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Sabrina Herlory Rouget : "Aroma-Zone sera encore là dans des décennies"

Élue 2e marque préférée des Français et lauréate du Grand Prix Favor'i e-commerce de la Fevad, Aroma-Zone affiche une croissance spectaculaire. Sa PDG, Sabrina Herlory Rouget, partage les leviers de ce succès fondé sur l'écoute, l'humain et l'exigence.

Publié par Elsa Guerin le | mis à jour à
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Sabrina Herlory Rouget : 'Aroma-Zone sera encore là dans des décennies'
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Vous avez remporté de nombreux prix : deuxième marque préférée des Français et Grand Prix Favor'i e-commerce décerné par la Fevad. Comment avez-vous construit cette stratégie gagnante ?

Nous vivons dans un monde qui va très vite. Les décisions d'aujourd'hui ne se prennent plus comme hier. Ce qui me semble essentiel, c'est de savoir cerner, comprendre et définir sa culture d'entreprise. Chez nous, elle repose sur l'humilité, l'écoute, l'observation et le fait de toujours remettre l'humain au coeur des projets. Ce sont ces fondamentaux, ces valeurs, qui nous ont permis de prendre les bonnes décisions business. Il ne s'agit pas de plaquer des recettes venues d'ailleurs, mais de comprendre profondément ce que nous faisons.

Bien sûr, nous nous entourons des meilleures compétences, nous nous équipons des meilleurs outils pour franchir des étapes structurantes. Mais la clef reste l'écoute, associée à la juste intuition. C'est assez simple : chaque jour, nos produits sont sur la peau et les cheveux de nos clients. Notre seule obsession doit être de leur offrir le meilleur : des produits sains, plus dosés, plus efficaces, écoconçus et à un prix juste. Cette exigence doit être notre seule boussole, mais aussi rendre ces produits accessibles à tous. Le besoin de produits qui respectent la santé exprimée par nos consommateurs nous oblige. Je tiens à cette ambition d'une marque universelle, dans laquelle chacun peut se reconnaître. C'est cela qui guide toutes nos décisions.

Lorsque j'ai pris la tête d'Aroma-Zone, j'ai commencé par rencontrer les équipes en place et lire tous les verbatims des clients. À l'époque, notre présence se limitait au e-commerce, dans une logique de temps réel. La première chose à faire était de lire l'ensemble des retours que nous faisaient nos clients. Chaque semaine, je demandais au Comité de direction de lire la totalité des verbatims reçus, entre 4 000 et 5000, que je classais à la main, par thématiques. Cette méthode m'a permis de ne pas faire de hors-sujet, de ne pas projeter mes propres envies, et de comprendre la culture de la marque et les attentes des consommateurs. Une fois ce travail fait, on pouvait pleinement se mettre à l'écoute de notre communauté.

Que vous disaient-ils ?

Ils étaient très attachés aux formules de nos produits. Nous sommes plus exigeants que le référentiel Cosmos (certification internationale pour les cosmétiques), notamment sur les conservateurs. Cette exigence nous tient à coeur, nous voulons impérativement la tenir. J'ai compris que ce qui paraissait simple chez Aroma-Zone était en réalité très sophistiqué. La marque n'est pas chère, mais la qualité reste cruciale. Nos clients méritent un juste prix mais aussi une transparence complète sur les formules.

Très vite, les retours ont montré qu'il était essentiel de maintenir un niveau d'excellence en matière de qualité, de transparence et de sécurité de nos produits finis. Certains témoignages provenaient de personnes sous chimiothérapie ou en pleine redéfinition de leurs habitudes. Elles voulaient comprendre ce qu'elles appliquaient sur leur peau et exigeaient une expérience irréprochable. C'est en répondant à ces attentes que nous sommes devenus le premier vendeur en ligne dans ce domaine et l'un des leaders du marché en valeur.

Pourquoi avoir développé le retail physique ?

C'était la deuxième grande demande perçue à travers les verbatims : la proximité. Nos clients voulaient interagir avec les produits. C'était surprenant, surtout en 2021, après la crise sanitaire. Mais nous avons encore une fois choisi de les écouter. Nous avons donc ouvert des magasins pour leur offrir à la fois du conseil personnalisé et des moments d'échange entre pairs. Ces derniers sont souvent les plus attendus de la part des consommateurs.

Si nous n'avions pas entendu ces besoins de santé et de proximité, nous ne serions probablement pas là aujourd'hui. C'est ça, l'humilité : prendre le temps de se mettre à l'écoute. Nous visons le temps long. Nous voulons encore être là dans des décennies. Cela implique de ne pas créer de besoins artificiels, de ne jamais déroger à la qualité, de choisir les bonnes personnes, le bon modèle économique. C'est avec cette conviction que nous avons pu lancer de nouvelles verticales de produits finis, développer l'omnicanalité, repenser notre site e-commerce et investir massivement en R & D. Toutefois, nous n'investissons pas en communication. Pourquoi ? L'ambassadeur de la marque, c'est le produit et uniquement lui.

Soyons honnêtes, tout le monde peut faire un prix d'appel attractif. Mais si le produit n'est pas au rendez-vous, le client ne revient pas. Notre taux de rétention est de 60 %, le plus fort du marché. Nous sommes reconnus pour notre qualité, avant même notre prix. La qualité au juste prix, toujours. Nous voulons être dans tous les foyers, en veillant à l'inclusivité, et celle-ci ne peut se faire qu'en débutant par le prix.

Produire des produits écologiques à bas prix est donc possible...

