Foncières commerciales : un constant renouvellement
Les centres commerciaux ont été invités ces dernières années, "post-pandémiques", à se réinventer. L'hybridation des usages, la nécessité de compenser les trous d'air expérimentés par nombre d'enseignes du prêt-à-porter, mais aussi l'envie de répondre aux besoins d'une population plurielle en quête d'une expérience renouvelée, voilà quelques-uns des marqueurs de leur évolution récente.

Le marché des centres commerciaux se porte beaucoup mieux après des années post-Covid où les foncières ont dû batailler ferme pour faire chuter les taux de vacance, selon Jessica Jaoui, Head of Retail Capital Markets chez JLL France. Cette "remontada" s'est néanmoins accompagnée "d'un vrai changement en matière de formats de magasins", fait remarquer Marie Caniac, directrice des opérations Groupe chez Klépierre, qui dispose d'un patrimoine de 70 actifs implantés dans les métropoles à forte croissance démographique et économique telles que Madrid, Paris, Rome, Oslo, Barcelone, Prague, Milan ou Copenhague. "Aujourd'hui, les boutiques sont plus grandes, tandis que les espaces, qui mettent les produits beaucoup plus en valeur, sont davantage ouverts", dit-elle. Une stratégie qui fait écho au souhait des retailers de garantir une expérience d'achat fluide online et offline, en conformité avec le principe d'omnicanalité.Les dimensions des magasins ne sont pas les seuls paramètres à avoir évolué. Leur typologie s'est également transformée. Selon des données de la Fédération des acteurs du commerce dans les territoires (FACT), le secteur beauté-santé a progressé de 6,7 % en 2024. Il représente désormais 22,1 % du chiffre d'affaires des centres commerciaux, contre 19,4 % en 2022. Le prêt-à-porter, qui représentait 45 % du commerce dans les centres commerciaux du groupe Klépierre il y a encore quelque temps, est retombé à 37 %, déclarait récemment Jean-Marc Jestin, président du directoire de Klépierre au quotidien Le Figaro. Une évolution qu'il a fallu compenser en diversifiant la palette des enseignes présentes dans les centres, notamment en s'ouvrant à d'autres animations. En 2024, le divertissement a été en plein essor (+4,4 %), toujours selon la FACT. Il est porté par l'émergence de nouvelles activités de loisirs et la volonté des centres commerciaux de devenir des lieux récréatifs à part entière. Dans son centre Les 4 Temps à la Défense, en région parisienne, URW propose ainsi jusqu'au 25 juin son Westfield Music Tour avec des artistes comme Amel Bent, Ridsa, Jok'Air et Vegedream.
Le centre commercial est désormais un acteur à part entière de la politique économique des collectivités territoriales. Unibail-Rodamco-Westfield détient un portefeuille d'actifs très diversifié en Europe et aux États-Unis, avec 67 centres dans 11 pays totalisant 900 millions de visites annuelles. Le 8 avril dernier, il a inauguré à Hambourg en Allemagne son projet phare : Westfield Hamburg-Überseequartier. "C'est l'un des plus ambitieux projets de régénération urbaine en Europe. Il est complètement intégré à la ville, avec sa propre station de métro, ses lignes de bus et ses nombreux services de mobilité. Notre groupe est venu créer un tout nouveau quartier pour les habitants de Hambourg. Westfield Hamburg-Überseequartier rassemble des commerces, mais aussi des hôtels, des logements, des bureaux et un terminal de croisière", décrit Dominique Hautbois, directeur général Retail France d'URW. La composante commerciale du quartier, d'une superficie de 94 000 m², comprendra 170 commerces, enseignes de restauration et de divertissement au total, dont plus de 40 concepts de restauration et d'alimentation. Chose sûre, avoir le bon mix d'enseignes est essentiel pour assurer une fréquentation de bon niveau et renouvelée. À côté des locomotives que représentent souvent les Primark, Sephora, Zara et Action, pouvoir compter en France dans sa palette des enseignes comme Søstrene Grene, Normal, Aroma-Zone, Legami ou L'Atelier d'Amaya dans des secteurs diversifiés permet de se différencier de la concurrence.
