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Edouard Nattée, fondateur et dirigeant de Foxintelligence by NielsenIQ : "La technologie libère de nouveaux modes de consommation"

Publié par Emmanuelle Serrano le - mis à jour à
Edouard Nattée, fondateur et dirigeant de Foxintelligence by NielsenIQ : 'La technologie libère de nouveaux modes de consommation'

Fondateur et dirigeant de Foxintelligence by NielsenIQ, Edouard Nattée a développé une expertise approfondie du comportement des consommateurs online. L'entreprise dispose d'un précieux panel de plus de 5 millions d'e-shoppers anonymisés dans le monde sur lesquels elle peut s'appuyer pour réaliser ses études.

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Comment va Foxintelligence by NielsenIQ ? Quelles sont ses ambitions ?

L'acquisition de Foxintelligence par NielsenIQ, elle-même détenue par le fonds Advent International, s'est faite en jouant sur la complémentarité des deux structures. À la suite de cette acquisition, NielsenIQ, inventeur il y a 100 ans du concept de "part de marché", a fait le choix stratégique de préserver notre dynamisme et notre culture d'innovation propre aux start-up. En 2021, nous comptions 45 employés répartis dans quatre pays. Aujourd'hui, notre effectif a presque triplé, atteignant 130 collaborateurs et une présence dans 26 pays, grâce à l'appui d'un actionnaire qui soutient notre vision et notre croissance en attirant les meilleurs talents. Notre mission quotidienne aux côtés de NielsenIQ consiste à offrir à nos clients, tels que Carrefour, Nestlé ou Deliveroo par exemple, une compréhension intégrale et détaillée de leurs opérations omnicanales. Cette stratégie porte ses fruits, puisque nous avons réussi à doubler notre chiffre d'affaires en 2022, puis à réitérer cette performance en 2023. Notre valeur ajoutée est de savoir sourcer la donnée et d'offrir une vision sur tous les e-commerçants avec la granularité requise dans plus d'une vingtaine de pays, ce qui n'est pas simple. Nous offrons une transparence enseigne complète, que l'on parle de vendeurs 1P, de marketplaces, de neuf ou de seconde main.

Quelle réaction les enseignes ont-elles eue face à l'effet de l'inflation sur le pouvoir d'achat ?

Nous avons constaté que la croissance du commerce électronique s'est faite notamment sur des modèles économiques favorisant des prix réduits, à l'instar des plateformes de seconde main ou de drop-shipping telles que Temu et Shein. Cette tendance a provoqué une réflexion approfondie parmi nos clients issus du secteur de la distribution traditionnelle, soucieux de savoir si leurs propres consommateurs fréquentaient également ces sites.

Quelle évolution la consommation en ligne a-t-elle suivie ces cinq dernières années ?

Elle a effectivement beaucoup évolué sur cette période. Avant la pandémie, au-delà de la simple augmentation de la pénétration de l'e-commerce, plusieurs modèles de consommation ont émergé : de nouvelles plateformes de seconde main comme Back Market et Vinted, l'essor du drop-shipping avec des Wish, Aliexpress, Shein, etc. et le développement de nouvelles offres de services logistiques avec le quick commerce et le paiement via Alma, par exemple. Le vrai moment de bascule est cependant venu avec la pandémie.

Côté consommateurs d'abord. Les deux générations à l'époque en retrait sur l'e-commerce, c'est-à-dire les baby-boomers et les représentants de la génération X, ont montré une appétence nettement plus forte pour l'e-commerce et des modèles historiquement plus performants auprès des jeunes générations (marketplace, DtoC et seconde main). Ce comportement s'est maintenu après la crise sanitaire. Sur l'ensemble de la population, les nouveaux modèles de consommation cités plus haut, à l'exception notable du quick commerce, se sont affirmés et font désormais partie intégrante du paysage de l'e-commerce européen. Ensuite, côté marques et distributeurs, il y a eu une prise de conscience que, même si la pénétration de l'e-commerce pouvait parfois rester encore minoritaire comme sur l'alimentaire par exemple, l'immense majorité de la croissance et surtout l'essentiel des innovations viendraient désormais du commerce en ligne. Cela s'est traduit par le besoin de comprendre en détail ce qu'il se passait sur ces nouveaux canaux et cela a coïncidé avec le début de notre rapprochement avec NielsenIQ qui souhaitait fournir à ses clients la vue la plus complète possible sur l'e-commerce.

Ces dernières années, l'IA a émergé, quel usage en faites-vous ?

