[Tribune] Loi Egalim : les négociation commerciales 2020 sous la férule de la DGCCRF
Le code de commerce distingue désormais les conventions annuelles générales, celles des produits de grande consommation, celles des produits vendus sous marque de distributeur ainsi que celles soumises au régime de plus en plus complexe des produits agricoles et alimentaires.
Je m'abonneCarrefour, Intermarché et Système U viennent d'être sanctionnés par la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) à hauteur respectivement de 2,93 millions euros, 211 000 euros et 1,14 million d'euros pour avoir signé tardivement les conventions conclues avec leurs fournisseurs. Selon la DGCCRF, le fait de ne pas avoir signé la convention dans les délais impartis serait susceptible de "renforcer le rapport de force en faveur du distributeur".
L'annonce de ces sanctions intervient en période de finalisation des négociations annuelles et à moins d'un mois de cette date butoir du 1er mars pour les négociations 2020. La DGCCRF semble ainsi vouloir rappeler fermement aux acteurs de la (grande) distribution leurs obligations en matière de formalisation des négociations commerciales. Elle avertit dans son communiqué que "les négociations qui s'achèveront au 1er mars 2020 seront, plus encore que les précédentes, un indicateur de la volonté des acteurs de jouer le jeu de la réforme".
Bien que prises en application des textes antérieurs, il s'agit des premières sanctions administratives prononcées par la DGCCRF depuis l'entrée en vigueur de la Loi EGalim du 30 octobre 2018 et des ordonnances du 24 avril 2019.
Ces dernières se donnent pour objectif de favoriser une construction des prix de vente des denrées alimentaires en fonction des coûts de production afin de rééquilibrer les relations commerciales au profit des producteurs. Elles visent à accroître encore davantage la transparence des négociations commerciales afin de mettre en évidence et réprimer les éventuels abus. L'objectif de transparence impose aux fournisseurs et aux distributeurs de respecter un calendrier pour les négociations et de conclure, au plus tard le 1er mars de l'année de sa prise d'effet, une convention écrite "mentionnant les obligations réciproques auxquelles se sont engagées les parties à l'issue de la négociation commerciale".
Le code de commerce distingue désormais les conventions annuelles générales, celles des produits de grande consommation, celles des produits vendus sous marque de distributeur ainsi que celles soumises au régime de plus en plus complexe des produits agricoles et alimentaires. Chaque convention doit ainsi respecter un formalisme qui lui est propre et procéder à une décomposition détaillée de la structure tarifaire des remises et des services rendus par le distributeur à partir du tarif du fournisseur qui constitue le "socle unique de la négociation commerciale".
En particulier, s'agissant des produits agricoles et produits alimentaires, le contrat doit mentionner les indicateurs retenus pour tenir compte des coûts de production des producteurs et prévoir une clause de renégociation tarifaire. Ces derniers ont également, pour certains produits, l'initiative de la contractualisation avec, pour le distributeur, l'obligation de motiver son éventuel refus.
En cas de non-respect de ces exigences de transparence, la DGCCRF dispose d'un pouvoir de sanction administrative (sans intervention préalable d'un juge) à hauteur de montants importants, comme l'illustrent les récentes condamnations.
Les éventuels abus constatés peuvent être sanctionnés par le juge judiciaire disposant désormais d'un contrôle sur le prix, s'ils constituent un avantage sans contrepartie ou manifestement disproportionné (qu'il s'agisse de services de coopération commerciale, de réduction de prix, de BFA, etc.) ou une soumission ou tentative de soumission à un déséquilibre significatif dans les droits et obligations de parties.
La victime de ces pratiques pourra demander la nullité des clauses déséquilibrées outre le prononcé d'une amende civile dont le montant pourra atteindre cinq millions d'euros ou le triple du montant des avantages indument perçus ou 5% du chiffre d'affaires réalisé en France par l'auteur des pratiques.