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Eric Goguey, DG de 24S (LVMH) : « Notre plateforme donne cette vision parisienne de la mode partout dans le monde »

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Eric Goguey, DG de 24S (LVMH) : « Notre plateforme donne cette vision parisienne de la mode partout dans le monde »

Jeune acteur dans l'e-commerce, 24S, le site multimarque du géant du luxe LVMH, revendique un positionnement unique dans l'univers très concurrentiel des plateformes en ligne haut de gamme. 24S se veut la destination de shopping en ligne parisienne, au rayonnement mondial, réunissant les grandes maisons et jeunes créateurs. Éric Goguey, fondateur et directeur général de 24S, revient sur ces cinq années d'existence, mais aussi sur les développements et enjeux à venir dans ce secteur en forte croissance.

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Votre site haut de gamme 24S vient de fêter ses 5 ans, quel bilan faites-vous ?

En lançant notre plateforme en 2017, nous avons découvert que nous pouvions avoir des clients partout sur la planète et dans un même lieu. Le développement des technologies, des capacités de transport, toutes ces interconnexions pour permettre depuis la France de créer un business mondial (avec une part de cross border importante), font qu'aujourd'hui nous sommes présents dans 100 pays. En cinq ans, notre stratégie a évolué et c'est ce qu'il y a de passionnant dans l'e-commerce. Elle change d'autant plus que nous sommes dans un commerce international. Chaque mois, nous recensons plus de 3 millions de visiteurs uniques et 20 millions de pages vues. Notre équipe s'est aussi étoffée avec 200 personnes.

Les consommateurs du luxe sont connus pour être ultra-connectés et donc les plus aptes à acheter sur Internet. Pourquoi le groupe LVMH a-t-il mis autant de temps à se lancer dans l'e-commerce ?

Nous avons une clientèle qui achète en ligne, mais il faut vraiment la segmenter par typologies de produits. Autant dans les années 2000, les consommateurs étaient prêts à acheter du travel ou des livres sur le web, en revanche ils étaient beaucoup plus réticents pour des articles haut de gamme, a fortiori quand ils n'avaient pas eu l'opportunité de les voir physiquement. Jusqu'en 2015, peu d'acteurs dans le luxe se sont lancés (NDLR : des marques comme Burberry ou Hermès ont néanmoins pris le virage du digital dès les années 2000). L'une des craintes que nous pouvions avoir était de savoir comment nous allions retransmettre en ligne l'expérience incroyable de nos boutiques. L'univers du luxe est un business sur lequel l'expérience magasin est magnifiée. Nous vendons des articles, mais aussi une expérience. Nous avons mis du temps à trouver des solutions matures pour notre activité e-commerce : livrer suffisamment vite, avoir une expertise sur l'unboxing, disposer de capacités de traitement mondial sur le "customer care" (service client).

Vous évoquez le fait de retransmettre « l'expérience incroyable en magasin » sur le digital. Justement, comment arrivez-vous à exprimer cette spécificité d'un produit ou d'une marque dans son univers en ligne ?

Nous recréons un dérivé de l'expérience en magasin. Actuellement, personne n'a encore inventé une technologie qui permet de toucher un produit comme en boutique. En revanche, cette expérience passe par la qualité des photos. Les visuels doivent être absolument fidèles à la réalité du produit présenté. Nos articles sont portés par des mannequins pour que la cliente (ou le client) puisse se projeter sur la pièce qu'elle est en train d'acheter. Autre point clé, l'importance de l'unboxing : comme pour nombre d'e-commerçants, nous n'avons pas de contact physique avec la grande majorité de ces acheteurs. L'emballage et le déballage des colis ont été imaginés comme une carte postale de Paris. Un moment clé où le client s'offre une dose de bonheur via une magnifique paire de chaussures, un sac à main... L'ouverture du colis doit être alignée avec la qualité du produit acheté. Le dernier point concerne le service client. Nous mettons un point d'honneur à ce qu'il soit de grande qualité : ouvert six jours sur sept, 24 heures sur 24, et en cinq langues (français, anglais, allemand, chinois et coréen). Nous suivons de très près les indicateurs de satisfaction client : nous devons systématiquement apporter une réponse à nos clients. Un élément que nous ne perdons jamais de vue.

