maisons de luxe.
Chanel n'est pas devenue une marque grand public, sous prétexte qu'elle est maintenant accessible en ligne. En réalité, c'est presque l'inverse qui s'est produit. Les grandes marques de luxe restent ces grandes dames qu'on aperçoit de loin, excepté qu'il est désormais possible de les approcher sur Internet. Mais ne vous y trompez pas, le quidam connecté n'est toujours pas la cible de ces marques. En revanche, Chanel et compagnie ont bien compris ce qu'elles pouvaient tirer de la révolution digitale, et elles se sont emparées des codes et des pratiques numériques, tout en les mettant à leur sauce.
Étude de cas
Le parfumeur de luxe Serge Lutens fait vivre une nouvelle expérience virtuelle à ses clients
Marque de luxe et client digital, une relation intime
Relation client et personnalisation: c'est sur ces deux créneaux que les marques de luxe ont utilisé le mieux les nouveaux outils du digital. En effet, ils leur permettent, mieux que tout ce qui existait auparavant, de comprendre leurs publics, leurs attentes, leurs singularités. L'expérience omnicanal en a été réenchantée, et la relation client densifiée. Cette relation client est en effet un enjeu majeur dans le luxe: la marque doit s'adresser à chacun de ses très chers clients de façon ultra personnelle, presque intime, et c'est pour accéder à ce traitement de faveur que ces derniers déboursent des sommes parfois folles. Ainsi le consommateur de produits de luxe appréciera d'être correctement identifié sur les sites web de ses marques préférées, guidé vers des produits en affinité avec ses envies et ses précédents achats, etc. Car l'expérience d'achat doit être à la hauteur des attentes de cette clientèle spécifique, et enrober le parcours consommateur de petites attentions, dont beaucoup reposent sur la personnalisation.
La vente sur Internet devrait représenter 12% du marché mondial du luxe d'ici à 2020.
Ainsi, le consommateur de produits et de services de luxe appréciera des contenus différenciants, qu'il ne retrouve pas sur les autres sites web. La vidéo est un argument de poids dans cet écosystème, puisqu'elle représente 60% du trafic web. Ce format interactif, qui ne demande aucun effort de lecture, est le plus à même de reproduire l'atmosphère et le climat, uniques, d'une marque de luxe. La vidéo permet en effet une très forte créativité, et dans un monde où la stratégie de contenus est reine, elle est un atout de choix !
Et des atouts, le monde du luxe en a bien besoin, face à des clients très exigeants. Celui qu'on appelle le "nouveau consommateur" veut tout, tout de suite. L'acheteur de produits de luxe a en plus les moyens de ses exigences... Et si certains avaient encore des doutes, l'étude publiée cette semaine par MatchesFashion et l'IFM annonce que la vente sur internet représente 7% du marché mondial du luxe, et devrait passer à 12% d'ici à 2020. Cette proportion serait sans doute encore plus importante si l'offre l'était également. Certaines marques, évoquées plus haut, ont été pionnières sur le sujet, mais d'autres grandes enseignes arrivent encore sur le marché - LVMH doit par exemple lancer un site regroupant plusieurs marques du groupe d'ici l'été.
À suivre, donc!
Pour aller plus loin
La digitalisation des marques dans le secteur du luxe: concrètement, où en est-on?
Biographie
Interlocuteur privilégié des directions e-commerce et marketing en France et à l'international, Christophe Favresse évangélise des solutions logicielles de monétisation auprès des grands comptes du retail, télécom et internet.
En 2014, il reprend la direction commerciale de FACT-Finder et repositionne sur le marché du ecommerce en France l'offre de la filiale de l'éditeur de logiciel allemand Omikron Data Quality GmbH présent sur plus de 1600 sites ecommerce en Europe dont plus de la moitié du top 100 Allemand.
Aujourd'hui, ce sont des retailers et pure players tels que Metro et MisterAuto ou CDM-Allobébé qui leur font confiance pour optimiser la découverte de leur offre produits dans l'accompagnement de leur stratégie digitale omnicanale et de personnalisation de l'expérience client online.