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Réseaux d'influence en régions, de l'entraide à la création de valeur

Publié par Stéphanie Marius le | Mis à jour le
Réseaux d'influence en régions, de l'entraide à la création de valeur

Les clubs et associations e-commerce tentent de structurer un secteur encore très fragmenté et constituent un levier d'action majeur pour les petits et grands acteurs. Retour sur leur fonctionnement et leurs difficultés.

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Regroupements structurés ou informels, adhérents au profil hétéroclite, allant du porteur de projet débutant à des entreprises telles que Cdiscount ou LDLC... La réalité des clubs et associations d'e-commerçants en régions apparaît protéiforme et fragmentée. Si les Chambres de commerce et d'industrie sont à l'initiative de plusieurs pôles consacrés au commerce en ligne, certaines structures, à l'image du club iCom en Isère, demeurent de simples alliances entre e-commerçants voisins. En l'absence de toute donnée centralisée, recenser tous les clubs et associations s'avère impossible.

"L'idée est de mettre en place des synergies entre acteurs complémentaires", Grégory Palayer (La Cuisine du Web)

Plusieurs pôles d'activité se détachent, notamment à Lyon, Nantes, Bordeaux, Bayonne. Certains noms reviennent: La Cuisine du Web, Hub Retail, ECom Provence, la Cantine... La rédaction d'E-Commerce Mag est allée à la rencontre de ces organismes afin de mieux comprendre leur fonctionnement. Qu'attendre de ces structures pour un e-commerçant? "L'idée est de mettre en place des synergies entre acteurs complémentaires, de favoriser la visibilité nationale et internationale, de créer des opportunités de croissance externe ou de faciliter des levées de fonds", résume Grégory Palayer, président de La Cuisine du Web, association de loi 1901 située à Lyon, présente depuis six ans.

Éviter l'isolement, s'informer et réaliser des économies

La première motivation des acteurs rencontrés demeure "la rupture de l'isolement", notamment dans les départements ruraux, au sein desquels le tissu économique est faible. La montée en compétences et l'opportunité de négocier des tarifs auprès des prestataires ou de nouer des relations commerciales sont également citées: "Les acteurs les plus petits cherchent des fournisseurs logisticiens, analyse Éric Culnaërt, animateur du Club Commerce Connecté et référent pour la Nouvelle-Aquitaine du réseau thématique French Tech. Pour les gros opérateurs, les enjeux tiennent à l'appropriation des technologies émergentes au moindre coût."

Concernant les acteurs plus petits, les enjeux tiennent davantage à l'appropriation des bases de l'univers numérique dans lequel ils baignent. Parmi les projets remarquables, La Cuisine du Web, cofondée par le pure player LDLC, revendique son implication dans la fondation de l'École du numérique fondée par l'e-marchand. Cdiscount a pour sa part engagé un vaste projet d'automatisation de ses entrepôts et a monté le projet The Warehouse By Cdiscount, sous forme d'incubateur supply chain.

L'un des fers de lance des clubs et associations de webmarchands concerne prioritairement la mutualisation des achats. Hervé Bourdon, fondateur de l'association ECom Provence et de l'événement Shake your e-commerce, met en évidence "la négociation des frais d'envoi, d'emballage". Henri Sellier, président du club Icom (Isère), se félicite de "remises supplémentaires obtenues auprès des plateformes Avis Vérifiés en 2016 et Shopping Flux en 2017", par exemple.

Avec ou sans prestataires?

Concernant le recrutement des membres, deux philosophies s'affrontent. Anaïs Droillard, chargée de mission numérique au sein du pôle Entreprises et numérique et dirigeante du club Ebiz (une centaine d'adhérents, fondé en 2006), prône un réseau d'e-commerçants fermé aux prestataires. "Autour de la table, les e-marchands communiquent sur des chiffres concrets, comparent les bénéfices et tarifs des prestataires et bénéficient d'une liberté de parole qu'ils ne pourraient avoir lors d'un salon ou d'une conférence." Un noyau dur de membres chevronnés incite les ­participants à communiquer leurs mauvaises expériences.

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À l'inverse, le Hub Retail revendique une cinquantaine d'adhérents en Auvergne-Rhône-Alpes, dont 50% de prestataires. De même, les fondateurs de La Cuisine du Web (245 adhérents), Jean-Louis Brunet, délégué général, et Grégory Palayer, président, mettent en relation prestataires, retailers et agences: "Nous nous définissons comme un action tank et nous centrons sur deux grands projets: la Tour du Web, qui héberge un écosystème numérique de 150 personnes, et la conférence BlendWebMix, qui réunit chaque année 2000 personnes au mois d'octobre."

