"Bloquons tout" : un impact économique quasi nul sur la consommation
Le mouvement "Bloquons tout", organisé le 10 septembre, a ciblé routes, dépôts et grandes surfaces, entraînant la fermeture temporaire de plusieurs commerces. Pourtant, malgré ces perturbations, les chiffres montrent que l'e-commerce n'a connu aucun impact significatif, reflet d'une consommation inchangée.

Cette journée du 10 septembre avait de quoi faire peur... Les organisateurs avaient en effet ciblé des symboles économiques forts : axes routiers, dépôts logistiques, grandes surfaces et galeries commerciales. Ce mouvement social, organisé sous le mot d'ordre "Bloquons tout", a rassemblé environ 175 000 et 200 000 personnes selon le ministère de l'intérieur et donné lieu à près de 300 actions de blocage à travers la France. Dans certaines villes comme Lille, Marseille ou Lyon, des supermarchés et centres commerciaux ont été contraints de fermer temporairement, perturbant localement l'accès aux biens de consommation.
Face à ces entraves physiques, les observateurs anticipaient un report vers le commerce en ligne. L'hypothèse semblait logique : à l'instar de précédents épisodes de grèves ou de manifestations urbaines, les plateformes d'e-commerce pouvaient apparaître comme une solution alternative et sécurisée pour s'approvisionner, notamment pour les produits de consommation courante. Pourtant, l'analyse des chiffres révèle une réalité différente.
L'e-commerce reste indifférent au mouvement
Selon les données du Webloyalty Panel, qui agrège les comportements d'achat sur 37 sites d'e-commerce, le mouvement n'a eu aucun effet significatif sur la consommation en ligne. Les ventes enregistrées le 10 septembre ne progressent que de 6 % par rapport à la moyenne des mercredis 2025, un niveau jugé négligeable et lié avant tout à la fermeture temporaire de certains magasins physiques.
Comparé à la même période en 2024, le volume d'achats est même en baisse de 6 %, ce qui exclut un biais lié à la saisonnalité. Les enseignes Click & Mortar, susceptibles d'incarner une alternative entre achats en magasin et commandes numériques, n'ont pas non plus profité de l'occasion (+1 % seulement par rapport au même mercredi de l'année précédente).
L'ensemble de ces indicateurs montre que le 10 septembre n'a provoqué ni ralentissement, ni accélération, ni transformation des habitudes de consommation. Les Français ont poursuivi leurs pratiques ordinaires, sans chercher à anticiper ni à contourner les blocages.
Un mouvement éloigné des enjeux de pouvoir d'achat
Pour expliquer cette indifférence, les analystes soulignent l'écart entre le profil des manifestants et celui des consommateurs directement concernés par le pouvoir d'achat. Selon une étude de la Fondation Jean Jaurès, les participants à "Bloquons tout" appartiennent majoritairement à des catégories jeunes, urbaines, éduquées et socioprofessionnelles supérieures, proches de la gauche radicale. Leurs revendications portent davantage sur des enjeux idéologiques - justice sociale, environnement, inégalités - que sur des préoccupations matérielles immédiates.
Ce profil contraste avec celui des "gilets jaunes", mobilisés en 2018-2019 autour du coût de la vie et de la fiscalité, qui avait eu un impact tangible sur les comportements de consommation. La distance culturelle et sociale entre les revendications du 10 septembre et les paradigmes de la consommation explique largement l'absence de répercussions économiques.
Une banalisation des mouvements sociaux ?
Au-delà du seul prisme économique, cette absence de réaction traduit probablement une banalisation des mobilisations sociales. Les blocages, même lorsqu'ils perturbent temporairement la logistique ou les commerces, ne semblent plus générer d'inquiétude durable sur l'accès aux biens de consommation. Pour beaucoup de ménages, le mouvement du 10 septembre a constitué une "bulle médiatique", sans conséquence réelle sur leur quotidien.
"Les chiffres montrent clairement que le mouvement 'Bloquons tout' n'a eu aucun impact mesurable sur le commerce en ligne. Les consommateurs n'ont pas modifié leurs habitudes, ce qui illustre à quel point ce type d'actions est perçu comme une bulle médiatique", souligne Rodolphe Oulmi, directeur général de Webloyalty France.
Une comparaison attendue avec la mobilisation syndicale
Si le 10 septembre n'a pas réussi à infléchir la consommation, les regards se tournent désormais vers la journée d'action du 18 septembre, organisée cette fois par les principales organisations syndicales. Webloyalty prévoit de reproduire son analyse afin de mesurer si la nature des acteurs mobilisateurs influe différemment sur les comportements des ménages.
L'initiative permettra de distinguer les effets d'un mouvement militant, porté par des revendications idéologiques, de ceux d'une mobilisation syndicale plus ancrée dans les préoccupations salariales et sociales. Les enseignements croisés devraient offrir une lecture intéressante de la relation entre contestation sociale et consommation.
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