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Bruno Delahaye, partner chez Cathay Innovation : "Les retailers doivent trouver le bon degré de personnalisation"

Publié par Emmanuelle Serrano le - mis à jour à
Partner, Cathay Innovation
Partner, Cathay Innovation

Bruno Delahaye est partner au sein du fonds global de capital-risque Cathay Innovation en charge de l'expertise consumer du fonds d'investissement. Auparavant Head of Analytics pour Walmart Connect, l'unité commerciale de retail media de Walmart, Bruno Delahaye a participé activement aux évolutions que le secteur de la consommation a connues au cours de la décennie passée : personnalisation de l'expérience client, nouvelles préoccupations de durabilité et de transparence, interactions numériques.

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Que retenez-vous des années passées chez Walmart, une enseigne emblématique de la grande distribution outre-Atlantique. Qu'y avez-vous accompli en particulier ?

Walmart c'est une histoire de transformation. J'y ai passé trois ans et demi pour travailler sur la partie retail media. Auparavant, j'ai contribué au développement de la startup de machine learning KXEN, rachetée par SAP en 2013. Puis j'ai dirigé et opéré par la suite la cession de Reach Analytics, une entreprise de cloud machine learning basée sur une technologie de marketing prédictif.

À l'époque où j'ai intégré l'entreprise, le retail media, c'était quelques centaines de millions de dollars pour eux. En juillet dernier, quand je les ai quittés, c'était plutôt de l'ordre de trois milliards de dollars. En l'espace de trois ans, sur ce segment d'activité, on peut dire qu'on a fait un multiple de 10 en termes de revenus tirés de cette activité. Même si cela ne représente qu'une part très faible de leur chiffre d'affaires au global bien entendu (CA 2022 de Walmart de 567,76 milliards de dollars), c'est une activité où les marges sont élevées.

Chez Cathay, quelle est votre feuille de route ? Quelle est la stratégie du fonds et de ses véhicules pour la déployer ?

Nous ciblons des jeunes pousses qui ont de grandes ambitions en termes de transformation de l'industrie, quelle que soit la région du globe où elles sont implantées. Nous avons des bureaux en Europe, aux U.S.A et en Asie et des partenaires en Afrique et en Amérique latine, etc. Il y a plusieurs véhicules d'investissement à notre disposition. Le premier fonds Inno I (250-300 millions d'euros) a eu une performance très forte. Inno III, qui cible des séries A à C, représente une poche d'un milliard d'euros environ. Notre objectif est de créer un écosystème propice à l'innovation à l'aide de ces véhicules. Pour ce faire, nous travaillons avec les entreprises afin de comprendre leurs besoins et tendances du marché car les clients finaux de beaucoup de start-up, ce sont ces acteurs du secteur corporate. Cela ne veut pas dire que nous alignons notre stratégie sur la leur, nous avons aussi notre vision propre et complémentaire. C'est extrêmement vertueux car les start-up sont ravies de pouvoir parler aux bonnes personnes dans les grosses structures, qui elles ne demandent qu'à être tenues au courant de tout ce qui a trait à l'innovation. Nous créons ce lien en fin de compte. Nous regardons principalement quatre grandes verticales : le secteur de la grande consommation et du commerce ; la santé, et notamment tout ce qui est « health tech » ; l'énergie et la mobilité et enfin la finance.

Et l'IA dans tout cela ?

Je pense que tous les fonds s'y intéressent de près mais nous sommes très orientés sur les apporteurs de solutions. Il faut se demander quel problème on veut résoudre avec telle ou telle solution ? Est-ce que la problématique visée est une vraie problématique de long terme (ex : monétisation des first-party data, retail media) qui sera structurante pour les acteurs de l'e-commerce par exemple ou pas du tout ? On ne veut pas « juste faire de l'IA » pour la beauté de l'art. Nous essayons toujours de garder cette visibilité très pragmatique et cette compréhension.