Foxintelligence a également investi dans l'IA pour résoudre des problèmes complexes comme la catégorisation des produits. Dans notre métier, nous traitons de la donnée sur des millions de produits allant du paquet de mouchoirs à la pièce auto, en passant par le café en grains ou en capsules. Pour que la donnée ait un sens, il faut la catégoriser de manière fiable et précise. L'IA générative et les derniers modèles de machine learning nous permettent de venir à bout de cette tâche ardue et complexe. De plus, l'intelligence artificielle nous permet d'automatiser les contrôles qualité : une IA contrôle ainsi le travail réalisé par une autre IA. Nous utilisons enfin l'intelligence artificielle pour faire de la détection d'insights. Nos jeux de données représentent souvent plusieurs téraoctets et l'IA permet de distinguer les informations clés pour nos clients. Côté NielsenIQ, un des développements clés dans ce domaine s'appelle "Ask Arthur", en hommage à notre fondateur Arthur Charles Nielsen, qui permettra bientôt à nos clients de comprendre et interroger leur marché de manière simple et conversationnelle.

Les e-commerçants sont-ils devenus plus agiles dans la gestion de la data ?

Chez les distributeurs, on observe l'essor du retail media et des nouveaux schémas de fidélisation clients qui les a poussés à s'intéresser de plus près à leurs propres données. On pourrait ajouter que c'est surtout l'exemple d'Amazon, avec Amazon Advertising et Amazon Prime, qui a été le déclencheur de cet intérêt porté à la data par les distributeurs. Quant aux fabricants, producteurs et industriels auprès desquels se fournissent les distributeurs, ils se sont désormais presque tous équipés d'entrepôts de données (Datawarehouse BigQuery, AWS, Azure, etc.), dans lesquels ils stockent de manière plus ou moins hiérarchisée les informations qu'ils achètent directement auprès des distributeurs. L'Américain Walmart, par exemple, est un des distributeurs les plus actifs dans la vente directe de données aux fabricants.

Quel est votre propre positionnement sur la valeur que l'on peut tirer de la data client ?

Tout d'abord, Foxintelligence a été fondée sur l'idée que la data client peut avoir beaucoup de valeur tout en ne portant pas préjudice aux clients eux-mêmes. C'est pourquoi Foxintelligence ne vendra jamais les données personnelles des 5 millions d'e-shoppers dans le monde qui constituent notre panel de consommateurs entièrement anonymisé. Nous sommes ainsi en mesure de dire à une enseigne comme Decathlon : "Vous avez des clients ultra-fidèles mais parfois ils préfèrent acheter leurs tenues de yoga chez untel, en raison de ce prix et de cette composition du vêtement. Vos clients seraient mieux servis si vous étiez capables de leur proposer des produits plus en rapport avec ces caractéristiques". Tout cela sans donner leurs identités bien entendu.

L'IA générative suscite-t-elle enthousiasme ou crainte chez vos clients ?

Les retailers pensent aux moyens d'améliorer l'expérience client que l'intelligence artificielle va leur apporter. On peut éduquer une IA pour prodiguer des conseils d'achat en fonction des univers des enseignes (un vélo chez Decathlon, une recette dans une grande surface). Pour les géants de la distribution comme Amazon, c'est l'occasion de proposer de nouveaux services aux fabricants qui viennent vendre sur leur plateforme.

Après avoir apporté une marketplace, une clientèle, des services de livraison, des insights sur les clients finaux, etc., rien n'empêche un géant comme Amazon de faire des recommandations sur le pricing, le développement de produits ou la gestion des ruptures de stock. Il n'est pas impossible donc que, grâce à l'intelligence artificielle, les distributeurs s'invitent dans des domaines jusqu'ici chasses gardées des fabricants (fixation des prix, production, modèle, couleur, taille, etc.).

La société française vous semble-t-elle aller vers une consommation plus responsable ?

L'observation des données de Foxintelligence sur l'e-commerce invite d'abord à s'enthousiasmer sur la capacité qu'ont toutes les générations, notamment les plus jeunes, à s'emparer de modes de consommation responsable : produits reconditionnés avec Back Market, de seconde main avec Leboncoin, Vinted ou Paradigme ; dons entre particuliers avec Geev ; l'auto-partage, etc. Mais dans le temps, les nouvelles enseignes de drop-shipping prospèrent auprès de ce même public et capturent une part croissante des "budgets d'indulgence", cet argent dépensé pour se faire plaisir. La seule conclusion que l'on peut tirer à ce stade est que la technologie libère de nouveaux modes de consommation et permet leur adoption rapide et à grande échelle. Espérons que la nouvelle génération d'entrepreneuses et d'entrepreneurs utilisera ce tremplin pour rendre la consommation en France et en Europe la plus vertueuse possible.


Son parcours :

2007-2011
Après avoir obtenu un diplôme grande école en management stratégique à HEC Paris, il intègre les effectifs de Bain & Company où il devient consultant.

2012-2016
Après un passage chez Amazon, il est un des cofondateurs et directeur général de Westwing France, plateforme d'e-commerce dédiée à la décoration et l'aménagement de la maison.

2016
Il fonde et dirige Foxintelligence, société spécialisée dans l'analyse des comportements de consommateurs dotée d'un panel de plus de 5 millions d'e-shoppers.

2021
NielsenIQ rachète Foxintelligence en décembre.

 
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