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Discount : un environnement favorable mais pas dénué de limites

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Discount : un environnement favorable mais pas dénué de limites

Si les acteurs du discount se développent fortement en 2022 en raison de l'inflation, leur succès témoigne aussi d'une évolution de la manière de consommer des Français. À cet égard, il leur faudra faire face aux transformations sur le plan digital et en matière de RSE venant questionner leur modèle.

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L'inflation bouscule le secteur de la grande distribution comme rarement. Néanmoins, il ne s'agit que de l'accélération d'une évolution déjà à l'oeuvre ces dernières années dans la manière de consommer des Français : moins d'ostentation, pour un retour à plus de praticité et de sobriété.

Ainsi, si les volumes de vente sur le périmètre de la grande distribution baissent de 4,1 % entre le premier semestre 2022 et le premier semestre 2023, ils baissent également de 0,6 % par rapport au premier semestre 2019 selon Circana (ex-IRI et NPD). L'inflation pèse sur les dépenses des ménages, mais aussi sur les coûts des fabricants et des distributeurs, qui limitent le nombre de références en rayon. Aux lois Egalim et bientôt Descrozaille, qui réglementent les promotions, s'ajoute aussi la volonté des consommateurs de moins gaspiller. Enfin, ceux-ci sont moins frileux à l'idée d'acheter "malin", et consomment sans complexe chez les discounters. "Ces acteurs profitent de la simplicité de leurs offres, avec un nombre de références restreint, ce qui permet de gagner un temps précieux au moment de faire ses courses, la rapidité et la praticité devenant un vrai sujet pour les consommateurs. Et aussi le prix, ou plutôt le rapport qualité/prix avec la montée en gamme d'acteurs comme Lidl ou Aldi", indique Frédéric Juvin, associé fondateur du cabinet de conseil Retailix et ancien directeur concept retail de Carrefour.

Le poids du discount en France

Les ventes en volume des discounters ne reculent ainsi "que" de 3,3 % en comparant les premiers semestres 2022 et 2023. Dans l'alimentaire, Lidl, Aldi et Netto cumulaient près de 11,5 % de parts de marché en valeur fin 2022, contre 9 % en 2019 selon les chiffres de Kantar Worldpanel. Avec +0,3 point de part de marché, Lidl affichait en 2022 la plus forte progression de l'année, pour un chiffre d'affaires proche des 15 milliards d'euros, en hausse de près de 7 % ! En parallèle, les soldeurs, déstockeurs et autres spécialistes du bazar, de la mode, de la déco, de la DPH (droguerie, parfumerie, hygiène) ou encore de l'épicerie sucrée à petit prix ont séduit 1,12 million de Français en 2022 selon Kantar. Le secteur, qui pèse près de 10 milliards d'euros selon Xerfi, attire autant les plus modestes que les consommateurs plus aisés, à la recherche de bonnes affaires, et qui n'hésitent pas à s'afficher avec un sac Action.

Dix ans après son arrivée en France, l'enseigne néerlandaise a fait de l'Hexagone son principal marché avec plus de 725 magasins et un chiffre d'affaires de plus de 3 milliards d'euros à elle seule, contre 2 milliards en 2020. Elle entraîne dans son sillage de nombreux acteurs étrangers, conscients de l'opportunité que représente le marché hexagonal : le Danois Normal a vu son chiffre d'affaires exploser entre 2020 et 2023, passant de 39 à 209 millions d'euros, tandis que l'Américain CostCo, le Britannique B & M, l'Espagnol Primaprix, l'Allemand Tedi et le Brésilien Atacadao se sont tous implantés en France ces dernières années. Ils viennent concurrencer les acteurs traditionnels du bazar comme GiFi, qui a passé le cap des 600 magasins en 2023 et du 1,5 milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2022, en hausse de 2 % sur l'année. Mais aussi Centrakor, spécialiste de la maison, qui a dépassé 1 milliard d'euros de CA en 2022, en hausse de 15 %, devant des enseignes comme La Foir'Fouille et Stokomani qui sont au coude à coude, avec un chiffre d'affaires supérieur à 800 millions d'euros et des croissances à deux chiffres.

