[Paris Retail Week] Les mutations du commerce face à un monde en crises
A l'occasion de la plénière d'ouverture du salon Paris Retail Week, ce mardi 20 septembre, Vincent Mayet, directeur général de Havas Commerce, dévoile les résultats de l'étude 2022 sur le commerce mondial.
Je m'abonneParmi les préoccupations des professionnels du retail, la Covid a été reléguée au second plan. En France, la plupart des mesures sanitaires ont été levées et remplacées par des mesures de soutien contre l'inflation. À ce titre, l'inflation inquiète trois fois plus les professionnels. La Covid 19 est la première cause d'inquiétude pour seulement 16 % des retailers dans le monde. En France, aucun retailer ne classe la Covid comme première source d'inquiétude. Néanmoins la situation est bien différente en Chine où 75 % des détaillants restent particulièrement préoccupés, des villes ayant été en confinement jusqu'à cet été.
Achats en ligne, paiement sans contact, click and collect et expérience utilisateur omnicanale ancrées
En France, 2 retailers sur 3 considèrent le click and collect comme largement ancré dans les habitudes des consommateurs. Au cours des derniers mois, les retailers ont renforcé les dispositifs qu'ils ont commencé à mettre en oeuvre durant la crise sanitaire. 26 % ont renforcé le click and collect et 48 % les livraisons rapides et services de retour.
Les distributeurs vont même plus loin : quasiment 50 % d'entre eux considèrent la livraison, le click and collect, le drive et le retour au local comme des modèles qui continueront de redéfinir le futur de l'entreprise.
Inflation et pénuries, sources d'inquiétude
L'inflation est l'inquiétude n° 1 de plus de la moitié des retailers à travers le monde.
93 % des professionnels du secteur déclarent même que l'inflation a un impact sur leur business.
Face à l'inflation, ces derniers se retrouvent contraints de faire des choix : augmenter leurs prix (89 %), diminuer leurs marges (67 %), diminuer leurs dépenses matérielles (66 %), diminuer les dépenses en ressources humaines (60 %), geler ou diminuer leurs investissements publicitaires et média (46%).
L'acte d'achat, forme d'activisme ?
Face au conflit russo-ukrainien, 55 % des retailers estiment que leurs consommateurs boycottent au moins partiellement les marques qui travaillent en Russie. Parmi les pays sondés, ce sont les Britanniques qui les boycottent le plus (80 %). Aujourd'hui, l'acte d'achat s'inscrit dans une forme d'activisme, du moins au regard de la situation géopolitique. 19 % des professionnels du commerce trouvent que la consommation de leurs clients est un acte beaucoup plus militant qu'avant. Néanmoins, si le Royaume-Uni reste catégorique sur ce sujet (uniquement 20 % pensent le contraire), cela reste à nuancer dans les autres pays (USA, France et Chine) où environ 40 % des retailers ne considèrent pas la consommation comme une forme d'activisme.
Les prix, toujours le premier argument du commerce
Alors qu'en 2021, moins de 1 retailer sur 2 estimait que le pouvoir d'achat de leurs consommateurs avait baissé avec la crise Covid, ils sont 70 % à le penser aujourd'hui, soit une hausse de 25 points en un an. La situation est bien plus sensible en France où 90 % des professionnels du commerce le déclarent. Malgré une envie de consommer local, bio et sain à la suite de la Covid, la conjoncture économique fait que la question du prix reste la première attente de ceux dont le pouvoir d'achat a été amputé par l'inflation, devant la qualité, le choix ou la livraison rapide.
Pour les retailers, la gestion de la logistique et la maîtrise des délais et des options de livraisons s'étaient hissées au coeur de leurs enjeux. Aujourd'hui, et même si ces derniers sont toujours présents, la question des prix, des promotions et des avantages pour les clients arrive sur le devant de la scène.
Des retailers sur le pied de guerre
Afin de combattre les effets de l'inflation et aider dans le même temps les consommateurs, les détaillants envisagent de mettre en place un nouveau programme de fidélité (23 % ont répondu très probablement) couplé avec des remises agressives (17 %). 27 % des retailers à travers le monde ont opéré une « discountisation » de leur gamme de produit. D'après les retailers, l'action la plus efficace pour développer leur CA dans le futur passe par des engagements sur les prix bas (38 %). En France, ils sont même 57 % à le penser. Vient ensuite le fait de proposer des offres spéciales aux consommateurs (33 %).