Nous réalisons plus de 85 % du chiffre d'affaires en dehors de France

En quoi consiste cette expérience d'unboxing ?

Typiquement, quand le client ouvre son colis, il a un visuel immersif qui apparaît. Un pop-up en 3D donne une impression de volume. Nous mettons de la personnalisation avec le prénom ou les éléments communiqués lors de l'achat. Le colis comprend également une boîte que le client pourra garder pour ranger ses articles. Un soin particulier est apporté à la présentation du produit, sous forme d'écrin.

Lors de son lancement, le site s'est appelé 24 Sèvres, en référence à la rue où est situé votre grand magasin parisien Le Bon Marché. La plateforme e-commerce a été pensée comme sa vitrine digitale mais, en 2019, vous avez changé de nom en l'appelant 24S. Pourquoi ce choix ?

Le changement de nom s'est fait en raison de l'international. Quand nous avons lancé notre site en Corée du Sud, nous avons constaté que la prononciation était trop compliquée pour nos clients et équipes locales. Nous avons donc fait simple en contractant à 24S. Ces trois caractères ont l'avantage d'être plus mémorisables pour nos acheteurs internationaux.

Et concernant les synergies du site avec Le Bon Marché ?

Pour chaque commande réalisée sur le site le matin, les produits sont disponibles dans l'après-midi en click and collect. Lors du retrait, une magnifique cabine d'essayage est à la disposition de nos clients à l'image du Bon Marché. Nous avons également un programme de fidélité commun.

Pourquoi le site ne s'est-il pas appelé LVMH, un nom mondialement connu ?

Notre offre dépasse de très loin les marques vendues par LVMH, nous commercialisons 300 marques sur le site, dont seulement une vingtaine appartient au Groupe. Nous sommes donc agnostiques et pouvons avoir des marques du groupe Kering (Balenciaga), par exemple. Le client ne sait pas qui est le propriétaire de telle ou telle marque.

Un mot sur vos résultats et vos ambitions pour l'année 2022 ?

Nous enregistrons une croissance de plus de 60 % d'année en année. Chaque semaine, 24S comptabilise plusieurs milliers de commandes et plus de 5 millions de sessions par mois. Le panier moyen se place au-dessus des 500 euros. Notre objectif est d'atteindre le cap du demi-milliard d'ici 2-3 ans. 50 % de nos clients ont moins de 35 ans. Nous adaptons donc notre assortiment car ils ne recherchent pas exactement les mêmes pièces qu'une clientèle plus âgée. Nous allons, par exemple, proposer moins de tenues habillées ou de soirée.

Comment abordez-vous vos différents marchés internationaux ?

Nous réalisons plus de 85 % du chiffre d'affaires en dehors de France. 24S, traduit en cinq langues, est réparti sur deux plaques continentales. D'un côté, l'Amérique du Nord avec les États-Unis et le Canada et, de l'autre, l'Asie, avec la Corée du Sud et la Chine. L'Allemagne est aussi l'un de nos plus gros marchés. Nous avons une assise mondiale en termes de distribution et de volume d'affaires.

Nous avons une assise mondiale en termes de distribution et de volume d'affaires.

Quelles sont les spécificités de ces marchés ?

Nous observons des différences dans les paiements utilisés. Les clients allemands sont très orientés sur le paiement fractionné. Les États-Unis sont très adeptes de PayPal. Pour la Chine, c'est nécessairement Wechat Pay et Alipay. Les taux de retour diffèrent également comme en Allemagne où ils sont plus importants, une habitude de marché.

