Une consommation relancée en 2020 ?
À l'occasion de la présentation de sa conjoncture annuelle ce jeudi 6 février, Nielsen synthétise les évolutions de la grande consommation et envisage l'exercice 2020.
Je m'abonneLa grande distribution a clos 2019 avec une érosion des volumes atteignant -0,8%, et la croissance en valeur n'a pas dépassé +0,8%. Certains analystes blâment un peu rapidement la Loi Alimentation, mais cette morosité est visible depuis plusieurs années déjà. Depuis 2016, la croissance en volume n'a pas excédé +0,5% par an, et la croissance en valeur +1,5% sur les produits de grande consommation. Certes la tendance a atteint en 2019 des niveaux inédits depuis au moins 15 ans... mais peut-on pour autant conclure à une déconsommation massive des Français ? Ou peut-on expliquer ces tendances par d'autres facteurs ?
En ce début 2020, plusieurs considérations importantes :
- 2019 est terminée... l'an 1 de la Loi Alimentation a entraîné une baisse significative des volumes promotionnels, qui ne sera pas reconduite en 2020
- Les transferts de la grande distribution vers les magasins spécialisés ne sont pas nouveaux et soulignent la mutation des achats qui s'opère chez les foyers français
- L'e-commerce alimentaire ne montre pas de signes de ralentissement
2019, le prisme de la Loi Egalim
Assurément, de plus en plus de Français se déclarent prêts à surveiller leur niveau de consommation, voire à réduire leurs achats de certains produits, comme la viande et le lait de vache par exemple. Néanmoins, l'année 2019 a été atypique et la loi Alimentation a joué un rôle majeur dans les tendances observées et différents signes nous font dire que 2020 sera sur un autre registre.
Les grandes surfaces et les marques qui y sont vendues ont particulièrement souffert des nouvelles règles du jeu en matière de prix et de promotions. Ainsi, les pertes liées à la promotion seule sont supérieures à 800 millions d'euros, et sans ces pertes, la croissance du chiffre d'affaires aurait pu être doublée en 2019.
Ces pertes liées à la promotion sont particulièrement pénalisantes pour les catégories alimentaires qui continuent à progresser en fond de rayon en volume, ainsi que pour les marques des plus petits groupes* qui ont porté la croissance ces dernières années et qui ne reculent qu'à cause de la promotion cette année. Attendons-nous à les voir rebondir dans les prochains mois. (*intervenants dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur à 250 M€ en grandes et moyennes surfaces).
Fragmentation des achats et concurrence accrue pour les enseignes
À cet impact ponctuel lié à Egalim, il faut ajouter un phénomène qui n'est pas nouveau pour la distribution, mais qui prend de plus en plus d'ampleur en cette période d'individualisation de la consommation. La croissance des circuits alternatifs aux grandes et moyennes surfaces est en effet un signal fort des nouveaux modes de consommation.
Avec les seuls magasins spécialisés en bio, produits frais ou surgelés, ainsi que les solderies, ce sont plus de 500 millions d'euros de croissance qui échappent aux grandes surfaces en 2019. Ces magasins touchent souvent une cible spécifique, nettement plus aisée et plus urbaine pour les spécialistes en bio ou surgelés, un peu plus modestes pour les solderies, et permettent d'offrir ce que les Français recherchent, une consommation plus individuelle ou qui permet de mieux surveiller son porte-monnaie.
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À cela s'ajoute enfin le développement du e-commerce. Historiquement axé en France sur l'essor du circuit drive, l'e-commerce alimentaire poursuit sa progression via la livraison à domicile. Cette croissance se fait à la fois sous l'impulsion des enseignes alimentaires historiques mais aussi des pure players comme Amazon ou Cdiscount qui s'octroient une part de plus en plus importante du gâteau. En 2019, ce sont ainsi plus de 600 millions d'euros qui ont été captés par ce mode de distribution, pour des gains annuels de près de 120 millions d'euros.
Vers un rebond en 2020
"Si l'on cumule ces différents facteurs, l'année 2020, qui commence d'ailleurs de manière positive, s'annonce beaucoup moins terne que certains pourraient le penser, analyse Emmanuel Fournet, directeur analytique chez Nielsen. Même si bien sûr, les Français sont plus avertis que jamais quand il s'agit de faire leurs choix en rayon et réduisent leur consommation sur certaines catégories de produits. Les distributeurs qui ne prendront pas ceci en compte pourraient connaître une nouvelle année compliquée... ceux qui seront à l'écoute des consommateurs auront un train d'avance."
L'alimentaire confirme sa grande résilience en comparaison avec d'autres univers de consommation. Les choix qui seront faits par les distributeurs en termes d'assortiment, l'an 2 de la loi Alimentation et ses possibles adaptations vont favoriser les volumes en 2020. Et la croissance des circuits alternatifs va se poursuivre, confirmant que les Français sont loin de déconsommer massivement.