Amandine de Souza (Le Boncoin) : Des valeurs alignées avec celles de l'entreprise

L'offre d'emploi pour recruter le directeur général du Boncoin n'a pas été publiée sur le site de petites annonces. La mission a été confiée, de manière plus classique mais aussi plus efficace, a un chasseur de têtes. Parmi les candidats sélectionnés et présentés à Antoine Jouteau, promu CEO du groupe norvégien Adevinta (propriétaire du Boncoin) en 2022, Amandine de Souza « a gagné haut la main », confie le dirigeant. « Ses valeurs sont alignées avec celles de l'entreprise », assure-t-il. Trois mois après sa prise de fonction, le 1^er avril 2023, l'heureuse élue nous reçoit à Paris, en plein coeur du Sentier, dans un immeuble ultramoderne, très grand mais peu fréquenté en ce vendredi de juillet, jour officiel de RTT. « Antoine me fait la courte échelle tout en me laissant une totale autonomie », se réjouit Amandine de Souza, désormais aux commandes du premier site de ventes entre particuliers de France. Souriante, son accueil chaleureux contraste avec l'atmosphère déshumanisée d'un open space déserté. « Oui, j'ai été surprise que l'on me propose ce poste et je découvre un nouvel univers, beaucoup plus tech que retail, mais je me sens à ma place. J'aime apprendre, découvrir de nouvelles choses. Je suis ravie de rejoindre une "Love Brand", inscrite dans le quotidien des Français. Proximité, pragmatisme, transparence... je partage les codes de l'entreprise. Il y a eu un "feet" culturel », explique Amandine de Souza.

Vrai leader

La mission qui l'attend est de taille et s'étend jusqu'aux frontières de l'Europe. L'ambition est de proposer aux internautes le plus grand catalogue de produits de seconde main en créant une plateforme unique et européenne à horizon 2025. À cela, s'ajouteront des services de paiement, de transport pour faciliter les transactions et une palette de services visant à rassurer le public, encore hésitant, sur l'achat de seconde main (garanties, assurances...). « Après 17 ans d'existence, Leboncoin n'est qu'au début de l'histoire », commente la Dg. Le site a réalisé 45 % de hausse sur le transactionnel au premier trimestre 2023. Antoine Jouteau a fixé sa feuille de route : poursuivre la transformation du site en une marque de re-commerce, accompagner la croissance de l'entreprise, développer sa profitabilité et gérer des collaborateurs "contents". « Déjà, elle défend ses équipes et ses opinions. C'est un vrai leader », assure le boss.

De l'Énergie à revendre

Autre axe de diversification, la cible des entreprises. Elles sont 500 000 sur le site actuellement. Pour aller plus loin, Leboncoin veut ouvrir sa plateforme aux professionnels souhaitant revendre des objets de "seconde chance" à des particuliers (modèles d'exposition, des retours de commandes en ligne...) à l'instar d'un partenariat déjà existant avec Auchan et Boulanger. « Bien sûr, nous resterons vigilants sur le calibrage des catégories. Leboncoin reste un site de revente entre particuliers », assure la responsable. Pour accompagner le changement et orchestrer la transformation du site, des qualités d'écoute et de proximité sont requises. Là encore, Amandine de Souza coche les cases. « On est venu chercher mes qualités de manager pour mener à bien cette mutation qui entraîne de nombreux questionnements en interne. Il faut porter une vision, mais aussi écouter et rassurer les équipes. Cela nécessite une énergie folle », explique Amandine de Souza.

Femme de réseaux

Côté business, l'intéressée ouvre grand son carnet d'adresses. En femme de réseau accomplie, elle entretient les affinités qui facilitent les rapprochements stratégiques. « Le coeur du réacteur du Boncoin, ce sont les biens de consommation et je connais bien ce secteur », note la directrice. Formée après son école de commerce à l'école des cabinets de conseils dans un esprit "work hard, play hard" et notamment au sein de Bain & Company pendant quatre ans, elle se cultive sur des secteurs très variés en France et à l'international. En rejoignant le groupe Casino, en 2009, elle s'imprègne de pragmatisme en devenant directrice du département "maison". Elle gravit rapidement les échelons jusqu'à diriger toutes les catégories non alimentaires. À cela, s'ajoute une expérience internationale où elle gère une équipe d'acheteurs internationaux et les différents bureaux de sourcing. « La grande distribution, c'est l'école du management. Il faut délivrer... Je retrouve cet esprit entrepreneurial et pragmatique aujourd'hui au Boncoin », se réjouit-elle. Changement de décor en 2015, Amandine de Souza est nommée CEO de la filiale française de Westwing, site de ventes privées de mobilier et décoration en ligne. Elle peaufine son expérience digitale et multiculturelle avant de devenir trois ans plus tard Dg du BHV Marais des achats "maison, bricolage et loisirs" du groupe Galeries Lafayette. Un an après, elle ajoute la food et la restauration à son périmètre en prenant la direction d'Eataly Paris Marais, franchise du groupe Galeries Lafayette, et rejoint le Comité exécutif du groupe. Elle y développe le digital (le magasin réalisera 10 % de son chiffre d'affaires sur le web) et développe le volet RSE. Elle lance également une offre vintage, par conviction. « Du BHV, bazar physique au Boncoin, bazar digital, il n'y a qu'un pas », ironise Antoine Jouteau.

« Je suis ravie de rejoindre une "Love Brand", inscrite dans le quotidien des Français. »

Écolo convaincue

Mieux consommer, respecter la planète sont des enjeux qui la concernent. « Développer l'offre seconde main du site me passionne, mais aussi l'impact de l'entreprise sur la planète (projet "Green IT"). Tous les collaborateurs sont concernés et y travaillent », déclare Amandine de Souza qui se déplace à vélo depuis six ans. Selon la responsable, les techniciens du Boncoin travaillent sur des solutions permettant de mesurer l'impact environnemental de chaque produit pour offrir plus de visibilité aux utilisateurs. D'ailleurs, après l'envie de faire des économies, l'envie de consommer responsable est la deuxième intention d'achat pour 89 % des utilisateurs du site internet.

Soutien aux femmes

En ligne avec ses convictions, la dirigeante est administratrice indépendante de la biotech Carbios, pionnière dans le recyclage de plastique. « Je prends sur mon temps et je m'investis pleinement pour les soutenir. » Un autre de ses combats l'a poussée à rejoindre le collectif Leia capital, un groupe de business angels 100 % féminin. Une trentaine de partenaires, aux expertises complémentaires, prodigue conseils et appuis aux startupeuses en herbe. « Quand on sait que seuls 2 % des financements reviennent à des projets menés par des femmes, je me dis qu'il est de mon devoir de les aider et de leur montrer que c'est possible », argumente la Dg. Dans le secteur du retail, auquel elle reste très attachée, Amandine de Souza a commencé une autre démarche de rencontres dédiées aux femmes. Le "retail club" réunit quatre fois par an, depuis 2017, une quarantaine de femmes dirigeantes autour de prises de parole inspirantes. Dans le sport aussi, cette compétitrice dans l'âme joue la carte de la solidarité. L'an dernier, avec sa coéquipière, elle s'est envolée pour participer au Raid Amazones au Sri Lanka. Nom de l'équipe n°8, "Les minettes". Ensemble, elles se sont dépassées pour soutenir une cause, "À Chacun Son Everest", dont le but est d'accompagner les femmes et les enfants en rémission de cancer. Marie-Juliette Levin