Historiquement, nous arrivions bien au niveau de la data à identifier les différents profils de clients. Mais si on a autant de profils de clients que de clients, comment fait-on pour déployer un parcours différencié pour 1000, 10000, 100000 clients ? C'est très difficile. Là où l'IA générative est très intéressante, c'est qu'elle permet à déployer à plus grande échelle et de façon plus puissante. On peut ainsi créer des nouveaux parcours, des offres plus personnalisées et démultipliées plus rapidement. Bien entendu, cela ne veut pas dire que cela résoudra tous les problèmes. Certainement pas. Mais il est probable que lors qu'on créera un chemin client, on pourra ensuite en créer cinq autres. Petit à petit, l'expérience client va devenir de plus en plus fluide. La création de valeur profite ainsi aux enseignes, mais également aux marques et le client final.

L'ultra-ciblage a ses limites aussi. Quelle est votre analyse à cet égard ?

Lesapproches où l'on ne fait que de l'ultraciblage en cherchant uniquement de la performance, ça nous amène au fond d'un entonnoir. Il faut donc trouver un bon compromis. Il y a des marketplaces qui le font très bien déjà, en utilisant des outils de recommandation qui vont chercher de la diversité. C'est une problématique compliquée à gérer. Mais il faut effectivement éviter un effet d'hyperspécialisation. C'est la force du retail par rapport à d'autres secteurs, car les acteurs de ce secteur ont intérêt à créer une certaine diversité, à l'opposé d'un réseau social ou d'un parti politique, qui ont besoin d'un « superciblage ».

Comment l'AI peut faciliter l'atteinte du Graal de l'omnicanalité ?

Ma vision personnelle, c'est que nous ne sommes pas encore vraiment à l'ère de l'omnicanalité. Tant que nous sommes dans un environnement en ligne et dans le cas idéal où tous les gens sont identifiés, on peut créer une offre vraiment omnicanale online. Et c'est là que l'IA générative s'avérera très utile car créer de nouveaux parcours et de nouvelles expériences clients deviendra de plus en plus simple. Et comme on est capable d'avoir une segmentation assez fine, ça fonctionnera de façon efficace. Là où cela est plus complexe, c'est sur la partie offline en magasins notamment. Très souvent, les gens ne s'identifient qu'à la fin de leur parcours en magasin. En général, un client dans une grande surface va faire l'ensemble de ses courses et quand il paye, il va donner sa carte de fidélité. Mais le consommateur aura fait tout son parcours sans que l'on puisse concrètement influencer ses achats en lui fournissant la bonne information avant d'entrer dans le magasin. C'est aussi compliqué pour une autre raison. Autant en ligne, on peut jouer sur les produits à mettre en avant, autant dans un magasin physique, c'est plus difficile de déplacer des linéaires. Aujourd'hui, ce n'est plus « je suis offline » ou « je suis online », on est un petit peu les deux en même temps. Chez Walmart, près de 50 à 60 % des clients en magasin sortaient leurs téléphones pour chercher des informations produits. Donc si on arrive à apporter de la valeur ajoutée au client final, il va se connecter. On va être capable d'apporter une offre un petit peu plus omnicanale.

Chez Walmart, nous avions fait une expérience en proposant aux consommateurs un site avec pub et un site sans pub. Des questionnaires avaient permis d'établir que 80 à 90 % des gens ne voulaient pas d'annonces. Mais en mettant ces mêmes personnes devant deux sites web, l'un avec et l'autre sans pub, plus de la moitié des gens ont préféré le site avec de la réclame. Car un site dépourvu de publicités n'est pas personnalisé. On se retrouve juste avec des listes de produits. Or, maintenant, les consommateurs ont pris l'habitude d'avoir des carrousels, de la pub à gauche, de la pub à droite. Ça concentre l'attention. On veut des offres qui ont du sens. Le consommateur veut de la personnalisation. Ce qu'il faut trouver côté retailers, c'est le bon degré de personnalisation qui constituera une valeur ajoutée pour le consommateur.

 
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