Si, pour l'heure, la Fevad brille par son ­absence auprès des clubs régionaux, plusieurs clubs entretiennent des liens avec la French Tech (notamment via les réseaux French Tech thématiques Retail). Ainsi, La Cuisine du Web est membre du conseil d'administration de Lyon French Tech, La Cantine dépend de Nantes Tech et EComProvence entretient des liens avec la French Tech Paca.

Logistique, RGPD, UX, figurent parmi les sujets chauds en 2018

Parmi les conférences et ateliers proposés en 2018, plusieurs thématiques émergent, reflétant les préoccupations actuelles des acteurs: l'UX (atelier au sein du club iCom jeudi 5 avril), le drop shipping, la mise en conformité RGPD... Le club Ebiz (Lyon) proposera un focus sur Amazon, tandis que le Hub Retail (Auvergne-Rhône-Alpes) fera le point sur la logistique du dernier kilomètre et l'usage des médias sociaux. Au rang des bonnes pratiques à partager, le club Ebiz (Lyon) envisage de mettre en place des groupes de travail "Miroir". "Il s'agit de réunir quatre ou cinq acteurs afin d'auditer durant deux heures le site en cours de refonte d'un membre, explique Anaïs Droillard. L'analyse du tunnel d'achat est une demande récurrente de la part des e-commerçants." Si des initiatives éparses émergent, les clubs et associations se plaignent cependant d'un manque d'échange intra ou interrégional.

Les clubs achoppent sur la question de la communication

Aucun regroupement des initiatives locales n'a encore vu le jour. Ainsi, le club ECom Provence et son fondateur Hervé Bourdon ont amorcé la création d'un réseau ­d'associations en 2014, sans succès: "Nous avons été contraints d'abandonner le projet en raison des profils très hétéroclites des structures et des adhérents", confie le dirigeant.

De plus, le manque de données demeure un enjeu crucial pour les professionnels du secteur. Aucune étude consacrée aux e-commerçants en région Paca n'a vu le jour depuis l'étude menée par la MDER en 2013, indique Hervé Bourdon, tandis que le code APE "e-commerce" n'existe pas pour l'Insee, chaque e-marchand est catégorisé en fonction des produits qu'il commercialise. Aucun annuaire n'est disponible, ce qui rend difficile la localisation et l'organisation des e-marchands au sein d'une même région.

"La collaboration entre les clubs de différentes régions n'est pas ­formalisée mais elle existe", Olivier Bourgeois (Hub Retail)

Les réseaux de plus grande importance ­assurent toutefois la mise en relation des acteurs, voire des plus petits écosystèmes, entre eux. Ainsi, La Cuisine du Web se ­perçoit comme "une plateforme pour les acteurs de l'écosystème" et invite, à ­l'occasion du salon BlendWebMix (les 24 et 25 octobre 2018 à Lyon), plusieurs ­communautés locales telles qu'Imaginove ou GirlzInWeb. "La collaboration entre les clubs de différentes régions n'est pas ­formalisée, précise Olivier Bourgeois (Hub Retail), mais elle existe."

Le dirigeant se dit ouvert à des échanges commerciaux, notamment concernant les formations. De même, ECom Provence réfléchit à la constitution d'un pôle de compétences et à la réflexion autour d'une logistique commune.

Le financement: ces structures bâtissent un véritable business model

Au-delà des difficultés de communication entre les différentes structures, ces dernières soulignent la complexité de la question de leur financement. Ainsi, les clubs et réseaux les plus avancés, à l'instar du Club du Commerce Connecté, amorcent leur financement grâce aux cotisations des adhérents et bénéficient de subventions régionales. "Nous misons surtout sur l'engagement des adhérents dans la vie du club et le montage de projets", indique Éric Culnaërt (Club du Commerce Connecté). De même, La Cantine (Lyon) est partenaire de la métropole et de la région lyonnaises, lesquelles contribuent à hauteur de 33% du financement total, un chiffre en baisse.

Pour quel tarif adhérer à un club ou une association dans sa région? La cotisation, lorsqu'elle est payante, varie considérablement: 300 euros annuels pour la "formule conférences et ateliers" de la mission Performance numérique, 1000 euros par an pour un distributeur et jusqu'à 3000 euros pour un prestataire au sein du Hub Retail.

Le Club Ebiz mise, pour sa part, sur le "tout gratuit" pour les adhérents. L'animation est intégralement financée par le grand Lyon et la région Auvergne. Un exemple unique parmi les structures interrogées.

Les plus petites structures, à l'image du club Icom (Isère), proposent parfois la gratuité aux participants, obtenue en échange d'un budget de fonctionnement "dérisoire", selon Henri Sellier. Salle cédée gratuitement, statut informel, animateurs bénévoles et collaboration avec les prestataires permettent aux réseaux informels de survivre, en l'absence d'aide des institutions locales. "Nous avons tenté de proposer un partenariat à la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) mais cela n'a pas abouti", se désole Henri Sellier. Même son de cloche chez le club Ecom Provence.