Oui. Décortiquons un peu notre modèle. Cela est simple : nous achetons en direct nos matières premières et packagings. Nous avons notre propre laboratoire, notre R & D formule et développe nos produits uniquement en interne et surtout nous distribuons nous-mêmes. L'ensemble de cette maîtrise des coûts à chaque étape du processus nous permet de redistribuer la valeur directement au consommateur. Cela ne serait pas possible si nous acceptions d'être présents en pharmacie, par exemple, ou dans d'autres circuits.

Par ailleurs, nous ne faisons pas de packaging inutile. Nos flacons contiennent la matière première, nous n'y ajoutons rien de superflu avec des emballages en plus. Ce choix a d'abord été réalisé pour des raisons écologiques évidentes, mais il s'avère également économique. Il faut s'apercevoir que 30 % du prix d'un produit vient souvent du packaging. Bien sûr, notre modèle économique nous impose aussi de savoir dire non, comme aux unidoses que l'on nous demande pour certains produits, mais que nous refusons pour rester alignés avec nos valeurs. Enfin, nous n'avons pas d'équipe marketing, encore une fois : le produit parle pour nous.

Comment garder le cap en hypercroissance ?

C'est justement parce que nous sommes en hypercroissance qu'il est urgent de prendre son temps. Aujourd'hui, on nous propose une expansion dans de nombreux pays... Je dis non. Il nous faut d'abord asseoir notre structure industrielle, notre gestion des ressources humaines, préserver notre modèle agricole, savoir expliquer les potentielles ruptures de certains produits à nos clients.

Bien sûr, ce n'est pas pour autant que nous n'ambitionnons pas de nouveaux projets. Nous allons ouvrir, d'ici fin 2025, un site e-commerce et un magasin au Royaume-Uni, avec une petite équipe locale. Nous allons observer ce marché, comprendre la communauté qui nous a déjà manifesté de l'intérêt. Et ensuite, nous déciderons d'accélérer. Nous savons qu'il existe déjà des consommateurs qui nous attendent là-bas. Mais, attention, le marché français tient à nous, il ne faut donc pas l'abandonner pour répondre trop vite à des attentes internationales. Nous voulons rester maîtres de nos choix. Dans cette même optique, nous ouvrons dix magasins par an, pas plus. C'est peu en réalité au sein de notre secteur. Mais cela nous permet de ne rater aucune marche dans notre stratégie fondée sur l'authenticité.

L'internationalisation prendra le temps nécessaire. Pas de précipitation, même si 15 % de nos ventes e-commerce sont déjà réalisées en dehors de la France. Nous voulons réussir notre ambition d'être présent dans tous les foyers, mais jamais au détriment de notre promesse : efficacité, qualité, accessibilité. Parfois, cela n'est pas évident car nous devons faire des renoncements. Mais le leadership, c'est d'abord cela : avoir des valeurs et surtout s'y tenir. Être exemplaire. Et cela a un effet bénéfique immédiat : les personnes qui postulent chez nous ne se trouvent jamais en entretien par hasard, ils se battent pour ces postes. Ce n'est pas un job comme un autre. Et même si l'entreprise grandit, notre façon de faire, elle, reste à taille humaine.

Vous avez donné des cours de philosophie. Ce goût pour le temps long et l'évolution structurée vient-il de là ?

Oui, il y a cette idée d'impératif catégorique que l'on retrouve chez Kant : trouver ce qui dicte notre chemin, notre manière de changer le monde. Lorsque l'on a trouvé son impératif, on peut se lever tôt et se coucher tard, et entre-temps accomplir de grandes choses. Aroma-Zone n'est pas un simple acteur transactionnel, c'est une entreprise qui souhaite changer le monde. Au moment où l'on prend conscience de cette possibilité, nous savons qu'il faut être à la hauteur de cette possibilité et donc travailler et travailler dur.


Vous liez fréquemment joie et travail. De quelle manière cette articulation s'incarne-t-elle dans votre quotidien ?

J'aime en effet beaucoup la notion de joie : elle représente le carburant du travail. L'un ne va pas sans l'autre. Agir par peur ou menace ne fonctionne jamais. C'est délétère. Donc, oui, il faut insuffler en priorité la joie pour parvenir à travailler. En tant que leader, mon rôle est avant tout de permettre aux gens de s'épanouir, c'est-à-dire devenir la meilleure version d'eux-mêmes.

Quel rôle votre entreprise entend-elle jouer dans le monde de demain ?

Nous avons un véritable rôle sociétal à jouer. Dans notre cas, cela passe notamment par la volonté de développer notre modèle sur nos sites historiques, dans le Vaucluse. Soutenir une économie territoriale est un choix de société, dont nous nous sentons pleinement responsables. Concrètement, cela signifie créer et maintenir des emplois dans cette région. Tout s'accélère, mais notre boussole reste la même : prendre soin de soi et de son écosystème. C'est aussi dans cette optique que nous soutenons depuis le début de l'année 2025 l'hôpital de la Timone, à Marseille, en finançant un IRM à particules pour améliorer la prise en charge des cancers pédiatriques. Notre communauté est très présente dans le Sud, cela nous paraissait naturel de nous engager pour cette cause qui représente deux de nos valeurs : la santé et la valorisation du territoire local. L'entreprise ne se réalise pas en dehors de la société : elle participe à la transformation du monde. Aroma-Zone transforme le monde. C'est notre rôle.


Son parcours

2007 :
Sabrina Herlory-Rouget intègre le groupe L'Occitane en tant que directrice du marketing.

2014 :
Elle devient directrice générale Europe & UK pour le groupe L'Occitane.

2016 :
Elle rejoint The Estée Lauder Companies et devient directrice générale de M.A.C. Cosmetics France en 2017.

2021 :
Sabrina Herlory-Rouget devient CEO d'Aroma-Zone.

Sabrina Herlory Rouget est Chevalier de l'Ordre du Mérite


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