Faut-il dès lors y voir un mouvement pérenne, et la possibilité pour le secteur discount d'approcher le poids qu'il a dans des pays comme l'Allemagne ? Pas certain, quand on voit la récente stagnation des enseignes alimentaires.

Quelles perspectives dans les années à venir ?

"L'inflation touche tous les postes de dépenses des Français, notamment les plus modestes. Après le loyer ou l'essence, la consommation est un levier d'ajustement et les enseignes du discount en profitent ! D'autant qu'il existe un fort taux de vacance dans les zones commerciales et les galeries marchandes, notamment du fait de la fermeture des enseignes de mode, qui pèsent 60 % de l'offre de certaines zones", explique Alexandre Séjourné, directeur général d'Accessite, spécialiste de l'immobilier commercial. Il met toutefois en garde : "Les prix bas du discount viennent autant de sa capacité à acheter en gros volume à bas prix que de ses faibles coûts opérationnels et de ses capacités logistiques. En la matière, il faut une taille critique pour tenir tête aux enseignes de la grande distribution et de l'e-commerce, en tenant sa promesse prix et en étant capable d'achalander ses rayons".

Une taille critique que tous les acteurs ne pourront pas atteindre sans des moyens conséquents et une gouvernance adaptée. Des acteurs comme Toujust ou Noz montrent des premiers signes de fébrilité cet automne. D'autres, comme CostCo, pourtant mieux armés, sont confrontés à la difficulté de trouver de grands espaces suffisamment adaptés à leurs modèles.

Qu'elles soient françaises ou étrangères, les enseignes discount non-alimentaires qui auront suffisamment développé leur empreinte territoriale en France afin de proposer continuellement des prix bas pourront profiter, en 2024 ,de l'entrée en vigueur de la loi Descrozaille. Celle-ci va plafonner les promotions sur les produits non-alimentaires à -34 %, au même titre que ce que la loi Egalim a fait pour les produits alimentaires en 2019. Mais d'autres risques pèsent sur leur activité : "Le modèle des déstockeurs repose sur la vente de produits achetés sur d'autres marchés. Ils ne sont parfois pas étiquetés en français, au mépris de la loi", notent les experts du cabinet Pub Audit. Ils évoquent une autre menace réglementaire : "La mise en place d'un scoring environnemental pénaliserait ces enseignes, dont l'offre repose sur des produits chinois de mauvaise qualité."

Quid de l'e-commerce ?

Évoquer les produits bas de gamme venus de Chine nous amène sur le sujet de l'e-commerce. Shein, après avoir mis à mal de nombreuses enseignes de mode de moyenne gamme, propose désormais du mobilier, de la décoration et du petit électroménager. Le géant est bien décidé à élargir son offre, profitant du fait que le discount en ligne se fait rare. Il faut dire que les marketplaces comme Amazon, Rakuten ou Cdiscount, sans se présenter comme des discounters, sont déjà riches en produits de grandes marques proposés à prix cassés. "Du point de vue supply chain, on ne fera pas mieux qu'une marketplace", juge Frédéric Juvin, tandis qu'Alexandre Séjourné rappelle l'importance de la performance logistique dans le modèle du discount.
Un point de vue qui est aussi celui de Pub Audit : "Tous les discounters qui ont lancé des offres omnicanales ont du mal, car la rentabilité en e-commerce repose sur le fait de minimiser les ruptures logistiques". Tant Lidl, qui a lancé son site e-commerce en juin, qu'Action, qui opère en ligne aux Pays-Bas et en Belgique, y vendent ainsi des produits différents que ceux disponibles en magasin.

Il existe cependant quelques initiatives en matière d'e-commerce alimentaire discount, qui sont embryonnaires : au-delà du Club Leader Price, qui dispose d'un nombre d'utilisateurs mensuels équivalent à celui d'un hypermarché, on citera par exemple l'application néerlandaise Picnic, qui espère livrer deux millions de foyers français d'ici à la fin 2023.


En chiffres

Selon une étude dévoilée en février 2023 par becoming, les acteurs du discount séduisent 90 % des ménages français. Si 44 % d'entre eux ont augmenté leurs dépenses dans ces enseignes depuis le début de l'inflation, le discount séduit aussi les plus aisés, puisque 81 % des Français disposant de revenus supérieurs à 60 000 euros par an s'y rendent.

 
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