Quelle est votre feuille de route pour cette année ?

L'un des gros projets concerne la Chine, avec le lancement d'un mini-programme pour la rentrée sur Wechat. Notre mission est de donner cette vision parisienne de la mode via notre plateforme e-commerce. La France demeure le creuset du luxe. L'attente des clients est absolument incroyable parce qu'il y a un amour fou pour Paris et une passion pour les produits que nous commercialisons et exportons. Nos clients doivent avoir ce sentiment de site local. En septembre, nous avons changé notre boîte d'unboxing pour renouveler l'expérience visuelle et limiter la volumétrie de papiers et cartons utilisés.

Quelles observations faites-vous entre les achats réalisés dans vos boutiques et votre plateforme e-commerce ?

Notre catégorie phare est la maroquinerie. Appartenant au groupe LVMH, nous avons la chance de pouvoir vendre en exclusivité des marques comme Dior, Celine, Fendi, Louis Vuitton, Moynat... Un article sur lequel nous n'arriverons pas à faire la preuve par la photo de sa qualité ou de sa spécificité sera moins exprimé sur Internet..

La différenciation dans le luxe se fait notamment dans l'aspect visuel. Pourtant, votre site ne semble pas être aussi travaillé qu'on pourrait l'imaginer : les détails d'une robe avec son décolleté ou un point original de celle-ci sont peu visibles...

C'est un exercice difficile car nous demandons aux équipes et photographes de résumer un produit de mode renouvelé tous les six mois sur cinq photos. Volontairement, nous ne présentons pas le visage complet des mannequins, car les clients peuvent se projeter plus facilement sur le look. In fine, la qualité de nos photos s'effectue dans l'association des pièces. C'est ce que nous cherchons à mettre en avant, un choix impossible pour une mono-marque. Nous faisons ainsi rayonner une pièce Ami avec une de chez Céline... Nos contenus vidéos sont peut-être moins mis en avant sur le site, mais ils le sont sur Instagram et Tik Tok.

Comment votre plateforme évolue avec les sites des marques du Groupe ?

Nous sommes totalement indépendants. Lorsque nous avons démarré, je voulais de vrais développeurs. Ils ont été les premiers collaborateurs ! Nous avons commencé en mode « from schratch ». Toute la partie client a ainsi été réalisée en interne. En termes de contenu, nous réécrivons l'histoire des marques car elles ont forcément une vision mono-marque. Sur 24S, nous avons un terrain de jeu absolument incroyable. Nous avons des dizaines de milliers de produits avec un renouvellement dans la mode faramineux.

Que proposez-vous en termes de livraison ?

Nous sommes majoritairement sur la livraison express en 24 heures, via DHL, Chronopost ou FedEx. Une commande réalisée dans la journée sera livrée le lendemain matin dans les grandes villes mondiales (Londres, New York, Dubaï, Milan, Miami...). En cas de retour d'un produit, le client prend rendez-vous et le livreur vient rechercher la commande à son domicile.

Quel est votre regard sur des plateformes de luxe comme Net-à-Porter ou Farfetch ?

Tout concurrent nous pousse à aller de l'avant. Ils ont tous une très importante antériorité par rapport à notre plateforme. Nous avons seulement cinq ans, là où certains ont été lancés en 2000 ou 2001. Néanmoins, la clé reste l'assortiment et nos exclusivités via nos marques emblématiques mais aussi nos collections capsules exclusives. Cela nous offre un avantage fondamental par rapport à ces acteurs.

Le live shopping s'est fortement développé dans le retail. Où en êtes-vous dans votre réflexion ?

