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Perifem : « Nous voulons peser sur les textes et le débat public»

Publié par Marie-juliette Levin le - mis à jour à
Perifem : « Nous voulons peser sur les textes et le débat public»

Transition énergétique, sécurité, économie circulaire... la Fédération technique du commerce et de la distribution, Perifem, livre bataille en ces temps agités pour faire bouger les lignes au nom de ses adhérents. Son président, Thierry Cotillard, fort de sa longue expérience au sein du groupement Intermarché, détaille les axes prioritaires de son mandat et livre sa vision du retail de demain.

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À quoi sert la Fédération technique du commerce ?

C'est la seule fédération qui rassemble tous les distributeurs et au-delà les centres commerciaux et les apporteurs de solutions. Elle contribue au pilotage et à l'animation de plus de 30 commissions de travail regroupant environ 1 000 professionnels sur quatre grands thèmes : la transition énergétique, le changement climatique, l'économie circulaire et la sécurité. Perifem représente 70 % du Top 50 des enseignes de la distribution physique (alimentaire et commerce spécialisé) et les 4 leaders des centres commerciaux. Soit 200 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 25 000 magasins, 400 centres commerciaux et 70 millions mètres carrés de surface commerciale. Nous ne sommes pas juste là pour expliquer à nos 230 adhérents le sens des lois. Nous voulons peser sur les textes et le débat public.

Quels sont les chantiers prioritaires ?

Nous avons profité de l'élection présidentielle pour formuler quatre propositions concrètes pour contribuer à un commerce plus responsable, au service des citoyens. Nous interpellons aujourd'hui le Président élu. La première vise encourager l'installation de bornes de recharge électriques sur tous les parkings des magasins et centres commerciaux. La loi d'orientation des mobilités (LOM) oblige d'ailleurs les enseignes de la grande distribution à installer 179 000 points de charge d'ici 2025, correspondant à plus d'1,5 milliard d'euros d'investissements sur trois ans. À fin 2021, moins de 14 000 bornes avaient été installées. Nous demandons que soient maintenues les primes les aides et primes gouvernementales jusqu'en 2025. Le deuxième concerne la création d'une task force pour lutter plus fortement contre les pertes et gaspillages alimentaires (30 % de la production en France ). L'union sacrée entre les distributeurs et industriels, comme elle le fut pendant la crise du Covid, doit de nouveau exister pour permettre d'insuffler des initiatives complémentaires fortes avec l'ensemble des parties prenantes autour notamment de la prévision de la demande (on ne jette que ce que l'on a produit), de l'allongement de la DLC, du développement d'abattements fiscaux incitatifs, de la modification de réglementations européennes, de l'éducation des consommateurs, etc... Troisième requête, des actions pour lutter contre les vols en magasin. Perifem demande de permettre légalement aux agents privés de constater et de dresser un procès-verbal des vols de biens n'excédant pas 200 € afin de répondre plus efficacement à l'absence de flagrant délit constaté par les forces de l'ordre. Enfin, le développement d'une vidéosurveillance intelligente et responsable par les commerçants via la signature d'une charte d'utilisation détaillant leurs engagements en matière de traitement et de protection des données personnelles.

Vous avez été élu le 23 juin 2021. Un premier bilan ?

Premier constat, sur les méthodes, il est assez simple de mettre en mouvement l'ensemble de la distribution sur des sujets où les acteurs ne sont pas en concurrence. Sur le fond, de nombreux sujets font l'unanimité comme la réduction du gaspillage, de la consommation d'électricité, la lutte pour la sécurité dans les magasins. Pour avancer, concrètement, nous avons demandé à chaque acteur de se positionner pour se répartir les rôles sur un mode participatif. Les résultats sont attendus pour fin 2022 avec des modifications législatives sur les sujets travaillés. Et puis, l'effet Covid a eu un impact sur la mobilisation des acteurs autour de causes nationales.

J'ai eu le sentiment que l'on pouvait sortir de la crise sanitaire en rêvant d'un monde meilleur avec des objectifs communs.

Qu'est-ce qui vous plaît tant dans le retail ?

Je fais partie d'un collectif qui est comme ma deuxième famille. Et c'est un métier où chaque journée est différente. Dans un magasin, rien n'est programmé. Le contact avec les clients est mon moteur. J'aime la relation humaine inhérente au métier de commerçant tout simplement.

Vous avez travaillé durant 22 ans dans le groupe Intermarché. Qu'en est-il aujourd'hui ?

Mon métier premier c'est d'être -et je suis toujours- adhérent au groupement Intermarché. Je n'ai plus de responsabilité au sein du collectif Mousquetaires mais je m'occupe de la gestion et de l'exploitation de trois Intermarché, je suis associé dans des deux magasins Bricorama et je développe un réseau de boulangeries artisanales (six fin 2022) et j'exerce mon mandat de président de Perifem.

Comment avez-vous vu évoluer le secteur du retail ?

J'ai connu, à titre personnel, au sein de mon réseau une période difficile avec des rachats compliqués et puis une période de renouveau, entamée il y a dix ans. J'ai vu l'enseigne se repositionner, renouer avec le succès... et naturellement en découle une fierté d'appartenance.

Ce qui me frappe sur le secteur de la distribution, c'est l'accélération du digital.