Quelle participation des CCI?

La question de la participation des CCI locales est au coeur des débats, y compris pour les regroupements les plus importants. "Les CCI prennent de grandes claques financières depuis plusieurs années", explique Frédéric Pérès (mission Performance numérique de la CCI de Bayonne Pays Basque). Un bouleversement qui a poussé les structures à rechercher l'autonomie financière. Pour y remédier, les structures bâtissent de véritables business models et ont recours à des prestations payantes ou des logiques de partenariats avec des prestataires ou des sponsors. "Les financements ne sont pas toujours en phase avec nos projets, reprend Frédéric Pérès. C'est pourquoi nous avons développé des services de conseil aux entreprises, lequel nous offre une autonomie financière et donc une plus grande latitude d'action concernant l'allocation des ressources."

"Notre but est de nous détacher des financements publics", explique ainsi Céline Delval, NantesTech Coordinator et International Project Manager de La Cantine Nantes. Le club propose une offre d'hébergement d'entreprise, une aide au recrutement, facturée aux professionnels. Sponsorisée par la SNCF, Capgemini, l'école Centrale Nantes, SFR, plusieurs banques, acteurs de l'assurance et cabinets d'avocats, La Cantine constitue la preuve qu'un modèle pérenne est possible en dehors des subventions publiques. Un modèle également dans la ligne de mire du Hub Retail: "Nous souhaitons faire entrer de nouveaux partenaires forts pour passer à la vitesse supérieure et créer un lieu d'expérimentation en 2018", projette Olivier Bourgeois (Hub Retail). De même, la mission Performance numérique déploie depuis 2011 un service de consulting individualisé payant.

L'événementiel constitue un autre levier de financement. Ainsi, l'association ECom Provence a donné naissance, un an après sa création, au salon Shake your e-commerce (1 000 visiteurs annuels), financé en intégralité par ses 100 exposants. À quand un rassemblement national de toutes les structures régionales?

Éric Culnaërt: "L'enjeu est d'être fort sur son territoire mais également en lien avec d'autres pour atteindre une échelle plus macro"

Animateur et référent pour la Nouvelle-Aquitaine du réseau thématique French Tech Retail, Éric Culnaërt dirige le Club Commerce Connecté au sein de l'agence Développement et Innovation en Nouvelle Aquitaine.

Quelles sont les missions du Club Commerce Connecté?

Créé en 2015, le club s'attache à réunir des entreprises de toute taille du côté de l'offre numérique (prestataires) et des retailers. Parmi nos adhérents figurent Cultura, Cdiscount. Notre première mission est de contribuer à la visibilité de la filière régionale. Nous nous attachons aussi à faire émerger des projets individuels et collaboratifs auxquels nous apportons ensuite une ingénierie de cofinancement et de montage de projet, de consortium, sourcing de partenaires... Enfin, nous accompagnons les entreprises à l'international. Pour cela, nous organisons des services réservés aux adhérents (stand régional sur la prochaine Paris Retail Week en septembre, par exemple), des afterworks et des rendez-vous en mode conférence ouverts à tous.

Quels sont les tarifs?

Ils s'échelonnent de 250 euros annuels hors taxes pour une PME à 3 000 euros pour un groupe ou 5 000 euros pour une collectivité. Nous comptons 80 adhérents et nous inscrivons dans le pôle Digital Aquitaine, lequel compte 200 adhérents.

Pourquoi rejoindre un club ou une association de retailers?

Il s'agit de ne pas rester isolé en région, c'est d'ailleurs l'intérêt du réseau thématique French Tech Retail. L'enjeu est d'être fort sur son territoire mais également en lien avec d'autres pour atteindre une échelle plus macro. Les batailles ne se livrent pas entre régions mais à l'international.

En quoi consiste votre collaboration avec la french Tech Bordeaux?

Après la première vague de labellisation liée aux régions, l'État a lancé une série de labellisations thématiques. Le Club Commerce Connecté, French Tech Bordeaux et Ecom Aquitaine (Ecom 33) - avec lequel nous sommes en train de fusionner - avons déposé un dossier, qui a mené à la création du réseau thématique French Tech Retail. Ce dernier est également animé par le Picom, Cap Digital, la Fevad, Nantes Tech et Toulouse.

Pourriez-vous me citer des projets marquants mis en place dans le cadre du club?

Par exemple, un projet monté à l'initiative de Cdiscount a donné lieu à une collaboration avec trois start-up locales, dont Cogniteev. Cdiscount avait besoin d'exploiter, sur d'énormes volumes, les traces que laissent les moteurs de recherche sur chaque page produit. Ce projet a débouché sur une solution, OnCrawl, portée par Cogniteev. Par ailleurs, nous avons monté cette année une opération de découverte du marché espagnol : sept entreprises du club ont pu poser des jalons sur ce marché.


 
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