Un rôle sociétal grandissant : d'autres activités, d'autres acteurs
"Les lieux qui abritent du commerce sont également une réponse à la montée de la virtualité dans nos vies quotidiennes. Contrairement aux réseaux sociaux, qui créent des bulles d'opinion et d'appartenance homogènes, les sites commerciaux restent des espaces de mixité, où se croisent des publics d'origines sociales et culturelles variées", déclarait Christophe Noël, délégué général de la FACT, en prévision de l'édition 2025 du Salon de l'immobilier des espaces commerciaux (SIEC) qui se tiendra du 11 au 12 juin à Paris Expo, porte de Versailles. De fait, certains centres commerciaux s'essaient à tisser des liens plus étroits avec l'économie sociale et solidaire (ESS). Situé à une dizaine de minutes de Creil, le centre Carrefour Creil - Saint-Maximin (groupe Carmila) a fait de l'engagement socialement responsable un axe structurant de son développement. Depuis février, il accueille une boutique de la Croix-Rouge, dédiée à la seconde main et à la solidarité locale. Avec une surface de 160 m², le magasin propose aux curieux une large sélection d'articles de seconde main : vêtements, chaussures, accessoires de mode, linge de maison, jouets, livres, vaisselle, CD et objets de décoration. Chaque don de vêtement ou achat contribue au financement d'initiatives locales, telles que l'aide alimentaire, l'inclusion sociale ou les formations. Une partie des vêtements collectés est également destinée à l'aide vestimentaire, permettant aux plus démunis de pouvoir se vêtir.
Un accompagnement sur mesure des commerçants
Les aménagements fournis aux commerçants revêtent une importance croissante, notamment pour répondre aux besoins du click & collect, des retours en magasin, sans oublier les casiers connectés. À cet égard, les foncières sont devenues de vrais business partners car il est primordial pour les enseignes de pouvoir compter sur "un commerce physique et un commerce digital qui se renforcent mutuellement et dont tout le monde bénéficie", analyse Marie Caniac. Ce qui se passe en coulisses est un enjeu essentiel pour les bailleurs. Les commerçants apprécient de pouvoir offrir à leurs salariés des salles de pause, un temps de parcours optimal entre magasin et réserve de proximité. "La propreté, l'animation du centre au sens large du terme, tous ces points sont devenus des éléments centraux des négociations que nous avons avec les enseignes. Un très bon emplacement, un bon format, cela ne suffit plus", admet la directrice des opérations Groupe chez Klépierre. Ce besoin de services inclut aussi tout l'accompagnement marketing et opérationnel sur le long terme avec de vrais enjeux de drive-to-store. "Ce que veulent les commerçants, c'est des dispositifs qui vont permettre de générer du trafic, que cela soit des campagnes d'affichage, des totems digitaux, des grands écrans, des événements", souligne-t-elle par ailleurs. Pouvoir apporter un conseil qualifié constitue un autre atout précieux pour entretenir la fidélité des commerçants. "Les enseignes recherchent aussi notre expertise dans la façon de composer le parcours client et le meilleur mix qui garantira leur efficacité commerciale. Je pense à la capacité à penser une zone au sein du centre commercial qui associe des loisirs aux côtés d'une offre de restauration", pointe également Dominique Hautbois.
Au 31 décembre 2024, le portefeuille de Carmila était composé de 251 centres commerciaux et valorisés à 6,7 milliards d'euros. (Source : Carrmila)
Le prêt-à-porter représentait 45 % du commerce dans les centres commerciaux du groupe Klépierre. Aujourd'hui, ce chiffre est plutôt de l'ordre de 37 %, déclarait récemment Jean-Marc Jestin, président du directoire de Klépierre au quotidien Le Figaro. Une évolution qu'il a fallu compenser en diversifiant la palette des enseignes présentes dans les centres.
- 15 %, c'est le pourcentage de réduction des volumes de déchets que vise Unibail-Rodamco-Westfield entre 2019 et 2030 à périmètre constant. D'ici 2030, il souhaite que 70 % de ces déchets soient recyclés. (Source : Réponses écrites aux questions des actionnaires de l'AG du 29/04/2025)
Sur le même thème
Voir tous les articles Stratégie Retail