Pour évoquer Intermarché à titre d'exemple, après 80 % de croissance digitale en 2020, l'enseigne a encore progressé de 10,4 % en 2021. Soit 1,23 milliard d'euros fin 2021. Autre phénomène observé, l'avènement des circuits courts et puis bien sûr, la question du pouvoir d'achat qui a été révélée par le Covid. Je pense que les cartes vont être vite redistribuées car dix acteurs ne seront pas capables de faire face à des coûts phénoménaux de transformation au moment où il faut en parallèle investir dans les prix. Les enseignes ne vont pas pouvoir assurer le quotidien de leur proposition commerciale (être discounter) et se payer la transformation fondamentale, structurelle de nos métiers (logistique performante entre autres...) qui s'impose. Donc il apparaît inéluctable que cette phase de concentration, de rapprochement va arriver. Les plus agiles vont s'en sortir...

Et demain ? Quelle vision du secteur ?

Il ne faut pas que ces transformations soient fatales aux indépendants. En effet, la spécificité de la distribution en France, c'est que le marché alimentaire n'est pas entre les mains de groupes intégrés mais de chefs d'entreprise qui dirigent des PME. En effet, Intermarché, Leclerc et magasins U représentent plus de 50 % du marché alimentaire. Les décisions que prendront les groupes dans les années qui viennent sont donc fondamentales pour maintenir ce modèle unique. À l'avenir, j'ai envie de croire à un modèle de retail animé par des commerçants avec une âme et une incarnation. Et puis, l'avenir, c'est évidemment la digitalisation du commerce et les investissements nécessaires.

Celui qui n'a pas compris que la croissance passera par le digital et l'e-commerce ne prend pas le bon chemin.

Le monde du retail vit une grande transformation. Les citoyens consommateurs sont au coeur de cet écosystème. Comment rendre de nouveau désirable la grande distribution ?

Un des fondamentaux, c'est le sujet du prix, avant le bio, le made in France, le local ... Car il y a une dissonance entre la volonté citoyenne du consommateur et l'acte d'achat. Donc, il faut être très raisonnable sur la facture que l'on présente au client. Et c'est le distributeur qui passe à la caisse, pas les marques. Ce sujet de positionnement prix et promotions est un prérequis. Ensuite, l'expérience en magasin reste le principal levier pour générer du chiffre d'affaires (avant l'e-commerce). Il faut des prix bas mais aussi des valeurs positives dans laquelle la société se reconnaît. La marque employeur, la dépense énergétique, le rapport au monde agricole... Pour continuer à attirer les clients demain, il faudra des enseignes engagées dans la vie citoyenne. Sans oublier, la valeur d'honnêteté car une enseigne marque plus de points en reconnaissant ses failles plutôt qu'en faisant croire à ses clients qu'elle est parfaite. Les enseignes qui auront ce discours de vérité créeront de la préférence de marque. Nous avons une vraie responsabilité en tant que distributeur d'autant plus que nous sommes au bout de la chaîne et donc au contact direct avec les consommateurs.

Les Français sont assez méfiants sur la sincérité des enseignes quant à leur engagement dit responsable. Quelles actions mener pour changer cette image ?

Je suis éloigné de ces complexes en tant qu'exploitant car chez Intermarché nous sommes plutôt sur des formats de proximité, avec notamment 90 hypermarchés. Mais, je comprends les enjeux d'occupation des mètres carrées et d'attractivité autour des loisirs. Je pense que la distribution aura encore pendant quelques années une mauvaise image auprès des politiques car on est face à des lobbys et des syndicats (côté fournisseurs) très puissants et unis avec un discours plus écouté que le secteur de la distribution, qui a encore du mal à parler d'une même voix. Je mène un chantier prioritaire au sein de Perifem, c'est la lutte contre le gaspillage alimentaire qui s'élève à 30 % en Europe. Toute la chaîne devrait s'y atteler pour faire changer cela. Face à cela, la question est par exemple de savoir si les industriels sont prêts à prolonger les dates limite de consommation d'une semaine sur les produits sans danger. Vouloir maximiser les rotations et les volumes, ce n'est pas par exemple, très responsable. Nous allons poser le sujet sur la table, mais ce n'est pas gagné !

Vous avez co-créé le « Collège citoyen de France » en mars 2021, une formation pour porter les projets d'utilité publique. Comment avez-vous eu l'idée de ce projet ?

C'est un projet qui me tient à coeur. C'est une nouvelle école qui prépare les responsables publics de demain. Un cursus d'excellence, gratuit pour développer un projet citoyen. Le hasard des rencontres a fait que j'ai été sollicité -et mon réseau de partenaires- pour donner des denrées alimentaires pour élaborer des repas gratuits pendant le confinement dans 70 restaurants à Paris. Nous avons distribué 5 000 repas aux plus démunis chaque jour pendant cette période. De cette idée concrète est née l'envie de changer le monde d'après. D'où la création de ce collège. Comme quoi, en politique aussi il faut être audacieux pour construire des projets innovants, généreux et ambitieux.

Son parcours :

2008 : reprise de son premier Intermarché à 33 ans et début de sa vie d'entrepreneur

2015 : nommé président d'Intermarché par ses collègues Mousquetaires

2020 : gestion de la crise Covid à la tête d'Intermarché

2021: élection à la tête de la Fédération Perifem

 
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