Nous proposons depuis plusieurs années du shopping assisté. Nos clients VIC (ces Very Important Customers représentent 2 à 3 % des clients et 30 % du chiffre d'affaires, ndlr) ont accès à une équipe dédiée, experte de la mode, qui leur met à disposition les produits, etc. Le luxe induit de ne jamais dire non aux clients. En septembre, nous avons lancé des live shoppings via une approche multimarques "mix and match". Ils seront régionalisés en imaginant un rendez-vous mensuel. Nous serons pragmatiques en fonction des feedbacks de nos clients.

Web3, metaverse, NFT... Quel est votre regard sur les technologies émergentes ?

Volontairement, nous ne sommes pas positionnés. Nous estimons que le metaverse manque encore de fidélité dans la restitution des produits. Nous ne pouvons pas vendre des sacs sur lesquels nos artisans passent des heures et derrière avoir leur représentation surpixélisée. Cela serait un non-sens.

Nous serons présents dans le Web3 le jour où il y aura de l'audience, pour le moment elle reste trop limitée.

Nous n'avons donc pas de projet à court terme.

24S migre d'un modèle wholesale à une marketplace. Qu'est-ce que cela signifie ?

Auparavant, nous achetions les collections et les distribuions depuis notre entrepôt à Paris. Depuis 2020, notre marketplace prend un poids croissant. La sélection de ces marques s'effectue sur deux facteurs : une vision éditoriale de l'offre et une dimension qualitative (la capacité opérationnelle à servir les clients). Une des complexités de notre marketplace est son envergure mondiale. Il est absolument essentiel d'avoir un niveau de qualité client identique à nos propres livraisons. Aujourd'hui, nous avons un NPS de 80 et 96 % de nos clients nous recommandent. Nous pouvons donc être amenés à ne pas travailler avec certaines marques si le niveau de qualité client n'est pas suffisant.

Nous recensons plus de 300 marques : Chloé, Prada, Max Mara, Isabel Marant, Jacquemus... L'ambition est d'atteindre les 50 % de chiffre d'affaires via la marketplace dans les prochaines années. Nous allons continuer à augmenter le nombre de marques mais de manière limitée. Toutes ne peuvent pas être exprimées au sein de 24S, sinon nous perdons notre vision parisienne de la mode. Sur la marketplace, nous comptons 10 000 produits. Nous avons un projet multicanal via la possibilité d'un click and collect dans les boutiques des marques partenaires dans le monde.

De grandes plateformes de seconde main se sont créées comme Vestiaire Collective, Videdressing ou The Realreal, est-ce que vous envisagez un jour de proposer également une offre ?

Nous proposons déjà à nos meilleurs clients, via nos personal shoppers, de se séparer d'un certain nombre de pièces qu'ils ne souhaitent plus garder. Nous les récupérons et elles sont ensuite revendues sur des sites de seconde main. C'est un sujet sur lequel nous réfléchissons.

Quels sont vos engagements RSE ?

La responsabilité sociale et environnementale commence par nos équipes, via leur mixité et la parité salariale. Nous comptons 50 nationalités parmi les collaborateurs. C'est la base d'avoir des gens représentatifs de nos clients. Concernant la dimension écologique, nous sommes à l'opposé de la fast fashion, nos produits vont rester dans les garde-robes et vestiaires. Nous travaillons également sur les emballages pour qu'ils soient le plus recyclés possible et recyclables. La marketplace permet enfin d'être connectée aux différents entrepôts continentaux des marques et d'éviter aux produits d'effectuer des milliers de kilomètres.

Son parcours :

Né en 1982, Eric Goguey est diplômé de l'EDC Paris Business School.

En 2004, il commence sa carrière au sein du premier opérateur hôtelier européen Accor comme chef de projet SEA et affiliation.

En 2007, Eric Goguey intègre l'enseigne Sephora comme responsable projets et opérations au sein du département e-commerce, avant d'en devenir directeur, trois ans plus tard.

En 2015, il devient CEO et fondateur de 24 Sèvres aujourd'hui 24S, la plateforme e-commerce du groupe LVMH. Après 18 mois de développement, le site est lancé ;



 
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