Les grands concurrents du commerce
Comme l'an dernier, deux catégories de concurrents sont perçues comme menaçantes pour la plupart des distributeurs mondiaux. D'un côté les techno-natifs et en premier lieu Amazon, suivi par Google, Meta et Alibaba. De l'autre les enseignes qui ont un positionnement mondial fondé sur le discount tels que Walmart et Lidl. 59 % des retailers estiment en outre qu'Amazon est le modèle à suivre pour assurer le développement réussi de son activité, suivi par Google et Walmart (25%). En France ce sont 69 % des retailers qui érigent Amazon en modèle à suivre.
Les nouveaux leviers de croissance
Les crises successives ont poussé les entreprises à réfléchir à de nouveaux modèles de croissance. 42 % des retailers déclarent avoir mis en place des éléments de contextuel commerce / content commerce. 38 % ont également mis en place des partenariats au cours des derniers mois. C'est par exemple le cas des shops-in-shops, largement utilisés par les enseignes du groupe Mulliez. 33 % se sont aussi lancés dans le social commerce.
Enfin, 16 % des retailers estiment que le modèle de l'abonnement/location est une tendance qui redéfinira le futur de leur secteur. Decathlon s'est à ce titre récemment lancé dans la location d'équipement.
Poursuivre la transformation numérique et virtuelle
Si la question des prix et de l'inflation est au coeur de toutes les discussions, la digitalisation du commerce, quoique relayée au second rang, continue d'accélérer. Les retailers estiment que le click and collect, le paiement sans contact ou l'expérience utilisateur omnicanale se sont installés durablement dans nos habitudes à la suite des crises. Au cours des derniers mois, ils ont largement renforcé les dispositifs numériques qu'ils avaient mis en place depuis 2020. À ce titre, poursuivre une transformation numérique et virtuelle demeure le chantier le plus important pour plus de 1 retailer sur 2.
À l'avenir, 54 % d'entre eux comptent davantage investir dans le digital (e-commerce, social commerce...) et cela monte à 67 % en France. Un retailer sur 4 pense enfin que les activations numériques sont l'action la plus efficace pour développer leur chiffre d'affaires dans le futur (juste derrière des engagements sur les prix bas et des offres spéciales aux consommateurs).
Un modèle plus durable et local
Plus d'un quart des professionnels du secteur estime que la consommation locale s'est installée durablement dans nos habitudes. Plus d'un retailer sur trois fait du « retour au local » la tendance qui redéfinira le futur de leur entreprise (43 % pour les retailers français). Enfin, la moitié des retailers interrogés estime qu'ils devraient transformer leur modèle pour proposer une offre durable et respectueuse de l'environnement.
Web3 : la Chine et le reste du monde
Le Web3 intrigue les retailers. Si d'aucuns se lancent à corps perdu en créant leur propre métavers ou en installant un « corner » dans un jeu vidéo en open-world, d'autres restent pour le moins sceptiques. Une dichotomie existe entre la Chine et la France qui forment deux extrêmes. D'un côté 95 % des professionnels du commerce en Chine pensent que les métavers et les cryptos sont des sujets structurants pour leur activité contre respectivement 50 et 59 % en France.
Et 83 % des professionnels du commerce en Chine considèrent même les cryptomonnaies comme prometteuses pour leur activité.
Quid des innovations technologiques
41 % des retailers français ne pensent pas que les métavers soient un phénomène structurant pour notre société. Ils sont 1 sur 3 à être sceptiques sur la question et 6 sur 10 à penser qu'il ne s'agit que d'un mot à la mode. Pour ce qui est des cryptos, la moitié des retailers ne pensent pas qu'elles soient structurantes pour leur activité et de la même manière. 65 % d'entre eux estiment qu'il ne s'agit que d'une mode. Plus de 1 retailer sur 3 ne considère pas les superapps, la livraison autonome, les cabines d'essayage virtuelles ou la réalité augmentée comme des innovations prometteuses.
Méthodologie :
Sondage Havas Commerce réalisé du 4 août au 9 septembre 2022 sur un échantillon de 305 professionnels leaders du commerce issus de 15 pays avec l'accent mis sur 4 principaux marchés : la France, le Royaume-Uni, les États-Unis et la Chine. Cette enquête a été réalisée sur la base d'un corpus de 37 questions.